Du militant radical au simple suiveur manipulable

Regard critique sur la bienpensance

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Tribune libre

Phénomène symptomatique de notre époque, la bienpensance1 a produit diverses manières de penser, de parler et d’agir qui se propagent de plus en plus et qui exercent une profonde influence dans l’ensemble des sociétés occidentales. Ses tenants sont souvent perçus comme les principaux artisans du politiquement correct. Ils se présentent plutôt eux-mêmes comme les apôtres de grandes idées humanistes et progressistes. Qu’en est-il au juste ?


Dans cet article, je me propose de faire une brève analyse lexicologique du nom bienpensance, d’identifier les différents groupes qui sont ancrés dans cette disposition d’esprit, de recenser les multiples causes soutenues par les bienpensants, de déchiffrer leurs modes de raisonnement et de jugement ainsi que de décrire leur langage particulier.


Brève analyse lexicologique du mot bienpensance


Le nom bienpensance est d’apparition récente en français. Il ne s’est intégré au vocabulaire courant que durant la seconde moitié du XXe siècle, le premier exemple relevé datant de 1964 selon Le Grand Robert de la langue française. Il a été formé sur bienpensant, nom ou adjectif dont la première attestation remonte à 1798.


Jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, le mot bienpensant a renvoyé au conformisme et au conservatisme de la bourgeoisie. Ainsi, en 1931, l’écrivain français Georges Bernanos a publié un pamphlet intitulé La grande peur des bien-pensants2 dans lequel il fustige la classe possédante. Plus tard, par un retournement de sens, bienpensant et bienpensance se sont appliqués aux utopies de la gauche et ont été reliés à la rectitude politique, ainsi que l’illustre l’ouvrage collectif dirigé par Jean-Marc Chardon, La tyrannie des bien-pensants3.


Le présent article se concentre sur ce second emploi. Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre cas, les mots bienpensant et bienpensance se rencontrent généralement dans des discours polémiques avec une valeur péjorative, car ils sont surtout utilisés par des locuteurs qui s’insurgent contre ce que ces vocables évoquent.


Les groupes de bienpensants


Mais qui sont donc les bienpensants ? Ils se retrouvent dans divers milieux élitaires et occupent différentes positions sur l’échiquier politique. Ils vont du militant radical au simple suiveur manipulable. De composition hétérogène, ils tirent leur cohésion de leur allégeance à une idéologie droit-de-l’hommiste moralisatrice qui aspire à une purification de l’Occident notamment par l’apport des cultures traditionnelles jugées moins dénaturées et de leur tendance à installer un régime de censure ménageant les susceptibilités des différentes minorités ethnoculturelles, religieuses et sexuelles.


La bienpensance recrute d’abord ses adeptes dans les universités, particulièrement dans les facultés de sciences humaines et sociales. C’est sur les campus universitaires qu’ont pris forme les principales idées de la bienpensance. Hantés par les thèmes de la mouvance gauchiste (anticapitalisme, écologisme, néoféminisme, exaltation des cultures traditionnelles surtout amérindiennes, apologie de l’islam et de la cause palestinienne, défense des immigrés et des minorités ethniques et sexuelles), professeurs et étudiants, de style bobo pour la plupart, distillent leur idéologie en l’enveloppant de l’auréole de la science. Hostiles au débat, ils se calfeutrent dans leurs « safe spaces » pour se préserver de toute opinion contraire. Ils s’arrogent le droit de boycotter ou de chahuter les activités ou les personnes qu’ils estiment réactionnaires et offensantes. Cet entresoi les sépare de la population en général et crée, ainsi que le sociologue Michel Maffesoli l’a noté4, un décalage malsain entre le peuple et l’élite. Aux yeux des gens ordinaires, cette intellingentsia de gauche donne en effet l’impression d’être totalement déconnectée de la vie quotidienne.


La bienpensance agit aussi aux ordres d’enseignement inférieurs. En témoigne au Québec le cours obligatoire « Éthique et culture religieuse » qui, loin d’amener les élèves du primaire et du secondaire à regarder les religions de façon critique, les incite à adopter une attitude d’acceptation béate vis-à-vis de toutes les croyances et de toutes les pratiques religieuses. Au lieu de favoriser la pensée scientifique, l’école québécoise d’aujourd’hui ne s’embarrasse guère d’inculquer aux jeunes la pensée magique à la source des superstitions religieuses.


L’autre sphère influente de la bienpensance est le monde médiatique. Quantité de journalistes, d’éditorialistes, de chroniqueurs et d’animateurs de journaux et de chaines de télévision contribuent à diffuser dans le public les idées de la bienpensance. Plusieurs observateurs y voient une entreprise de propagande en faveur de l’immigration massive, du multiculturalisme et des accommodements religieux. Un des summums du prêchiprêcha sévissant dans les médias a été l’entrevue donnée en grande pompe en juillet 2017 à ICI RDI par l’exdjihadiste taliban Omar Khadr, qui a été présenté comme une pauvre victime repentante en vue de prouver que la déradicalisation est possible si la société consent à faire preuve d’une bienveillance naïve.


Une foule d’artistes s’affichent aussi comme bienpensants. L’industrie du spectacle se plait à paraitre d’avant-garde et à discréditer les personnes qu’elle tient pour rétrogrades. Avec la démesure qui la caractérise, la star planétaire Madonna, dans un de ses spectacles, a rapproché Marie Le Pen d’Adolf Hitler. On convient que la présidente du Front national se range résolument à droite, mais une analyse politique objective empêche de la catégoriser comme nazie. Les bienpensants dégainent vite l’accusation de fascisme au mépris de la vérité historique.


Dans le but de s’attirer plus de clientèle en donnant une image d’happy few ouverts et branchés, le monde des affaires s’efforce d’être dans l’air du temps. La firme suédoise H&M, la maison de couture italienne Dolce & Gabbana, la multinationale américaine Nike vendent maintenant des vêtements pour femmes voilées au motif spécieux que les musulmans forment le quart de la population mondiale. Ces entreprises oublient toutefois la symbolique misogyne du hijab et trahissent le combat courageux de ces milliers de musulmanes qui refusent, souvent au péril de leur vie, cet étendard de l’oppression islamique sur la femme.


Une bonne partie du clergé chrétien endosse les rêves de fraternité multiculturelle de la bienpensance, spécialement en ce qui concerne l’islam et le flot migratoire qui déferle sur l’Europe. Au lieu de dénoncer les persécutions dont sont victimes les chrétiens du Moyen-Orient5, plusieurs membres de l’épiscopat catholique6 s’évertuent à minimiser les dangers de l’intégrisme islamique en faisant passer l’islam pour une religion d’amour et de paix, contrairement à son histoire belliciste, à l’image guerrière de son prophète, à ses multiples versets et hadiths violents, à son sectarisme antisémite et antichrétien, et à sa loi canonique, la charia, cruelle et inique7. Au nom d’une conception séraphique de la charité, le pape François, en janvier 2018, a exhorté ses fidèles à ouvrir les vannes aux migrants du Tiers-Monde, sans prendre garde des graves problèmes de santé8 et de criminalité9 ainsi que des tensions sociales que cette immigration incontrôlée entraine. La bienpensance incline ainsi à oublier la réalité au profit de ses utopies.


Les organisations humanitaires telles que les ONG et les ligues des droits de l’homme répercutent souvent les dogmes de la bienpensance. La Commission des droits de la personne du Québec accorde par exemple beaucoup d’importance à la liberté de religion, qu’elle a tendance à absolutiser jusqu’à mettre son point d’honneur à défendre bec et ongles les musulmans traditionnalistes. Elle s’inquiète à leur sujet, car ils seraient à son avis forcément victimes d’« islamophobie »10, alors que l’appréhension de la population à leur égard est tout à fait compréhensible en raison de leur foi ostentatoire, récriminatrice et intransigeante. Sous l’influence de cette commission, le gouvernement provincial de Philippe Couillard a tenté en 2015 de faire adopter un projet de loi sur les propos haineux qui a été désapprouvé par l’ensemble des commentateurs. Le projet de loi no 59 accordait à la Commission des pouvoirs d’enquête et de sanction exorbitants qui rétablissaient en pratique le délit de blasphème et qui, au grand plaisir des intégristes, muselaient toute critique des religions.


