Retour aux bases pour Donald Trump 2020 : la division raciale

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La stratégie de Trump est de faire éclater les démocrates de l'intérieur en les obligeant à se solidariser avec leur branche la plus radicale

A chaque jour sa nouvelle polémique. Dans une série de tweets, Donald Trump a invité ce dimanche 14 juillet des parlementaires de l'aile gauche du parti démocrate à "retourner" d'où elles venaient. Vivement critiqué par Nancy Pelosi, la cheffe des démocrates au Congrès, qui a qualifié ces attaques de "xénophobes", le président des Etats-Unis a renchéri ce lundi, prédisant un avenir peu brillant au parti les soutenant.


Pour tout un chacun anesthésié aux tempêtes à répétition provoquées par les tweets du président américain, ces messages peuvent passer pour une simple provocation supplémentaire. Mais celle-ci, moins anecdotique, à le mérite d'éclaircir sa ligne pour 2020 : pour sa campagne de réelection, Donald Trump ne s'embarrassera certainement pas du politiquement correct et n'hésitera pas à adopter, pour séduire sa base, une rhétorique raciste.


So interesting to see “Progressive” Democrat Congresswomen, who originally came from countries whose governments are a complete and total catastrophe, the worst, most corrupt and inept anywhere in the world (if they even have a functioning government at all), now loudly......



— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) July 14, 2019


Si Donald Trump n'a pas nommé ces cibles, se contentant de dire "Congresswomen" (députée), les Américains ont compris qu'il visait là Alexandria Ocasio-Cortez, de New York, Ilhan Omar, du Minnesota, Rashida Tlaib, du Michigan et Ayanna Pressley, du Massachusetts, qui toutes quatre mènent contre lui une opposition féroce. "Tellement intéressant de voir les élues “progressistes” démocrates du Congrès (…) désormais dire haut et fort et de manière perfide à la population des Etats-Unis, la plus grande et la plus puissante nation de la Terre, comment notre gouvernement doit être dirigé", a tweeté le président américain, estimant que les représentantes en question étaient "originaires de pays dont les gouvernements sont dans une situation totalement catastrophique, les pires, plus corrompus et ineptes au monde (si même ils possèdent un gouvernement qui fonctionne)". Et de conclure : "Puisque c'est comme ça, retournez-y et montrez-nous…".


....and viciously telling the people of the United States, the greatest and most powerful Nation on earth, how our government is to be run. Why don’t they go back and help fix the totally broken and crime infested places from which they came. Then come back and show us how....

— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) July 14, 2019


La faute de ces élues, outre leur opposition à la politique trumpienne ? Avoir des origines "extérieures" présumées. Alexandria Ocasio-Cortez est pourtant née sur le territoire américain, à New-York, dans une famille originaire de Porto Rico, territoire des Etats-Unis. Rashida Tlaib est née à Détroit, elle est la première Américaine d'origine palestinienne à siéger au Congrès. Ayanna Pressley, elle, est une afro-américaine née à Chicago. Seule Ilhan Omar est arrivée aux Etats-Unis quand elle était mineure, depuis la Somalie, en tant que réfugiée. Toutes les quatre sont Américaines.


Mais à travers cette salve de tweets, Donald Trump nie la nationalité états-unienne des quatre femmes, qui s'en sont d'ailleurs émues. "M. le président, le pays dont je viens (...) est les Etats-Unis", a tweeté Ocasio-Cortez. "En tant que membres du Congrès, le seul pays pour lequel nous prêtons serment est les Etats-Unis", a ajouté Omar. "Je lutte contre la corruption dans NOTRE pays", a insisté de son côté Tlaib, accusant Donald Trump d'attaquer de façon "dégradante" les populations issues de l'immigration. "C'est à CELA que ressemble le racisme. NOUS sommes ce à quoi ressemble la démocratie", a renchéri Ayanna Pressley sur Twitter.


Un racisme même plus déguisé que sur Twitter, nombre de journalistes et d'observateurs américains ont prié de ne pas trop faire l'honneur de relayer. Donald Trump, assurent plusieurs d'entre eux, cherche simplement à détourner l'attention de sa politique migratoire. En tacticien éprouvé, analysent d'autres, il tente d'accroître les divisions démocrates en opposant un côté modéré (Nancy Pelosi) à un autre plus radical (Ocasio-Cortez, Tlaib, Omar, Pressley). D'autres, comme l'éditorial du Los Angeles Times, s'offusquent simplement : "Il nous trolle, comme d'habitude (...). Nous ne devrions pas sauter sur son appât, mais comment ne pourrions-nous pas ? Si nous l'ignorons, nous normalisons son comportement irresponsable, et c'est encore pire".


Car comme l'a relevé sur Twitter Corentin Sellin, spécialiste des Etats-Unis, le président des Etats-Unis déroule ici une "conception nativiste blanche de l'identité états-unienne". Une référence au nativisme, courant politique présent dans les pays peuplés d'immigrants comme les Etats-Unis, l'Australie ou encore le Canada, qui s'oppose à l'arrivée de toute nouvelle génération d'immigrants. Seuls les premiers immigrés arrivés au pays - à savoir les populations blanches, de préférence chrétiennes - pourraient se réclamer de l'héritage états-unien.


4) On a là pour la 1ère fois l'énonciation publique, incontestable, par #Trump d'1 conception nativiste blanche de l'identité étatsunienne qui ne pourrait pas s'acquérir par le droit du sol. Ce n'est pas surprenant mais au moins les choses sont dites. RT https://t.co/Br5NN6upUu








— Corentin Sellin (@CorentinSellin) July 14, 2019




 



Ce concept est loin d'être inédit sous les pouces de Donald Trump. Après tout, l'homme est entré en politique en 2011 en affirmant avoir "de vrais doutes" sur la naissance aux Etats-Unis de Barack Obama. Thématique qu'il avait néanmoins abandonnée durant sa campagne. Cette fois, fini de danser autour du sujet : sa seconde campagne présidentielle est placée sous ce signe. "Si le parti démocrate entend continuer à tolérer un tel comportement scandaleux, alors nous sommes encore plus impatients de vous voir aux urnes en 2020 !", complète-t-il d'ailleurs dans un autre tweet.


Un durcissement du message prévu de longue date. En avril, le site spécialisé Axios révélait que la campagne du président en place consacrait plus de la moitié de son budget publicitaire sur Facebook aux Américains blancs de plus de 65 ans, pour des messages dont plus de la moitié (54%) contient "un langage nativiste". Objectif : remobiliser l'électorat blanc l'ayant fait gagner en 2020, à tout prix. Ainsi l'attaque de ce week-end, note CNN, est-elle "l'extension logique d'une stratégie électorale clairement conçue pour exploiter les divisions raciales et sociales". Le silence du camp républicain ce week-end n'a fait que confirmer qu'il avait les coudées franches. Et pour cause : Trump, encore et toujours, a leur base avec lui, les plus récents sondages démontrant que 87% des électeurs républicains approuvent son action.