LA DÉMARCHE DES ÉLUS DE HÉROUXVILLE INQUIÈTE

Ridicule, surréaliste, grotesque!

Hérouxville - l'étincelle


Ariane Lacoursière -

Le règlement adopté par les conseillers municipaux de Hérouxville a fait dresser les cheveux sur la tête à de nombreux spécialistes du droit et de l'accommodement raisonnable, hier.
«Les normes vont contre la Charte canadienne des droits et libertés et sont donc inconstitutionnelles», affirme l'avocat Jean-Claude Hébert. Selon lui, les élus n'ont pas consulté d'avocat avant de rédiger leur règlement. «On dirait que ça a été voté sur le coin de la table! On voit la naïveté du propos et c'est risqué qu'ils ne se couvrent de ridicule», dit-il.
Surréaliste, grotesque, ubuesque
En lisant la manchette de La Presse, hier, la vice-doyenne de la faculté d'éducation permanente de l'Université de Montréal et ancienne consultante en conflits culturels, Rachida Azdouz, a tout d'abord été choquée. Puis, son analyse de la situation l'a troublée. «Malgré les nombreux débats sur l'accommodement raisonnable, les préjugés sont encore présents», déplore-t-elle.
Mme Azdouz croit que le cas de Hérouxville illustre l'immense clivage qui sépare Montréal des régions du Québec. «On vante souvent le multiculturalisme québécois, mais ce phénomène n'existe qu'à Montréal. En région, le degré d'ignorance envers les immigrants est beaucoup plus grand, car il n'y en a pas!» explique-t-elle.
Selon Mme Azdouz, les normes de Hérouxville s'inscrivent dans une nouvelle tendance inquiétante. «Depuis que Mario Dumont s'est prononcé sur les accommodements raisonnables, une vanne a été ouverte au Québec. Après des années de rectitude politique en matière d'immigration, on dirait que c'est à qui sera le plus courageux et le moins politically correct. C'est dangereux», dit-elle.
Le ministère de l'Immigration du Québec a refusé de commenter la situation, hier.
La faute aux médias
Selon Tanya St-Jacques, du Comité écoles et communauté, le gouvernement ne doit pas prendre l'incident de Hérouxville à la légère. «Même si ce n'est l'opinion que d'une minorité, il faut réaliser que certaines personnes semblent effrayées par les communautés culturelles. Il faut continuer le travail de sensibilisation», commente-t-elle.
Il faut aussi s'attaquer aux médias, croit le président du Comité consultatif sur l'intégration et l'accommodement raisonnable en milieu scolaire, Bergman Fleury. Ce dernier déplore que les journalistes ne rapportent que les cas d'accommodements qui donnent raison aux minorités, comme l'affaire des vitres givrées du YMCA.
«Certains élèves ont déjà voulu avoir un lieu de prière pour hommes uniquement, dans des écoles. On a toujours refusé car l'égalité des sexes n'est pas négociable au Québec. Mais ces cas n'ont jamais fait les manchettes», expose-t-il.
Même si beaucoup reste à faire avant que tous les préjugés ne soient abolis, Mme Azdouz reste optimiste. «Le Québec laïque est jeune. L'équilibre que l'on cherche est atteignable. Il faut simplement poursuivre le dialogue», dit-elle.
Un président pantois
Pour sa part, le président de la Fédération québécoise des municipalités, Bernard Généreux, est resté pantois devant l'initiative des élus locaux. «Je ne pense pas qu'on aura une invasion de talibans dans le prochain mois», a-t-il lancé avec ironie.
«C'est la première fois que je vois une municipalité dire que ceux qui veulent venir s'établir ne pourront lapider leurs femmes. C'est un bizarre de message. Et ça sort de l'entendement. Comme si tous les immigrants lapidaient!» s'est indigné M. Généreux, qui est aussi maire de Saint-Prime au Saguenay-Lac Saint-Jean.
«Tout cela relève davantage du Code criminel que d'une réglementation municipale», a conclu le président.
Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, Le Soleil


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