Québec - Un feu d'artifice !

« Les vannes sont ouvertes; les gens commencent à parler »

Enquête publique - un PM complice?


Robert Dutrisac - Jeudi, à l'Assemblée nationale, le premier ministre Jean Charest a accusé la chef du Parti québécois, Pauline Marois, de faire «un amalgame de différents événements pour essayer de noircir le tableau». Le problème, c'est que l'amalgame, c'est la population en général qui le fait. Et nul besoin de l'opposition officielle pour noircir une situation qui ne cesse de se détériorer au gré des révélations et des coups de théâtre. Un vrai feu d'artifice.
Les aveux de l'ancien ministre péquiste Serge Ménard et du député libéral de Vimont, Vincent Auclair, visant le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, ont contribué, par association, à miner la crédibilité d'un gouvernement qui s'obstine à refuser de tenir une commission d'enquête. L'Union des municipalités du Québec (UMQ) est en désarroi: son président, Marc Gascon, a démissionné, le maire de Westmount, Peter Trent, s'est retiré de son conseil d'administration, puis ce fut au tour de Gilles Vaillancourt d'annoncer qu'il ne sera plus, pour un temps, le porte-parole du comité des finances de l'association. Tout cela alimente un climat de crise.
Comme si ce n'était pas suffisant, Le Devoir révélait hier que le chef de l'escouade anticollusion, Jacques Duchesneau, fait l'objet d'intimidations de la part d'acteurs de l'industrie de la construction qui jugent que ses enquêtes commencent à être dérangeantes alors que des allégations de financement politique illégal le forcent à quitter temporairement ses fonctions. Monsieur Net est mis hors de combat, pour un temps dans le meilleur des scénarios. C'est le pouvoir même de l'État qui semble menacé.
Tout se déglingue. Jean Charest a perdu cette semaine les deux seuls alliés qui lui restaient: lundi, l'UMQ revenait sur sa décision de ne pas réclamer de commission d'enquête sur l'industrie de la construction; mercredi, c'était à la FTQ de faire de même. Le chef libéral évoquait jeudi «l'emballement qu'il y a autour de ce débat», répétant que son gouvernement misait uniquement sur les enquêtes policières. «Emballement», c'est là un bel euphémisme.
Comme si ce n'était pas suffisant, Pauline Marois a lancé dans les pattes du premier ministre une motion de censure. Hier, Jean Charest annonçait qu'il écourtait sa visite en France pour prendre part mercredi à ce vote de confiance. Non pas qu'il craigne de le perdre; c'est une question de principe, a-t-on expliqué. Il est impensable que le chef libéral soit absent alors que la confiance accordée à son gouvernement est remise en question. Jean Charest devait partir demain pour ne revenir que le samedi suivant; la visite alternée du premier ministre ne durera plus que deux jours, jeudi et vendredi.
En raison de la courte majorité dont jouit le gouvernement, ce vote s'annonce tout de même serré et requiert la présence de presque tous les députés libéraux. «Je n'ai vraiment aucune difficulté à l'égard de la discipline. C'est un caucus en or pour un whip», a dit le whip libéral, Pierre Moreau, sûr de remporter ce vote par quelques voix. Espérons pour le gouvernement Charest qu'il ne doive pas sa survie à une seule voix, celle du député de La Fontaine, Tony Tomassi, qui siège comme indépendant depuis qu'il a été expulsé du caucus libéral pour avoir utilisé une carte de crédit payée par une entreprise faisant affaire avec l'État. Ce serait du plus mauvais effet.
La suite
Après une semaine qui fut parmi les plus tumultueuses qu'a traversées le gouvernement libéral depuis 2003, la prochaine risque aussi d'être mouvementée. Le PQ a intérêt à chauffer le poêle. D'autres révélations sur des cas de collusion ou de corruption liés à des contrats publics pourraient servir de combustible. Même en l'absence d'une commission d'enquête, «les vannes sont ouvertes; les gens commencent à parler», fait-on observer dans l'entourage de Pauline Marois.
C'est une semaine cruciale aussi parce qu'elle précède l'élection partielle dans la circonscription de Kamouraska-Témiscouata, lundi 29 novembre. Jusqu'ici, le PQ s'est évertué à faire baisser les attentes, rappelant qu'en 2008, son candidat avait fini troisième. On souligne aussi que la candidate libérale France Dionne peut compter sur le courant de sympathie pour feu Claude Béchard. De plus, Jean Charest a mis le paquet en réglant la question du contrat des voitures de métro pour l'usine de Bombardier à La Pocatière et en intervenant pour suspendre les pouvoirs du Directeur général des élections (DGE) qui projetait d'abolir le comté. Et maintenant, la rumeur circule que France Dionne, si elle est élue, sera nommée ministre de l'Agriculture. Malgré tout, France Dionne et le candidat péquiste, André Simard, seraient nez à nez, selon une source libérale. Une défaite de France Dionne serait le signe que rien ne va plus pour les libéraux dans les comtés francophones.
Entre-temps, députés et ministres libéraux continuent de défendre sur toutes les tribunes la position du gouvernement. À moins d'une improbable volte-face (certaines rumeurs veulent toutefois que le gouvernement soit prêt à jeter du lest), les libéraux n'ont qu'un seul espoir: que le procureur général du Québec, alimenté par l'opération Marteau, dépose des accusations contre de gros poissons de l'industrie de la construction. Et rapidement.
Un tel geste d'éclat calmerait les esprits et rallierait la population à la position du gouvernement, croit-on. Mais une autre thèse a cours: les citoyens ne verraient dans ces premières accusations portées que des amuse-gueule qui stimuleraient leur appétit, déjà gargantuesque, pour une vaste commission d'enquête.


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