La bienpensance a pénétré l’appareil de la justice. Depuis l’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés dans la constitution de 1982, la Cour suprême du Canada a vu son champ de compétence s’élargir considérablement du fait qu’elle a été érigée en garante ultime des droits fondamentaux et de la protection des minorités. Bon nombre d’analystes s’interrogent sur ce « gouvernement des juges » qui menace l’équilibre entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Dans plusieurs des jugements qu’elle a prononcés dernièrement, la Cour suprême du Canada s’est fondée sur une interprétation étroitement libertaire de la Charte des droits et s’est montrée encline à donner raison à des demandeurs qui, au nom de la liberté de religion, manœuvrent de manière à faire entériner des passe-droits confessionnels. Ainsi, en 2006, les juges de la Cour suprême ont permis à un jeune sikh de porter à l'école le kirpan, poignard rituel de sa religion, à la condition farfelue que celui-ci soit rangé dans un fourreau cousu et dissimulé. Cette décision devait souligner «l'importance que la société canadienne accorde à la protection de la liberté de religion et au respect des minorités». Selon ces vénérables juges qui ne craignent pas l’inconséquence, la foi en une religion serait une raison suffisante pour autoriser le port d’une arme au sein d’une institution vouée à l’éducation et à la promotion de la démocratie et de la paix11


En France, depuis plusieurs années, l’administration de la justice est dominée par la gauche compassionnelle qui multiplie les peines allégées et les libérations conditionnelles. Ce laxisme a été maintes fois dénoncé par les policiers qui, avec des ressources réduites, doivent affronter une criminalité croissante en plus du terrorisme islamiste. Continuellement sous pression, le corps policier français connait une hausse de suicides dans ses rangs. Voilà une autre caractéristique de la bienpensance : refiler avec superbe aux gens du terrain les contrecoups désastreux de ses fantasmes.


Enfin, la bienpensance contrôle la majeure partie de la classe politique, quelle que soit la tendance. Elle imprègne bien sûr la gauche qui s’est métamorphosée au cours des dernières décennies justement sous l’influence des bienpensants. Cette nouvelle gauche appelée « régressive » a négligé les grands enjeux socioéconomiques pour endosser les causes des minorités. Elle semble en effet se soucier plus des minorités ethnoculturelles, religieuses et sexuelles que du peuple dans son entier. Multiculturaliste, elle rejette les identités historiques des pays et se déclare postnationale.


Au Québec, le parti le plus représentatif de cette gauche est sans conteste Québec solidaire chez qui l’« inclusion » et la lutte contre le « repli identitaire » constituent des leitmotivs importants. Ce parti d’obédience socialiste éprouve beaucoup de fierté à se montrer « inclusif ». De façon ambivalente, ses membres, même s’ils affirment adhérer à la laïcité, acceptent le port de signes religieux ostentatoires à tous les niveaux de la fonction publique et parapublique, parce qu’ils estiment que la laïcité de l’État est un principe désincarné qui ne s’étend pas aux individus qui le représentent, mais aussi parce qu’ils veulent éviter à tout prix, « inclusion » oblige, de heurter le sentiment religieux des communautés immigrantes. De façon tout aussi ambigüe, ils se déclarent souverainistes tout en se montrant perplexes quant à l’affirmation du fait français au Québec de peur de verser dans l’«ethnonationalisme». Très sensible à la question du « genre », Québec solidaire déploie beaucoup d’énergie à réclamer des toilettes transgenres dans les endroits publics et à «désexiser» la langue en proposant d’éliminer des mots à l’étymologie déplorablement trop masculine à son gout tel patrimoine. Dans ses assemblées délibérantes, au lieu d’offrir un micro à l’intention des POUR et un autre à l’intention des CONTRE, il met plutôt à la disposition de ses membres un micro pour les hommes, un autre pour les femmes et un troisième pour les « non-binaires », comme si les opinions dépendaient avant tout de l’identité sexuelle des citoyens.


La gauche régressive n’est pas la seule à être contaminée par la rectitude politique. Les partis de centre-gauche ou de centre-droite s’avèrent également sous sa tutelle. Le premier ministre Justin Trudeau est le parangon ridicule du politiquement correct avec son multiculturalisme folklorique et son postnationalisme inconsistant qui lui font accorder beaucoup plus de crédit aux minorités immigrantes d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie qu’aux deux peuples fondateurs du Canada d’origine européenne, au passé à ses yeux infâme à en pleurer. Même la droite marche sur des œufs quand il est question de sujets sensibles tels que l’immigration, la laïcité, l’islam ou la théorie du genre. Pour éviter la tourmente dans les médias ou les réseaux sociaux, elle est souvent contrainte d’user de la langue de bois et de céder à toutes sortes d’accommodements contraires à ses principes.



Les positions sociopolitiques de la bienpensance


Aucune dimension de la société n’échappe à la surveillance sévère du tribunal de la rectitude politique, aussi bien l’identité nationale, l’immigration, la place des religions que la condition féminine, la sexualité, l’alimentation, le sort des animaux et la langue.


À la base règne un individualisme exacerbé selon lequel le moi est souverain au point de pouvoir « autodéterminer son genre » quelque part entre le masculin et le féminin. Se décèle en outre un parti-pris inconditionnel en faveur de « l’Autre », surtout s’il vient d’une culture traditionnelle dont il serait vital de préserver l’authenticité salvatrice. Enfin, on observe une forte méfiance à l’encontre des majorités qui seraient portées à discriminer les minorités, que le précepte d’« inclusion » exige au contraire d’accepter sans réserve.


La bienpensance est atteinte d’un antioccidentalisme primaire12. Un peu à l’image des adolescents qui se rebellent contre leurs parents, les bienpensants condamnent en bloc l’Occident où ils sont nés et lui imputent tous les maux de la Terre, sous l’effet du mirage que les autres civilisations seraient parfaites et immaculées. Leurs critiques, inspirées la plupart du temps d’un révisionnisme partial et indigent, font fi de l’historicité et de l’intégralité des personnages, des événements ou des phénomènes décriés. On accuse les Occidentaux d’avoir pratiqué l’esclavage, mais on se garde bien de rappeler que la traite arabe, ottomane et barbaresque a asservi le plus grand nombre d’êtres humains dans l’histoire, y compris plus d’un million de chrétiens européens, et que l’esclavage persiste dans certains pays musulmans dont la Mauritanie ou le Soudan. On reproche aux Occidentaux d’avoir pollué la planète avec leurs industries et leur technologie. Or, parmi les pays les plus pollueurs du monde, on trouve, à côté des États-Unis, du Canada et de l’Union européenne, des pays du Sud comme la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Indonésie. Des néoféministes hystériques blâment les sociétés occidentales d’entretenir une « culture du viol » généralisée, comme si nos sociétés encourageaient le viol à grande échelle et que la majorité de la population masculine regorgeait d’agresseurs sexuels. C’est au contraire dans les pays occidentaux que la condition féminine est le plus avancée, même s’il reste bien des améliorations à apporter. Berceau de la démocratie et de la science, l’Occident a certes à amender encore ses principes et ses mœurs, mais il n’a pas à s’autoflageller, pas plus que les autres peuples du monde.


