Quel avenir pour le printemps québécois ?

Crise sociale - JJC le gouvernement par le chaos

Depuis l’arrivée en force de la loi 78, la première observation que nous devons retenir, afin de faire le bilan de plus de trois mois de perturbation sociale convergeant essentiellement autour de la hausse des frais de scolarité, c’est que le gouvernement ne semble pas être enclin à revenir sur sa décision malgré la gravité de la situation. Ce qui est assez surprenant en première instance dois-je dire. Un second point très important, si l’on veut bien comprendre la situation, est cette nouvelle dichotomie découlant du conflit lui-même, soit celui entre les « rouges » et les « verts », même si agrémentée d’un peu de « blanc » et de « jaune » pour faire jolie. Ces deux nouveautés dans le paysage médiatique québécois ont pour ainsi dire galvanisé l'esprit d’une population accablée par le cynisme et ont probablement coûté quelques premières pages à certains galas mondains et autres platitudes servant d’anesthésiant au peuple. Par contre, il ne faut pas être naïf, cet intérêt soudain pour la chose publique est loin d’être aussi positif qu’on pourrait le croire et démontre une réalité assez bien identifiée, mais qui demandait peut-être encore confirmation pour certains. Soit un peuple devenu en partie inconscient de ses intérêts.

La raison pour laquelle la question de la hausse des frais de scolarité est si symptomatique de cette évolution, est qu’elle nous démontre bien que le sujet de fond n’est pas tant d’être « pour ou contre » la hausse (sur son plan comptable du moins), mais bien de savoir ce qui prévaut entre l’intérêt collectif et l’intérêt individuel. Cette réalité sous-jacente du débat public est justement ce qui rend inconciliables les parties, d’autant plus que la plupart des protagonistes n’en ont pas complètement conscience et se font des guerres d’opinion sur des visions du monde très peu comparables. Par exemple, il n’est nul besoin d’être très attentif aux escarmouches verbales entre les syndicats étudiants et le gouvernement pour se rendre compte que les termes de « droits » et de « démocratie » (pour ne nommer que ces deux-là) n’ont pas du tout la même signification en fonction de qui ils proviennent. Partant de cette observation nous pouvons donc comprendre les advenant de mon deuxième point, soient une guerre idéologique bloquée et ne pouvant que se radicaliser à l’excès par incompréhension mutuelle. Donc, d’un côté nous avons ceux qui voient en la société une entité qu’il faut prendre comme telle afin de l’orienter vers des intérêts collectifs bien sentis et de l’autre, nous avons ceux qui voient la société comme un ensemble d’individus ayant des droits et des responsabilités qui obligent à suivre une certaine voie, soit celle des lois du marché.

Pour en revenir à notre premier point, tout en faisant un pont avec le second, il y a quelque chose de tout à fait singulier à souligner dans l’évolution stratégique du gouvernement et qui en explique assez clairement le comportement. Qu’est-ce que la polarisation « rouge/verte » lui apporte au juste ? C’est assez simple. Elle offre à un gouvernement corrompu et totalement disqualifié par la population (pour ne pas dire illégitime, étant donné qu’élu majoritaire essentiellement que pour des raisons d’abstention) une porte de sortie à sa droite en exploitant le réflexe sécuritaire qu’ont de plus en plus la frange non rouge de la population. Autrement dit, ce radicalisme, fort peu habituel chez ce gouvernement reconnu habituellement pour sa liquidité, est incontestablement à trouver dans l’éternel pragmatisme d’un parti politique sans idéal . Il semble clair, après un minimum de recul et d’observation, que la force inertique du gouvernement (d’avant la loi 78) couplée au travail monumental de propagande des masses médias (qui, je le rappelle, ont des propriétaires ayant intérêt à cette hausse) ont accouché d’une polarisation relativement excessive et à bien des aspects artificiels. Ce travail très bien fait de polarisation a donné que d’une masse bien sage et apathique on en a fait une horde de geignards haineux. Fort peu enclin au militantisme, mais très visible sur Internet et les tribunes du bon peuple.

