Actuellement, les entreprises doivent débourser 70 % du montant nécessaire à la remise en état d’un site, et ce, sur une période de 15 ans. Le projet de loi 79 dont Québec a accouché en décembre dernier prévoit que les sociétés minières devront supporter l’ensemble des coûts liés à la restauration des sites à la fin de leur exploitation.
Photo : Agence Reuters Ivan Alvarado
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Alexandre Shields - L'Institut Fraser l'a récemment reconfirmé: le Québec est un paradis de l'exploration minière. De quoi offrir des arguments à ceux qui réclament que l'industrie soit soumise à des règles beaucoup plus strictes. Et ils comptent bien se faire entendre lors des audiences de la commission chargée d'étudier le projet de loi qui doit réformer la Loi sur les mines. Les défenseurs des minières ont plutôt profité des premières journées de consultation pour critiquer la hausse des redevances annoncée dans le dernier budget provincial.
Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, n'est pas passé inaperçu cette semaine lors des audiences de la Commission des ressources naturelles de l'Assemblée nationale, chargée d'étudier le projet de loi 79. Il s'est d'ailleurs lancé dans une charge à fond de train contre ce qu'il considère comme un «secteur industriel prisonnier du modèle économique du XIXe siècle».
«L'industrie minière est sans doute, avec l'industrie pharmaceutique, un des secteurs industriels et financiers qui abusent le plus de l'assistance sociale. Ils sont tellement gâtés par ces avantages qu'ils en redemandent toujours plus, et ils ne sont même pas gênés [de le faire]», a-t-il laissé tomber au moment de s'adresser aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), premiers des quelque 70 intervenants qui doivent être entendus au cours des prochaines semaines. «Je ne peux pas avoir de respect pour ceux qui viennent ici défendre ceux qui ont pillé les ressources du Québec sans vergogne. Et c'est le cas de l'industrie minière depuis 100 ans», a-t-il ajouté.
Or, a plaidé le député de Mercier, «ce modèle industriel ne satisfait pas la population du Québec», qui réclame au contraire de meilleures pratiques environnementales, mais aussi davantage de retombées économiques pour le Québec.
Ses tirades lui ont même valu d'être rappelé à l'ordre par le président de la Commission, Pierre Paradis. Le président du comité Mines de la FCCQ, Bryan A. Coates — qui est aussi vice-président aux finances et chef de la direction financière de la minière Osisko —, a quant à lui déploré les accusations de M. Khadir, qu'il a déjà accusé de faire preuve d'«opportunisme» lorsqu'il critique Osisko.
Reste que les critiques virulentes du député de Mercier font écho, dans une certaine mesure, au mécontentement exprimé par plusieurs. Le Regroupement québécois des groupes écologistes a ainsi fait valoir la nécessité d'inclure, dans la refonte de la loi, l'assujettissement de tous les projets miniers à la procédure d'évaluation environnementale. Il s'est aussi dit en faveur de consultations publiques dans le cas des mines à ciel ouvert et a dénoncé la «timidité» du projet de loi au sujet de l'exploitation de l'uranium. Pour s'attaquer à l'ensemble des lacunes de celui-ci, le regroupement a pressé Québec de mettre en place une «commission Coulombe» sur le développement minier.
La Fédération québécoise des municipalités a réclamé pour sa part que les villes puissent profiter davantage des retombées et participent plus à la planification du développement minier. Les municipalités se retrouvent dépourvues de pouvoirs réels leur permettant d'orienter l'aménagement du territoire et le développement de leur région selon leurs priorités, a lancé son président, Bernard Généreux. Il est inacceptable qu'en vertu d'une disposition anachronique et quasi coloniale, nous n'ayons pas notre mot à dire dans les décisions qui nous concernent.» Actuellement, a-t-il précisé, la prédominance de la Loi sur les mines fait en sorte que la prospection, l'exploration ou l'exploitation d'une substance minérale échappent complètement à la planification territoriale des municipalités et des MRC.
Rapport accablant
Il faut dire que les critiques se sont faites plus insistantes depuis la sortie en 2009 d'un rapport accablant du Vérificateur général du Québec. Ce dernier y révélait qu'entre 2002 et 2008, «14 entreprises n'ont versé aucun droit minier alors qu'elles cumulaient des valeurs brutes de production annuelle de 4,2 milliards. Quant aux autres entreprises, elles ont versé pour la même période 259 millions, soit 1,5 % de la valeur brute annuelle». Le Vérificateur général y faisait également état de plusieurs dizaines de terrains miniers laissés à l'abandon et dont la restauration est désormais à la charge des contribuables québécois. Une facture de plus de 300 millions.