Le multiculturalisme13 est une autre idéologie partagée par la bienpensance. D’origine anglo-saxonne, il se fonde sur une doctrine politique relative au pluralisme qui est aux antipodes de l’universalisme républicain à la française et qui concerne autant la gestion de l’immigration que, de façon plus globale, l’organisation de l’État. Inversant les devoirs réciproques des immigrants et de la société d’accueil, il enjoint à la majorité native de s’adapter le plus possible aux coutumes et aux croyances des minorités immigrantes par l’aménagement de toutes sortes d’accommodements à leur avantage. Il autorise en fait les immigrants à implanter leur culture dans le pays récepteur et à y perpétuer leur mode de vie ancestral jusqu’à y importer les conflits internes de leur région d’origine14. En théorie, le multiculturalisme vise à favoriser le « vivre-ensemble » en veillant à la promotion de tous les groupes coexistant sur un même territoire. En pratique cependant, il aboutit à un différentialisme qui exacerbe les particularités communautaires et qui disloque la société en autant de tribus emmurées dans leur tradition et méfiantes les unes des autres.


Étant donné que la plupart des communautés immigrantes proviennent aujourd’hui de régions du Tiers-Monde encore sous l’emprise de la religion, les bienpensants multiculturalistes, au nom de leur credo de la « diversité » et du respect absolu de « l’Autre », remettent en cause la laïcité de sorte qu’ils acceptent que s’implantent ici et là toutes sortes de pratiques religieuses telles que les bains non-mixtes dans les piscines publiques, les menus halal dans les établissements d’enseignement, les prières dans les lieux de travail, etc. Sous le couvert de l’étiquette captieuse de « laïcité ouverte », ils renoncent en pratique à la séparation du civil et du religieux, principe qui a pourtant été à l’origine de l’émancipation des sociétés occidentales après la chute des monarchies de droit divin.


La bienpensance n’a pas manqué d’infiltrer le mouvement féministe depuis les trente dernières années. Elle a engendré ce qu’on appelle le « féminisme de la 3e vague » ou «néoféminisme»15, qui s’est d’abord développé aux États-Unis pour essaimer ensuite un peu partout en Occident. Un des principaux enjeux du néoféminisme est la sexualité. En rupture avec la liberté sexuelle revendiquée par les féministes de la 2e  vague après l’apparition de la pilule contraceptive, les néoféministes s’acharnent à réglementer sévèrement les pratiques sexuelles et à dénigrer les hommes qui seraient tous des dominateurs et des violeurs en puissance. Dans leur puritanisme qui congédie le désir, la séduction, l’amour et l’érotisme, elles confinent les femmes dans une attitude de victimes impuissantes devant une sexualité masculine qui serait intrinsèquement débridée et violente. Au lieu de favoriser le dialogue entre les hommes et les femmes, le néoféminisme, à cause de sa misandrie outrancière, envenime les rapports entre les deux sexes.


Un autre courant du féminisme de la 3e vague est l’intersectionnalité. Face à l’impérialisme ethnocentrique qui égarerait les féministes blanches, les féministes intersectionnelles ambitionnent de rendre compte de l’interaction des diverses formes de discrimination que subissent, en plus du sexisme, les femmes d’autres cultures, notamment noires et orientales. Les plus radicales récusent toute forme de féminisme universel au mépris de la similitude d’expériences de l’ensemble des femmes, pour lui préférer une conception différentialiste qui dissocie les féminismes non-blancs du féminisme occidental « colonialiste » et « bourgeois ». Confondant analyse sociologique et engagement politique, elles en arrivent à cautionner n’importe quelle pratique identitaire des cultures étrangères, même les plus patriarcales. Par exemple, le devoir des Palestiniennes serait de mettre au monde le plus d’enfants possible pour préserver leur nation opprimée et décimée par les sionistes. Il faudrait excuser les hommes « racisés » pour leur violence envers les femmes16, car, au nom de la solidarité communautaire, leur comportement devrait être imputé à la ségrégation dont ils sont l’objet de la part des vilains Occidentaux17. L’idée au départ fertile d’intersectionnalité a été dévoyée par un communautarisme antiblanc18 qui ne peut que nuire à l’amélioration de la condition féminine.


Échafaudée également aux États-Unis à partir des années 1970, la « théorie du genre »19 est une autre manifestation de la fixation de la bienpensance sur la sexualité. Sous l’influence de l’anglais, le mot genre, longtemps réservé en français à une catégorie grammaticale, a subi depuis peu une extension de sens pour référer à l’identité sexuelle. On distingue maintenant le sexe, ensemble des traits physiques à la base de la reproduction qui différencient l’espèce humaine en mâles et en femelles, du genre, ensemble des représentations et des rôles qui sont assignés dans une société à l’un ou à l’autre sexe. Tandis que le sexe est une donnée biologique relevant de la nature, le genre est une construction sociale fondée sur la culture. Théoriquement valable, cette distinction qui semble aller de soi pourrait permettre de mieux comprendre certains phénomènes liés aux normes sociales se surajoutant aux traits biologiques du sexe.


Mais les choses se gâtent quand le concept de genre dégénère en une arme idéologique à laquelle recourent certains lobbys pour refuser les lois naturelles ou rejeter les constructions sociales seulement en fonction du ressenti subjectif. Se réclamant de la théorie du genre, des activistes LGBT+20 cherchent à faire admettre à la population l’idée qu’un individu peut dépasser ses limites corporelles et déterminer par lui-même son identité sexuelle d’après les perceptions personnelles qu’il a à un moment ou à un autre de sa vie. On devrait accepter le fantasme selon lequel un transgenre21 qui a conservé ses caractères physiques masculins soit une femme comme les autres sous peine d’être taxé de «transphobie». Ce transgenre a bien le droit de se définir en fonction du genre auquel il s’identifie et à se comporter en société en conséquence. Il reste cependant qu’il ne peut pas se revendiquer comme femme à part entière sans confondre sexe et genre, sans nier la différence biologique objective entre les deux sexes dans le seul but de contenter une subjectivité inadaptée qui, concrètement, ne fait qu’exhiber des attributs stéréotypés du féminin ou du masculin sur le plan des manières, de l’habillement, de la chevelure ou du maquillage. C’est pourtant ce qui est arrivé à la Fédération des femmes du Québec qui est maintenant présidée par un transgenre…La bienpensance pousse si loin ses désirs et ses croyances qu’elle en vient à rompre avec la réalité et à vouloir assujettir le monde entier à son imaginaire.


À l’instar des religions dont les principaux interdits touchent le sexe et la nourriture, la bienpensance se préoccupe autant de l’alimentation que de la sexualité, et par voie de conséquence du sort des animaux. Le véganisme ou végétalisme intégral bannit la consommation de tous les aliments d’origine animale (viande, poisson, produits laitiers, œufs, miel). Ce courant radical né dans les années 1950 refuse aussi tout produit utilisant des bêtes pour la fabrication de vêtements, de cosmétiques, de bijoux ou d’accessoires. Il écarte de surcroit les sports et les loisirs reliés aux animaux (équitation, cirque, zoo, aquarium…). Le véganisme se rattache à l’antispécisme, mouvement de défense des droits des animaux s’opposant à la suprématie de l’espèce humaine qui serait la cause de l’exploitation et de la maltraitance des bêtes depuis des millénaires.


Or, en continuité avec les modes de subsistance assurés par la chasse et la pêche depuis le Paléolithique, un bon nombre d’humains aiment encore manger de la viande et du poisson, et beaucoup veulent continuer à pouvoir chasser et pêcher. N’importe quelle personne sensible réprouve que l’on fasse souffrir les bêtes et désire à l’inverse que l’on veille à leur bienêtre. Dans la mesure où est évitée toute cruauté envers les animaux, pourquoi faudrait-il rejeter totalement l’alimentation carnée et empêcher la chasse et la pêche, sinon par intransigeance idéologique ? Les véganes peuvent manger et vivre comme ils veulent sans forcer le reste de la population à adopter leur mode de vie.