Comme la frange rouge, il faut savoir que la verte se radicalise aussi très rapidement avec l’évolution du conflit, mais à ceci près que les verts n’ont pas vraiment de principes philanthropiques à défendre autre que leurs droits d’individu (et celui du marché par extension) ce qui fait que ce qu’ils veulent c’est surtout que le conflit cesse au plus vite sans que le gouvernement ne recule sur la question de la hausse (est-ce un principe ?). Et si possible avec une petite dose d’humiliation en guise de punition envers cette jeunesse trop téméraire. Enfin, pour dire les choses de manière simple, la frange verte se droitise. Comme vous pouvez l’imaginer, ce genre de penser droitarde, tout en revenant finalement à être plus antirouges que pros verts, ne va aucunement dans le sens d’un retour aux négociations, et par extension au calme, mais bien dans celui d’un affrontement de plus en plus inévitable. Ce qui donne aux aberrations répressives ainsi qu’à la mauvaise foi du gouvernement une image altérée ayant l’air d’être presque de bonne guerre. Pour schématiser un peu plus en politologue, disons qu’en plus de ne rien faire pour améliorer la situation, le gouvernement essaie très probablement de gagner des points électoralement chez les antirouges (droite) en vue des prochaines élections. Et sa loi 78, n’ayant qu’une portée d’un an (autrement dit, d’ici les prochaines élections), ne fait que nous le confirmer. Cette tactique morbide et antisociale démontre bien à quel point ce gouvernement est nocif pour le Québec et se fiche éperdument de son avenir et de sa stabilité, mais aussi il démontre bien que le bras de fer est loin d’être terminé. Il en va de sa survie en tant que possesseur du pouvoir, car pour lui un recul (perte de l’électorat droitard non naturellement acquis) est grosso modo une mort politique assurée et les carriéristes bien entourés du parti libéral ne voudront pas céder leur place aussi facilement. Sans compter que leurs employeurs, un peu plus haut dans les sphères du pouvoir, leur feraient probablement payer au prix fort leur mauvais rendement.

Malgré tout ça, rien n’est encore joué, car la frange rouge de la population reste très déterminée et rien n’est moins sur que de taper, de bâillonner et d’humilier les jeunes soit suffisant pour redorer le blason d’un gouvernement battant des records d’impopularités. Du moins certainement pas à long terme. Voilà pourquoi je ne crois absolument pas que les activistes du mouvement étudiant soient à blâmer. Tout au contraire, je crois même qu’ils doivent mettre encore plus d’ardeur à la tâche, car le gouvernement devra reculer tôt ou tard. Ne serait-ce que pour des raisons économiques (le chaos coûte cher et la répression a ses limites dans l’opinion mondiale). Et je vous le dis, ce jour-là son capital électoral acquis malhonnêtement s’écroulera d’un coup. Même s’il est selon moi très improbable que le mouvement présent accouche de la gratuité scolaire à court terme, le seul fait de faire revenir le gouvernement sur la question fondamentale des frais de scolarité en sera une grande victoire stratégique. Car cette petite victoire en apparence aura comme conséquence de contraindre les libéraux au moins au statut de gouvernement minoritaire aux prochaines élections. Cela permettra sans nul doute le début d’un grand chantier politique allant enfin dans le bon sens, car il est vrai qu’il reste beaucoup à faire afin de réparer les dégâts de trois mandats libéraux.

Il est certain que tous ont beaucoup perdu dans cette lutte, mais il est de notre devoir de la poursuivre coûte que coûte. De toute façon, ce serait trop bête de reculer maintenant après avoir déjà gravé dans notre histoire ce sursaut du politique, appelé « printemps érable », dans notre belle Nation. Nation qui a tant besoin de victoires pour s’épanouir. Enfin, rien n’est encore scellé, mais tant qu’il y aura de la vitalité et de la ferveur dans le cœur des jeunes gens, il y aura de la place pour l’espoir !