Bref, on pouvait faire mieux. C'est d'ailleurs pour resserrer les règles imposées aux entreprises que Québec a accouché en décembre dernier du projet de loi 79. Celui-ci prévoit notamment que les sociétés minières devront supporter l'ensemble des coûts liés à la restauration des sites à la fin de leur exploitation. Et l'argent mis en garantie devra être entièrement déposé dans les cinq ans suivant le début des activités sur le site. Cette somme devra inclure les montants nécessaires à la restauration de «tout le site minier», assurait le ministre délégué des Ressources naturelles et de la Faune, Serge Simard, au moment de l'annonce. Rien n'est toutefois précisé pour le remblaiement des mines à ciel ouvert. Actuellement, les entreprises doivent débourser 70 % du montant nécessaire à la remise en état d'un site, et ce, sur une période de 15 ans.
En ce qui a trait au «plan de réaménagement et de restauration», il devra être approuvé avant le début des activités. Le ministre des Ressources naturelles et de la Faune y donnera son accord «après consultation» auprès du ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. Les projets de 3000 tonnes et plus par jour seront en outre soumis à des audiences dirigées par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, contre 7000 tonnes et plus selon le régime actuel.
Les redevances de la discorde
S'ajoute à cela la hausse des redevances de 12 à 16 % d'ici 2012 annoncée dans le dernier budget provincial. Même s'il était question auparavant de présenter un projet de loi distinct — le projet de loi 79 n'en fait pas mention —, la mesure est là pour de bon, assure le ministre Simard, qui soulignait récemment que les droits miniers n'avaient pas été modifiés de façon importante depuis 1994. Mais dans les faits, le régime laissera en place des allocations permettant aux entreprises d'abaisser le taux à aussi peu que 6 ou 7 %, selon les informations révélées par Le Devoir au moment du dévoilement du budget.
La FCCQ a néanmoins profité de son passage devant la Commission cette semaine pour dénoncer cette hausse qui a pris les minières par surprise. «Le gouvernement aurait dû consulter les industries avant de mettre en place des changements fiscaux majeurs», a soutenu sa vice-présidente aux affaires publiques, Caroline St-Jacques. Selon elle, les nouvelles mesures annoncées «risquent d'avoir un impact sur l'attractivité du Québec, qui reposait notamment, jusqu'à tout récemment, sur une fiscalité compétitive et un environnement d'affaires prévisible».
Pour faire valoir son point, l'industrie ne manque pas de rappeler les retombées économiques pour le Québec. Les investissements dans cette filière sont d'ailleurs en croissance. Les activités d'exploration ont crû de 65 % par année en moyenne depuis 2000, pour s'élever à 440 millions en 2008. Ce montant inclut cependant une contribution fiscale de l'État de 23 % des dépenses totales, précise une récente étude réalisée par E&B DATA.
Les minières génèrent en outre un total de 36 000 emplois directs. En ce qui a trait aux retombées pour le trésor québécois, on parle d'une contribution fiscale nette — incluant l'impôt sur le revenu, les taxes, les droits miniers et les claims — de 281 millions en moyenne chaque année entre 2000 et 2007. Pendant la même période, Québec a accordé une aide annuelle moyenne de 110 millions aux minières. Devant la Commission, Osisko a toutefois plaidé pour un meilleur soutien au développement de l'industrie, par exemple à travers un «portefeuille minier Québec» qui serait géré par la Caisse de dépôt. Aux premières étapes d'un projet, a-t-on rappelé, il n'est pas toujours aisé d'obtenir du financement.
D'autres jugent que le Québec pourrait bénéficier davantage des retombées financières de l'industrie. C'est le cas du député solidaire Amir Khadir, qui a cité le cas de la minière Osisko, qui exploitera une mine d'or à Malartic. Selon les documents présentés en Commission par celle-ci, Québec devrait recevoir un total de 88 millions en redevances pendant les 10 années d'exploitation de la mine, qui créera une gigantesque fosse. Les profits de l'entreprise se chiffreront quant à eux à 1,515 milliard.
L'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques évoquait même récemment la nécessité de réfléchir à rien de moins que la nationalisation du secteur minier québécois. Une hypothèse jadis évoquée par le gouvernement de Jean Lesage, selon ce qu'a soutenu cette semaine Amir Khadir. Le projet de loi 79 en est très loin, mais le chantier n'en est pas moins majeur.
Refonte de la Loi sur les mines: le chantier de la discorde
L'industrie critique la hausse des redevances annoncée par Québec dans son dernier budget
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