La propension à tout vouloir contrôler est fréquente au sein de la bienpensance. Elle peut même s’exercer de façon violente. Régulièrement, des extrémistes véganes ou antispécistes se livrent un peu partout dans le monde à des démonstrations d’intimidation devant des fermes, des boucheries, des crémeries, des restaurants et des laboratoires de recherche. Plusieurs attentats dits d’« écoterrorisme » ont été commis par des organisations extrémistes telles que l’Animal Liberation Front (ALF) ou l’Animal Rights Militia (ARM). La bienpensance n’est pas toujours aussi pacifique qu’elle voudrait le faire croire.


La langue n’échappe pas non plus à la vindicte bienpensante. Le français serait une langue phallocrate qui participerait au maintien des stéréotypes sexistes. Il faudrait impérieusement le « dégenrer » par l’écriture dite « inclusive »22 , à coup de mots tronqués et de lettres adventices signalées par des parenthèses, des points, des tirets ou des barres obliques (Ces embassadeur.drice.s ont été des artisan-e-s de la paix). Il conviendrait même d’éliminer certains mots à l’étymologie trop machiste comme sans doute hystérique (terme médical qui désignait à l’origine un trouble mental de la femme attribué à ses organes génitaux, du grec hustera « matrice »), on (pronom issu du vieux français om ou hom,  tiré lui-même du latin homo « homme »), patrie (du latin pater « père »), vertu (du latin virtus dérivé de vir « mâle »)23. Tous les emplois du masculin générique devraient être abandonnés : il ne pouvant plus inclure le féminin, les deux formes féminine et masculine du pronom devraient figurer côte à côte dans la phrase (Comme Luc et Lise ont faim, elle et il décident d’aller au restaurant). Pour éviter de « mégenrer » à répétition les personnes « non-binaires », des frénétiques de l’écriture inclusive en sont venus à proposer la création de pronoms dits « neutres » tels que iel, ille, ou ol et à modifier la morphologie des noms et des adjectifs, ce qui donnerait des phrases tout à fait agrammaticales du type : Iel est heureuxe. Ma tancle est chanteureuse24. On pourrait certes assurer une meilleure représentation des femmes dans le discours aussi bien oral qu’écrit sans pour autant provoquer un capharnaüm linguistique, à condition de prendre soin de bien distinguer ce qui relève du fonctionnement interne de la langue de ce qui émane de l’idéologie. Ainsi la dénonciation des étymologies taxées de sexisme s’avère puérile et vaine puisque l’immense majorité des sujets parlants ignore complètement l’origine des mots de leur langue.


Le français ne serait pas seulement sexiste. Il souffrirait en plus de racisme, d’homophobie, de handicapophobie et bien d’autres maux. À partir des années 1960-1970, les usages jugés discriminatoires ont commencé à être remplacés par un langage qualifié lui aussi d’« inclusif » ou de « positif ». Se sont ainsi répandues dans le monde politique, les médias, l’administration publique, l’éducation et l’entreprise une foule d’expressions politiquement correctes telles que défavorisé pour pauvre, non-voyant pour aveugle, personne du troisième âge pour vieillard, personne en surcharge pondérale pour gros ou obèse, personne issue de la diversité pour immigrant noir, arabe, musulman ou asiatique, personne itinérante pour clochard, travailleur du sexe pour prostitué, etc. Cette langue de bois, qui va beaucoup plus loin que la simple bienséance langagière, conduit à masquer les choses désagréables ou taboues en les exprimant sous une forme édulcorée par l’usage d’euphémismes frileux ou de périphrases ampoulées. Le francparler est systématiquement traqué et banni. Le risque est grand que cette langue de bois agisse à la manière d’un leurre, d’une novlangue inhibant le souci d’une parole juste.


Modes de pensée doctrinaires


À les croire, les bienpensants sont progressistes et aspirent à des idéaux nobles et généreux. Ils combattent les inégalités et diverses formes de discrimination dont le racisme. Ils prônent les libertés fondamentales d’expression, de religion, d’association. Ils prétendent agir dans un esprit de solidarité.


Leur humanisme est cependant miné par cinq tares funestes : le moralisme, le dogmatisme, l’extrémisme, l’incohérence et l’irréalisme.


La prétention des bienpensants à adhérer à des valeurs exemplaires les rend si certains de détenir la vérité qu’ils souffrent d’un complexe de supériorité morale25. Au lieu d’intellectualiser les positions qu’ils soutiennent, ils préfèrent catéchiser. Leur manière de discuter tient en effet plus du sermon que de l’argumentation logique. Donneurs de leçons, ils se croient autorisés à indiquer au monde entier le droit chemin. Ils pensent et agissent comme des dévots séculiers. Ils se complaisent à étaler leur vertu en bons tartufes de l’«ouverture», de l’« inclusion » et du « vivre-ensemble » qu’ils sont. Comme ils s’imaginent appartenir au camp du Bien, ils relèguent leurs adversaires dans le camp du Mal et n’hésitent pas, pour tout argument, à les culpabiliser, voire à les diaboliser. Ils les accuseront de toutes les discriminations que leur idéologie sélective pourchasse telles que le racisme, l’islamophobie, la transphobie ou le spécisme. Toutefois, ils se tairont volontairement devant d’autres discriminations qui n’ont pas leur cote comme le racisme antiblanc, l’antisémitisme, la misandrie ou la francophobie au Canada. Leur moralisme est en fait à géométrie variable.


La bienpensance moralise tous les débats de société en les transformant en mélodrames. Dans leur théâtre grotesque qui fonctionne au pathos et dont les ressorts simplistes sont la victimisation d’un côté et la culpabilisation de l’autre, les bienpensants endossent le beau rôle de protecteurs des faibles et des persécutés, cependant qu’ils campent leurs opposants dans celui de répugnants réactionnaires remplis de préjugés. Vous proposez que le gouvernement établisse rationnellement un nombre maximal d’immigrants en fonction des capacités d’accueil de la société, on vous répliquera que vous « soufflez sur les braises de l’intolérance »26. Vous soulevez la question de l’enracinement historique, culturel et linguistique des citoyens d’origine d’un pays, on vous montrera du doigt pour votre dangereux penchant au « nationalisme ethnique ».


Les bienpensants font figure de doctrinaires des droits individuels. Au lieu de voir ces derniers comme des balises d’ordre moral et légal à interpréter avec discernement selon les contextes, ils les érigent en principes indiscutables à appliquer de façon stricte et aveugle. Peu importe que le niqab et la burqa comportent des risques pour la sécurité publique, qu’au mépris des plus élémentaires règles de civilité ils forcent les femmes à couper les ponts avec le reste de la population, qu’ils les enferment dans une prison vestimentaire de type patriarcal, la liberté de religion doit primer et doit être respectée à tout prix, quitte à ce que les autorités permettent avec empressement à une musulmane intégriste de se déguiser en spectre sinistre à la cérémonie de citoyenneté canadienne. Autant ils refusent de remettre en question leurs convictions droits-de-l’hommistes, autant les bienpensants sont allergiques à l’autocritique. Avec l’assurance qu’ils luttent pour le bienêtre de l’humanité, ils considèrent leurs positions relatives à l’immigration, à la laïcité, à l’identité sexuelle, au nationalisme ou à tout autre sujet comme seules légitimes. Englués dans leur pensée unique, ils sont réticents à soumettre leurs vues au libre examen, préférant l’affirmation péremptoire ou l’anathème au débat d’idées. Ils donnent souvent l’impression de penser par automatismes mentaux, par mantras idéologiques. Abondamment relayé par le milieu politique et les médias, le discours bienpensant, à l’exemple de tout dogmatisme, s’impose davantage par le ressassement, le matraquage, que par la démonstration.