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mai 2012

    Je crois qu'à ce stade-ci, c'est une erreur de séparer les opinions entre verts et rouges.
    Beaucoup de ceux qui ont voté contre la grève se sont joint aux protestations face à la loi 78.
    Ceux qui n'ont pas participé à la grève,selon moi, sont plus du type apolitique que de droite. C'est pourquoi ils n'ont pas embarqué dans le mouvement de grève. Mais la loi 78 en a fait réfléchir plusieurs.
    Les verts semblent une création du parti libéral ou des jeunes libéraux. (Pour retourner en classe, je pourrais le croire, mais POUR la hausse ? Ça fait vraiment arrangé avec le gars des vues)
    Les gen véritablement à droite ou à gauche, resteront toujours campé sur leur position. Au final, ce seront les gens du centre (dont je ne suis pas) qui trancheront
    Pour que ce mouvement débouche sur quelque chose, il faudrait que les gens puissent se mettre d'accord sur une alternative politique.
    Selon moi, Québec Solidaire en est une mais le parti parait encore trop fragile pour que les gens se décident à voter pour lui au risque de diviser le vote et de faire entrer encore Charest

  • Jean Lépine Répondre

    21 mai 2012

    Voici ce qu'en pensent des sages qui ont de l'expérience:
    http://www.dailymotion.com/video/xb40jb_creer-c-est-resister-resister-c-es_news?start=6

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mai 2012

    Entièrement d'accord,ces jeunes nous ont redonné espoir et énergie.Pour charest,ce sera un calvaire.Je ne pense pas
    qu'il soit capable de supporter cela.

  • Francis Déry Répondre

    20 mai 2012

    Le Printemps Québécois, c'est l'Automne des Libéraux.
    L'Été s'en vient à grands pas.
    Pour les Libéraux, ce sera un long et dur Hiver qui pourrait s'éterniser.
    Pour eux, ils sont en période d'Halloween. Ils ont très peur des fantômes de leurs mauvais coups. D'où l'interdiction de porter des masques.
    Nous les démasqueront !

  • Archives de Vigile Répondre

    20 mai 2012

    "savoir ce qui prévaut entre l’intérêt collectif et l’intérêt individuel"
    C'est le fond du débat en effet: le bien commun ou le bien de la seule riche classe capitaliste de la finance et des affaires et de ceux qui gravitent autour (politiciens, journalistes, fonctionnaires etc...)
    Or, la politique devrait être de s'occuper du bien commun et les gens se rendent de plus en plus compte que ce n'est pas vraiment ce que fait le gouvernement qui semble pour sa part défendre en priorité l'aristocratie d'argent.
    Il n'y a pas de doute que c'est ce qui choque certains étudiants de voir qu'on les augmente pour pouvoir faire des cadeaux ensuite à la riche classe capitaliste de la finance et des affaires.
    Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas revenir sur sa décision?
    Parce qu'il défend clairement des intérêts privés et non le bien commun.
    Si le bien commun était vraiment défendu par le gouvernement, on ne verrait pas, par exemple, des assistés sociaux à 575$ par mois, incapables de se loger convenablement et de s'alimenter convenablement.
    Si le bien commun était défendu, on aurait depuis longtemps instauré un revenu de citoyenneté universel afin que tous puissent vivre décemment et s'épanouir au Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 mai 2012

    Voilà , mobilisation, manifestation, révolution notre seul espoir.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 mai 2012

    Le "printemps québécois" est reconnu et la Tribune Libre
    de Vigile est citée par les médias iraniens. Voyez =>
    http://french.irib.ir/analyses/commentaires/item/189610-fin-de-r%C3%A9gime-%C3%A0-qu%C3%A9bec,-par-robert-bibeau
    Et il y en a eu d'autres.

  • Marie-Eve Doré Répondre

    20 mai 2012

    Je suis certainement un peu naïve, car je prévois deux ou trois démissions dans le clan Libéral qui forceront des élections rapides. Les semailles du Printemps Érable nous permettrons peut-être de récolter un Pays à l'Automne... C'est mon souhait le plus cher...