Quelles sont les modalités d’une prorogation du Parlement britannique?

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Il faut comprendre le parlementarisme britannique pour saisir la partie d'échec qui se joue

La décision controversée du premier ministre Boris Johnson de suspendre le Parlement britannique à moins de 2 mois du Brexit est entrée en vigueur lundi soir. Le Figaro vous explique comment cette procédure est encadrée et pourquoi elle fait polémique.



Le premier ministre britannique Boris Johnson avait annoncé le 28 août la prorogation (suspension) du Parlement britannique entre la deuxième semaine de septembre et le 14 octobre. Cette décision a été entérinée lundi soir, à l’issue d’un nouveau revers infligé par les parlementaires.


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● En quoi consiste une prorogation?


Une prorogation est le nom donné entre la fin d’une session parlementaire et le début d’une nouvelle, marquée par le State Opening, cérémonie d’ouverture du Parlement présidée par la reine.


Seule la monarque peut proroger le Parlement à la demande du premier ministre. Cette suspension prend la forme d’un discours prononcé au nom de la Reine devant la Chambre des Lords (composée de MPs, les députés britanniques) puis devant la Chambre des Communes. Ce discours instaure officiellement une vacance législative puisque les deux Chambres ne se rassemblent pas avant le State Opening, quelques jours plus tard.


Le discours de prorogation reprend les lois et les mesures les plus importantes adoptées lors de la session parlementaire et présente le nouvel agenda législatif du Parlement. Tout projet de loi en cours lors de la prorogation est alors suspendu. Cependant, certains peuvent être repris lors de la session parlementaire suivante.


Boris Johnson, rentré au 10 Downing Street le 24 juillet dernier, a soutenu sa demande de prorogation en rappelant que la session parlementaire ouverte le 21 juin 2017 jusqu’à lundi soir était la plus longue depuis plus de 400 ans. Après la dissolution du Parlement le 27 avril 2017 pour les élections générales du 8 juin 2017, le gouvernement britannique de Theresa May avait en effet annoncé que la session parlementaire durerait deux ans (au lien d’un) pour laisser le temps aux députés de voter les différentes législations liées au Brexit.


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Si la durée de prorogation varie, elle ne dure en général que quelques jours. En 2016, elle avait duré cinq jours et en 2014, treize. Cette année, le parlement est donc exceptionnellement suspendu pendant plus de cinq semaines, du 9 septembre au 14 octobre.


Durant cette période, les députés conservent leur mandat mais aucun débat ou vote ne peut avoir lieu. La prorogation diffère de la dissolution, procédure qui les contraint à abandonner leur siège au Parlement et qui a lieu avant les élections générales, prévues officiellement tous les cinq ans.


● Pourquoi cette prorogation fait-elle scandale?


Si cette procédure fait partie du calendrier parlementaire, les anti-Brexit pointent du doigt la durée exceptionnellement longue de cette suspension. Ils accusent Boris Johnson de vouloir empêcher le parlement de voter une loi bloquant un «no deal» et de réduire le débat parlementaire. Le leader du parti travailliste Jeremy Corbyn dénonce ainsi un «casse» démocratique quand John Bercow, président de la Chambre des Communes, déplore «un outrage constitutionnel». Même certains conservateurs dénoncent une action «antidémocratique». Une pétition contre la prorogation avait déjà récolté 1 721 199 signatures lundi 9 septembre.


Boris Johnson a répondu à ses détracteurs que «les députés auraient largement le temps de débattre». Mais à l’issue de la prorogation souhaitée par le premier ministre, il ne restera aux députés que 17 jours (du 14 au 31 octobre) pour débattre et faire passer des textes liés au Brexit, avant le 31 octobre, date prévue pour la sortie britannique de l’UE.


● Dans quels autres cas la prorogation du Parlement avait-elle fait polémique?


Si la suspension du parlement britannique est une procédure standard, certaines prorogations peuvent être utilisées pour servir les objectifs politiques du parti au pouvoir.


La dernière suspension polémique avait été demandée en 1997 par le premier ministre conservateur de l’époque, John Major (1990-1997), afin d’éviter un débat parlementaire portant sur le scandale politique «Cash for questions». Deux députés de son propre camp avaient été accusés d’avoir été soudoyés par Ian Greer, un lobbyiste travaillant pour le propriétaire égyptien de Harrods, un grand magasin londonien.


● Une prorogation peut-elle est annulée?


À l’annonce de Boris Johnson le 28 août, le même John Major, farouchement opposé à une sortie de l’UE, a annoncé son intention de stopper cette procédure. Mais le 6 septembre, la Haute Cour de Justice a rejeté sa demande. Major a fait appel devant la Cour Suprême qui doit rendre sa décision le 17 septembre.


Deux législations autorisent le Parlement à se reformer malgré sa suspension mais celles-ci ne sont invoquées qu’en temps de guerre ou d’urgence nationale.


En dernier recours, le Parlement a la possibilité de demander à la Reine de refuser une prorogation, puisque c’est à elle de l’accepter. Cependant, si elle avait rejeté cette suspension, elle aurait manqué à ses devoirs constitutionnels qui l’obligent à rester neutre et à suivre les conseils de son premier ministre.