Comme tout courant doctrinaire, la bienpensance compte des extrémistes dans ses rangs. Il a été question plus haut de l’écoterrorisme pratiqué par les activistes proanimaux. Un autre groupe tout aussi déchainé est celui des antifas qui n’ont aucun scrupule à faire preuve de brutalité contre leurs souffre-douleurs qu’ils soupçonnent gratuitement de fascisme. Tous ceux qui n’endossent pas leurs opinions sont parqués sur-le-champ dans le clan nauséabond de l’extrême-droite fasciste, que vous souhaitiez simplement une contrôle plus rigoureux de l’immigration ou que vous réclamiez un traitement plus respectueux envers les aspirations légitimes des citoyens de souche d’un pays. Les antifas sont les punks de la bienpensance. Dans leur fanatisme sauvage, ils raffolent des démonstrations de force. Au cours des manifestations où ils s’invitent, ils causent d’énormes dégâts matériels et brutalisent autant leurs opposants que les policiers. Au nom de causes louables telles que la liberté d’expression ou la défense des minorités, le mouvement antifa incite à la haine. Il se revendique antifasciste alors qu’il recourt aux mêmes méthodes violentes que celles des nazis de l’Allemagne hitlérienne. Cet exemple de dérive nous rappelle que la gauche, malgré ses prétentions humanitaires, a été responsable, sous les régimes communistes des soviétiques et des maoïstes, d’exactions et de massacres parmi les plus atroces de l’histoire.


Le paradoxe des antifas révèle que les bienpensants sont empêtrés dans des contradictions dont ils n’ont pas eux-mêmes conscience. Sous la pression de leur dogmatisme, ils sombrent dans l’incohérence et l’illogisme. Ils se disent « inclusifs » et cherchent à favoriser le « vivre-ensemble », cependant qu’ils soutiennent un modèle politique, le multiculturalisme, qui fragmente la société en différentes communautés invitées à se replier sur leurs particularismes ethnoculturels, religieux ou sexuels. Ils se vantent de défendre les libertés et les droits individuels bien qu’ils essentialisent l’individu en tant que membre d’un groupe dont il ne pourrait pas se détacher : on lui répète inlassablement qu’il est avant tout blanc, avant tout noir, avant tout musulman, avant tout « racisé », avant tout transgenre, etc., de sorte qu’il ne peut plus se définir ou tenter de se redéfinir en dehors de ces cases communautaristes. Les bienpensants glorifient tellement la culture de « l’Autre » qu’ils acceptent d’emblée toutes les coutumes et toutes les croyances étrangères. Leur hantise de l’« altérité » et de la « diversité » annihile chez eux l’esprit critique si bien que leur belle ouverture n’aboutit qu’à une entreprise inéquitable d’endoctrinement visant à assoir la primauté des minorités sur la majorité.


Avec les bienpensants, c’est le monde à l’envers. Ainsi qu’il a été dit, les multiculturalistes du « vivre-ensemble » provoquent la dislocation de la société et l’isolement des communautés. Les antifascistes au nom de la tolérance usent de la force à l’exemple des fascistes. Les mondialistes si «ouverts au monde » détestent les blancs et rejettent en bloc la civilisation occidentale. Les néoféministes, pour instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes, sèment le sexisme antihomme. Les activistes proanimaux qui aspirent à pacifier les rapports des humains avec les bêtes chassent et maltraitent les personnes qui ne se soumettent pas à leur végétalisme radical.


La bienpensance a perdu le sens du réel. Elle préfère se fier à ses fantasmes plutôt qu’aux faits. Son idéalisme, souvent jumelé à un sentimentalisme à l’eau de rose, l’amène à refuser la réalité telle qu’elle est et à la déformer en fonction de ses chimères. Le Québec serait gangrené par un « racisme systémique » qui affecterait aussi bien les institutions que la majorité francophone. Le racisme existe dans toutes les sociétés, y compris le Québec27, et il importe de le réprimer. Toutefois cette inculpation expéditive de « racisme systémique » qui laisse croire que la société québécoise vit sous un régime d’apartheid est excessive et transpire la calomnie. Par son outrance, elle ne peut qu’irriter et braquer les gens au lieu de contribuer à la recherche de solutions efficaces au problème du racisme au sein de notre société. Dans un autre ordre d’idées, les bienpensants ont créé toutes sortes d’organismes, d’associations ou de chaires universitaires pour contrer ce qu’ils nomment euphémiquement la « radicalisation » à la source de la violence qui frappe notre époque. Ils ne veulent pas identifier clairement le radicalisme en cause, soit le radicalisme islamiste, sous prétexte d’éviter l’«amalgame » entre la religion musulmane et le terrorisme qu’elle nourrit à l’évidence. Ils refusent avec obstination de prendre acte de l’existence de l’islamisme, cette branche radicale de l’islam qui réunit une série de mouvements politicoreligieux visant à détruire l’Occident et à imposer la charia partout sur le globe par le terrorisme et l’endoctrinement.


Quand l’irréalisme des bienpensants se combine avec l’apologie des cultures traditionnelles, il tourne au délire. Des universitaires canadiens ont récemment publié une lettre d’opinion dans Le Devoir pour dénoncer ce qui serait une forme d’impérialisme intellectuel blanc dont l’arrogance conduirait à « remettre en question la pertinence des savoirs autochtones » . Pour des évaluations d’impact en matière environnementale, il conviendrait de prendre en compte les « savoirs traditionnels autochtones »28 (le terme approprié serait croyance) au même titre que les données scientifiques, car il serait « réducteur, contre-productif et offensant » d’examiner les croyances et les pratiques des autochtones à l’aune des savoirs scientifiques. Cela rappelle l’opposition qu’une communauté amérindienne a menée jusqu’en Cour suprême contre la construction d’une station de ski dans les Rocheuses au motif que ce projet risquait de profaner leurs terres sacrées en « faisant fuir l’Esprit de l’ours grizzli »29. Que des universitaires confondent le savoir et la croyance, la science et le mythe, montre à quel point la bienpensance peut égarer les esprits. Elle vient d’inventer une énième discrimination : le suprémacisme scientifique. À la limite, les thuriféraires de la pensée animiste devraient éventuellement faire soigner leur enfant souffrant d’une appendicite aigüe par un chaman plutôt que par un chirurgien, puisque, selon eux, les deux types de médecine reposeraient sur des fondements épistémologiques équivalents et auraient donc la même validité.


Langage de connotation manichéen


La linguistique définit la connotation comme les significations secondes d’ordre socioaffectif et subjectif qui viennent s’ajouter à la dénotation des mots, c’est-à-dire à leur sens conceptuel de base Ainsi le mot autre désigne objectivement une personne différente de soi : c’est son sens dénotatif général qui lui est associé de façon stable dans n’importe quel contexte. Au cours des dernières années, il s’est adjoint, dans certains contextes relatifs à l’immigration ou au pluralisme, une connotation positive d’ordre socioculturel : magnifiée par la majuscule et l’article défini, l’expression l’Autre qui est très à la mode de nos jours évoque, avec une nuance de déférence et de compassion, les personnes ou les groupes qui n’ont pas le même style de vie que celui de la majorité (étrangers, immigrants, adeptes d’une religion différente, personnes de minorité sexuelle, etc.).


Le langage des bienpensants cultive la connotation. Il s’agit de leur arme rhétorique favorite. Fortement militant, leur discours oppose souvent les mots à valeur méliorative aux mots à valeur péjorative afin de renforcer leurs opinions et, en contrepartie, de discréditer celles de leurs adversaires. Pour parler de l’intégration des immigrants, ils préféreront recourir au mot inclusion, qui suggère les idées positives d’accueil, de complémentarité, d’harmonie, et l’accoleront aux expressions négatives d’exclusion ou de repli identitaire, de manière à faire surgir dans l’esprit de leurs interlocuteurs l’image d’un monde repoussant de discrimination et de chauvinisme. À propos de la séparation de l’État et de la religion, ils ont inventé les expressions laïcité ouverte et laïcité fermée, couple antonymique qui brouille le principe de laïcité par la dissonance entre les connotations des deux adjectifs, car ce qui est ouvert est généralement perçu comme plus réceptif, plus tolérant, plus constructif tandis que ce qui est fermé éveille l’idée d’une mentalité bornée, immobiliste, inhospitalière. Ce procédé langagier fondé sur l’antinomie découle sans doute du moralisme manichéen des bienpensants, qui ne résistent pas, ainsi qu’il a été signalé supra, à séparer le monde entre les bons qui pensent comme eux et les méchants qui ont l’audace de les contredire.


La binarité dans le langage de la bienpensance se remarque en outre par la surutilisation des deux figures contraires de l’hyperbole et de l’euphémisme. L’hyperbole sert à grossir les maux traqués. Il y aurait partout des « fascistes ». Nos sociétés s’adonneraient à une « culture du viol ». Y sévirait un « racisme systémique » en plus d’une « masculinité toxique ». En revanche, l’euphémisme est employé en vue d’adoucir ou de masquer certains sujets sensibles. Pour mieux respecter les minorités, on devrait ménager des accommodements dits « raisonnables », qui sont en fait essentiellement religieux et qui ouvrent la porte à toutes sortes de pratiques irrationnelles et rétrogrades. Si un croyant exprime une opinion de «bonne foi», avec une « conviction sincère » (en clair sous l’empire de son dogmatisme), il ne peut être déclaré coupable de propagande haineuse selon le code criminel canadien (article 319.3.b), quand bien même il vouerait les prochoix ou les homosexuels aux pires châtiments. Dans un esprit humanitaire tout à fait louable, les pays occidentaux sont invités à accueillir le plus de « réfugiés » possible ; or, on sait que cette étiquette charitable camoufle quantité d’immigrants économiques illégaux.


La bienpensance s’est forgé un vocabulaire comprenant quelques dizaines de mots. En plus de ceux qui ont déjà été cités au fil de cet article, mentionnons encore bispiritualité, cisgenre, loup solitaire, privilège blanc, repentance officielle...Cette langue politiquement correcte a été qualifiée de novlangue30 . Créé par l’écrivain anglais George Orwell, le mot novlangue désigne le langage que diffuse le régime totalitaire décrit dans son roman 1984 pour conditionner la pensée des gens et empêcher toute contestation. Outil de propagande comparable, le jargon de la bienpensance est formé de néologismes trompeurs et de mots ou d’expressions dont on a changé, sinon perverti, le sens. Par exemple, l’adjectif populiste est souvent employé par les bienpensants de façon méprisante pour dénigrer les inquiétudes et les aspirations populaires lorsqu’elles ne se conforment pas à la rectitude politique.


Conclusion


La bienpensance est une peste idéologique propagée par des curés en civil. Ses partisans moralisateurs se voient comme une élite éclairée portant fièrement le flambeau du progrès de l’humanité. Ils ressemblent plutôt à des redresseurs de torts chimériques s’assignant la mission de purger le peuple ignare et indigne de tous les péchés censés le ronger : fascisme, racisme, islamophobie, laïcisme, hétérosexisme, spécisme, etc. Ce nouveau clergé du XXIe siècle enseigne un catéchisme qui fixe comme commandements les droits individuels. Les bienpensants les interprètent malheureusement sans adaptation et sans nuances au point de nier la binarité biologique du genre humain pour apaiser les troubles identitaires de quelques-uns et d’accorder à chaque animal les mêmes standards moraux et légaux qu’à l’humain. On pourrait dire selon une formule de La Fontaine que la bienpensance est « un mal qui répand la terreur »31 avec l’outrecuidance de promettre le bonheur à tous les êtres humains.


Le jusqu’au-boutisme des bienpensants les amène à défendre, souvent avec passion, des causes mineures et futiles qui n’ont guère de résonance chez la population. Parmi leurs projets de société, ils mettent toute leur énergie à revendiquer l’installation de toilettes pour transgenres dans les édifices publics. Selon leur échelle de valeurs, les quelques minutes passées dans une toilette par une infime minorité d’individus (à peine 0,01 %) soulèvent un enjeu tout aussi important que la répartition équitable de la richesse entre les classes sociales. On peut déplorer que ce manque de bon sens réussisse à contaminer d’autres milieux soucieux de soigner leur image. Ainsi, au nom de l’« ouverture à la diversité », plusieurs collèges et universités se targuent maintenant d’offrir aux personnes « non-binaires » des toilettes dites « neutres », « unigenres » ou « sexuellement inclusives ». Grâce à l’action héroïque des chevaliers de la rectitude politique, la bataille des toilettes apparaitra sans aucun doute comme une des plus grandes avancées de l’histoire du XXIe siècle !


Du point de vue de la raison, la bienpensance équivaut à une lamentable déroute de la pensée et à une insulte à l’intelligence. Son univers mental se caractérise par le détournement du sens et la confusion des idées.


Voici encore quelques exemples tirés de l’actualité. La démocratie serait acceptable dans la mesure où le peuple suit docilement les idées de l’élite omnisciente ; quand celui-ci se rebelle comme à l’occasion du Brexit32, les faiseurs d’opinion le conspuent au point de contester le principe du suffrage universel. En vertu du concept d’« appropriation culturelle », un groupe dit « dominant » ne pourrait pas emprunter des éléments culturels d’un groupe dit « opprimé » sous peine de l’aliéner et de le spolier, ce qui revient à renoncer à tout partage interculturel et à ghettoïser les communautés humaines. Pour résister au racisme, il faudrait tenir compte des races et faire preuve de « discrimination positive » à l’égard des groupes « racisés ». Autrement dit, traiter tous les citoyens de la même façon au lieu de les catégoriser selon leur origine ethnique serait raciste33. Pour satisfaire quelques marginaux qui rêvent d’abolir la différenciation sexuelle du genre humain en se dénommant eux-mêmes « non-binaires », le gouvernement fédéral a rendu tabous, dans la fonction publique, les termes monsieur, madame, père et mère, parce qu’il faudrait « éviter de donner l'impression d’entretenir un biais envers un genre ou un sexe »34. Par ailleurs, le même gouvernement multiplie les actions pour défendre l’islam, religion sexiste qui impose à ses fidèles une séparation draconienne entre les hommes et les femmes aussi bien dans les lieux de culte que dans l’espace public.


La bienpensance et son tribunal inquisitorial de la rectitude politique ont perdu le sens de la réalité, de la mesure, du discernement, des priorités, de la langue et de la démocratie. Il importe de prendre conscience que le dogmatisme, le conformisme, le puritanisme et le faux progressisme de cette idéologie conduisent tout droit l’Occident à un naufrage intellectuel et moral qui risque de provoquer sa décadence.


La situation est alarmante, car l’idéologie de la bienpensance s’est infiltrée partout dans la société et elle a eu, dans certains cas, des conséquences dramatiques. En Grande-Bretagne, d’ignobles scandales sexuels impliquant des musulmans ont été dévoilés à Roterham en 2014 puis à Telford en 201835. Pendant plus de trente ans, des centaines de jeunes filles mineures ont été droguées, maltraitées et violées, et certaines ont même été tuées par des prédateurs sexuels d’origine pakistanaise. Les intervenants locaux (médecins, travailleurs sociaux, policiers, enseignants) étaient pourtant au courant, mais ils n’ont pas eu le courage de parler de peur de passer pour racistes en révélant l’identité ethnoreligieuse des pédocriminels. Le comble, c’est que certains enquêteurs qui s’étaient risqués à évoquer l’origine des bourreaux d’enfants ont dû suivre des « cours de sensibilisation à la diversité ». Le rapport officiel sur ces abus sexuels attribue explicitement ce silence honteux à l’obsession antiraciste du politiquement correct.


Le célèbre transfuge russe et expropagandiste, Yuri Bezmenov, a reconnu quatre phases dans le processus de subversion d’un pays mis au point par le KGB, le service de renseignement et d’endoctrinement de l’ancienne URSS : la démoralisation, la déstabilisation, l’insurrection et la normalisation36. On peut établir un parallèle entre l’état actuel de l’Occident et le tableau que Bezmenov a brossé de l’époque de la Guerre froide. L’essentiel du processus se déroule durant la première phase qui s’étend sur une vingtaine d’années et qui consiste en une entreprise d’endoctrinement idéologique auprès de la génération montante. Il s’agit d’un vaste lavage de cerveau qui opère aux plus hauts niveaux de la société, particulièrement dans les milieux gauchistes épris de l’idéalisme des droits humains : monde artistique, milieu scolaire, universités, gouvernement, médias. Les militants deviennent à ce point endoctrinés qu’ils ne pensent et ne jugent plus qu’en fonction de leurs dogmes sans se préoccuper de la réalité des faits. Ils visent à démoraliser et à diviser la société en s’opposant systématiquement au mode de vie de la majorité, en même temps qu’ils tentent de manipuler l’opinion dans leur sens.


Compte tenu de l’ascendant dont jouit maintenant la bienpensance, on peut avancer que les sociétés occidentales sont parvenues à la fin de la phase de démoralisation et qu’elles sont sur le point de passer à la phase de déstabilisation. Devant l’urgence d’arrêter ce fléau idéologique, il faut que les citoyens, à la fois collectivement et individuellement, refusent de se soumettre à la rectitude politique et qu’ils fassent pression sur tous les rouages de la société, afin que soit enrayé le contrôle des idées exercé par la bienpensance et que soient menées des actions propres à garantir la liberté de pensée et à restaurer l’intelligence aussi bien au niveau politique, juridique et économique qu’au niveau éducatif et culturel.



Notes


1. Le texte applique les rectifications orthographiques de 1990.


2. Georges Bernanos, La grande peur des bien-pensants, Paris, Grasset, 1931.


3. Jean-Marc Chardon (dir.), La tyrannie des bien-pensants : débat pour en finir !, Paris, Economica, 2002.


4. Michel Maffesoli et Hélène Strohl, Les nouveaux bien-pensants, Paris, Éditions du Moment, 2014.


5. D’après le Pew Research Center, la proportion des chrétiens au Moyen-Orient est passée de 14 à 4 % durant les dernières années. Sur les persécutions subies par les chrétiens dans les pays islamiques du Moyen-Orient, voir l’essai politique de Marc Fromager, Guerres, pétrole et radicalisme. Les chrétiens d’Orient pris en étau, Paris, Éditions du Salvatore, 2015.


6. Certains ecclésiastiques s’écartent du discours officiel islamophile. Parmi les réfractaires, mentionnons le père Henri Boulad, qui, grand connaisseur de l’islam, met en garde les Occidentaux contre les dérives totalitaires de cette religion.


7. Pour un résumé de la doctrine et de l’histoire de l’islam, voir mon livre : L’islam dévoilé, Éditions Dialogue Nord-Sud, Montréal, 2015.


8. En Allemagne par exemple, les maladies infectieuses telles que la tuberculose, le typhus ou la gale ont augmenté dramatiquement depuis l’arrivée en 2015 d’un million de migrants extraeuropéens : https://fr.gatestoneinstitute.org/10713/allemagne-maladies-infectieuses.


9. Durant la dernière décennie, la Suède multiculturelle, qui a accueilli un grand contingent d’étrangers provenant de pays islamiques, a vu les crimes violents croître de 300 % et les viols de 1 472 % : https://fr.gatestoneinstitute.org/7320/suede-viol. Il faut écouter cette vidéo où de jeunes femmes européennes violées blâment l’inertie et la complaisance des autorités face au comportement misogyne de migrants sexuellement violents : https://www.facebook.com/1589170734685868/videos/1985548781714726/.


10. Sur le concept controversé d’islamophobie, voir Jérôme Blanchet-Gravel (dir.), L’islamophobie, Montréal, Éditions Dialogue Nord-Sud, 2016.


11. La logique de nos juges est vraiment incompréhensible puisque les tribunaux du Québec ont par ailleurs entériné l’interdiction du kirpan dans les avions, les tribunaux et à l’Assemblée nationale.


12. À ce propos, voir Pascal Bruckner, Le sanglot de l'homme blanc : Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi, Paris, Seuil, 1983.


13. Pour une critique sociopolitique du multiculturalisme, voir Mathieu Bock-Côté, Le multiculturalisme comme religion politique, Paris, Éditions du Cerf, 2016, et pour une analyse des imaginaires orientalistes et romantiques qui traversent cette idéologie, voir Jérôme Blanchet-Gravel, La face cachée du multiculturalisme, Paris, Éditions du Cerf, 2018.


14. Par exemple, au Canada, bon nombre d’immigrants sikhs soutiennent le mouvement d’indépendance de leurs compatriotes indiens qui revendiquent la création d’un État souverain au Pendjab.


15. Pour une critique du néoféminisme, voir Élizabeth Badinter, Fausse route, Paris, Jacob, 2003.


16. On se souvient des événements tragiques survenus en Allemagne, en Suède et en Australie que les autorités ont sciemment tenté de camoufler pour ménager l’image des migrants. Des centaines d’entre eux, en majorité d’origine musulmane, se sont livrés, comme sur la place Tahrir en Égypte, au taharrush gamea, viol collectif à caractère souvent raciste perpétré en vertu de la supériorité brutale des hommes sur les femmes prêchée par le Coran (sourate 4, verset 34).


17. À la suite de la divulgation de l’ignoble scandale des pédocriminels pakistanais de Telford en Grande-Bretagne, la journaliste anglo-pakistanaise bien connue, Saira Khan, a déclaré sans vergogne que les viols de ces centaines de mineures étaient la responsabilité des Anglais qui n’avaient pas su intégrer les Pakistanais : http://www.madame.suavelos.eu/saira-khan-deresponsabilise-les-pedocriminels-et-rejette-la-faute-sur-lechec-des-anglais-a-integrer-les-pakistanais/


18. En France, Houria Bouteldja est l’érinye du féminisme antiblanc. Cofondatrice du Mouvement des indigènes de la République, elle est l’auteure du livre Les Blancs, les Juifs et nous (Paris, La Fabrique, 2016), où elle tient des propos incendiaires qui frisent le racisme.


19. Cette expression est controversée. Certains préfèrent la mettent au pluriel pour indiquer la pluralité des conceptions en présence. D’autres suggèrent de parler d’« études du genre », estimant que le genre est plutôt un domaine ou un concept. Le vocable théorie du genre est employé ici au singulier par simple commodité de dénomination sans aucune intention d’entrer dans cette querelle terminologique.


20. En fait beaucoup plus long (c’est qu’indique le +), ce sigle regroupe une foule de cas possibles de minorités sexuelles. Dans la vidéo : https://www.facebook.com/ajplusfrancais/videos/552666615100992/ sur le sigle plus complet LGBTQQIP2SAA, l’animatrice explique, avec un sérieux on ne peut plus doctoral, les diverses catégories par lesquelles « se définissent » les personnes du méli-mélo de l’arc-en-ciel. La typologie présentée est ahurissante de divagations idéologiques.


21. Contrairement à un transsexuel, un transgenre ne subit pas de chirurgie de changement de sexe pour remplacer par exemple son pénis par un vagin artificiel.


22. Pour une critique linguistique de l’écriture inclusive, lire mon article : « La cacographie des passionarias de l’écriture inclusive », dans la revue électronique Discernement.net.


23. Ces exemples d’étymologies qui pourraient être jugées sexistes ont été cités par William Andureau dans le journal Le Monde du 24 novembre 2017 : http://abonnes.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/11/24/con-hysterique-vertu-ces-mots-francais-a-l-etymologie-sexiste_5219962_4355770.html


24. Pour avoir plus d’exemples de ces aberrations grammaticales, voir le reportage d’ICI-Estrie du 3 décembre 2015, « Un français plus neutre : utopie? » : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/752820/identites-sexuelles-trans-genres-francais-difficultes


25. Une anecdote survenue en Allemagne à la suite de l’entrée dans le pays de plus d’un million de migrants atteste le bon droit dont se revendiquent jalousement les défenseurs de la rectitude politique. En 2015, un jury de linguistes (de nom seulement puisqu’en principe un linguiste doit décrire la langue sans porter de jugement) ont banni le mot bienpensant comme le « pire mot de l’année », car son emploi discréditerait les personnes charitables et reviendrait à tenir l’aide humanitaire et la tolérance en faveur des migrants pour naïves et répréhensibles. Le seul fait de s’interroger sur les lourdes conséquences d’une immigration de masse est jugé automatiquement immoral par ce genre d’idéologues qui flottent dans les nuages hallucinatoires de l’angélisme.


26. L’institut Fraser, un des principaux centres de recherche en économie du Canada, a publié en 2009, sous la direction de Herbert Grubel, un ouvrage collectif intitulé The Effects of Mass Immigration on Canadian Living Standards and Society. Selon cette étude, l’immigration massive que le Canada a connue au tournant du siècle a eu des répercussions négatives sur tous les plans. L’auteur principal du livre, Herbert Grubel, conclut : « Depuis 1990, le taux annuel d'immigration du Canada est le plus élevé au monde, menant à une hausse de la population de 3,9 millions de personnes entre 1990 et 2006. Cette immigration massive a eu des conséquences profondes sur les conditions économiques, démographiques, sociales et politiques du Canada, nuisant au bien-être des Canadiens en général, y compris les immigrants des vagues précédentes. Malheureusement, la plupart des Canadiens sont insuffisamment informés quant à ces conséquences en partie à cause d'un code de rectitude politique qui tend à associer au racisme tout examen des politiques d'immigration […]. » Voir le communiqué de l’Institut Fraser : http://www.marketwired.com/press-release/institut-fraser-limmigration-massive-nuit-au-bien-etre-des-canadiens-en-general-les-1052330.htm


27. Voir à ce sujet Pierre Nepveu, « Le racisme au Québec : éléments d’une enquête », Liberté, no 51(3), 2009, p. 53-76. L’auteur examine deux mythes concurrents que circulent dans les discours sur le racisme au Québec. Véhiculé par les détracteurs du nationalisme québécois, le premier, d’accusation, décrit les Franco-Québécois comme xénophobes et dépourvus de tradition démocratique. Le second, de dénégation, concerne les représentations qu’ont les Québécois francophones de leur propre collectivité : ayant été eux-mêmes colonisés et méprisés, ils ne pourraient pas être des dominateurs et seraient au contraire forcément accueillants et généreux. L’article de Nepveu donne à entendre que ces deux mythes ne résistent ni l’un ni l’autre à l’analyse historique et sociologique.


28. Thomas Burelli et al., « Qui a peur des savoirs autochtones ? », Le Devoir, 26 mars 2018, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/523644/qui-a-peur-des-savoirs-autochtones Mêlant politique et épistémologie, les universitaires qui ont signé cette lettre d’opinion n’ont aucune gêne intellectuelle à soutenir une position aussi antiscientifique : « Subordonner la prise en compte des savoirs traditionnels à leur compatibilité avec les données scientifiques revient à établir une hiérarchie entre les savoirs, en faveur des savoirs scientifiques. Cette approche traduit une forme de méfiance ainsi qu’une tentative de contrôle vis-à-vis des savoirs autochtones et des effets potentiels de leur mobilisation sur les rapports de force en lien avec la gestion du territoire. »


29. Le Devoir, 2 novembre 2017, « L’«Esprit de l’ours grizzly» débouté en Cour suprême », https://www.ledevoir.com/societe/511949/l-esprit-de-l-ours-grizzly-deboute-en-cour-supreme


30. Sur la langue politiquement correcte, voir Patrick Moreau, Ces qui mots pensent à notre place. Petits échantillons de cette novlangue qui nous aliène, Montréal, Liber, 2017 ainsi que Jean-Yves Le Gallou et Michel Geoffrey, Dictionnaire de novlangue, Versailles, Via Romana, 2015.


31. Jean de La Fontaine, Fables, « Les animaux malades de la peste », 2e recueil, livre VII.


32. Sur la réaction de dénigrement de la souveraineté du peuple de la part des médias européens à la suite du Brexit, lire l’analyse de Guillaume Borel, « Brexit: les médias affichent leur haine du peuple et de la démocratie » sur le site Réseau International, 8 juillet 2016, https://reseauinternational.net/brexit-les-medias-affichent-leur-haine-du-peuple-et-de-la-democratie/


33. C’est la position défendue par le chroniqueur Fabrice Vil. Dans son article : « Maxime Bernier et la couleur » (Le Devoir, 16 mars 2018), il écrit en toute innocence : « Pour garantir les mêmes droits fondamentaux à tous, il ne faut pas traiter tout le monde également. Agir de cette manière perpétue les inégalités. »


34. Voir le reportage de Radio-Canada du 21 mars 2018 : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1090501/service-canada-langage-neutre-fin-utilisation-monsieur-madame-pere-mere


35. Drames rapportés sur le site de la revue Valeurs : http://www.valeursactuelles.com/monde/grande-bretagne-40-ans-de-silence-sur-les-viols-subis-par-1000-jeunes-filles-93930#sthash.YiGE6XTJ.gbpl. Lire aussi ce billet de Joseph Facal : « Sexe, morale et hypocrisie », Le journal de Québec, 20 mars 2018, p. 8.


36. Voir son entrevue : https://www.youtube.com/watch?v=uHxyII04iWM




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2 commentaires

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    19 mai 2018

    Un ajout trouvé sur le net.


    La rectitude politique et la relecture  de l'histoire  (que, l'historien Pierre Tousignant appelle « la rétro-projection »,) :


    « ...le « politiquement correct » est le produit d’une grave déviance. Il se nourrit de trois affres peccamineuses  : l’anachronisme, le manichéisme et la vulgarisation. L’anachronisme, l’histoire étant jugé à l’aune des critères politiques, mentaux, moraux et culturels de notre époque. Le manichéisme, l’histoire étant conçue comme la lutte du bien et du mal, mais un bien et un mal définis selon les normes actuellement dominantes. Enfin, la vulgarisation, la complexité et la richesse de la chose historique étudiée disparaissent au profit d’une lecture démocratique, exotérique et donc vulgarisée de celle-ci, faussant ainsi l’appréhension de la réalité.»


    JCPomerleau


  • Marc Labelle Répondre

    18 mai 2018

    Ce tour d’horizon exhaustif révèle l’ampleur du défi à relever pour contrer les manifestations et les causes de la décadence de l’Occident et du Québec.  À mon avis, l’emprise actuelle de la bienpensance nécessite le recours à une pensée et une action à la fois critiques et ludiques afin de déjouer la pesanteur dogmatique de cette posture totalitaire.