Que se passe-t-il au Québec?

Le décrochage entre le gouvernement et la population est radical.

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012

Je ne pense aucun bien de ceux qui jouent à la révolution et sont tentés par la violence. Aucun. Mais réduire la grève étudiante à quelques casseurs et apprentis Che Guevara, c’est ne rien comprendre à ce qui se passe au Québec.
Car la querelle sur les frais de scolarité a changé de proportion depuis un bon moment. La grève étudiante est le révélateur d’un malaise social profond. Un peu comme l’affaire du kirpan avait révélé un malaise identitaire qui a conduit à la crise des accommodements raisonnables
Ceux qui soutiennent le mouvement étudiant sont les premiers à le savoir. Le carré rouge, ce n’est plus seulement celui du refus de la hausse. C’est aussi, pour plusieurs, l’expression d’une protestation généralisée contre une société devenue indécente.
Incarner l’ordre
Vrai, la population n’endosse pas la grève. Mais tous sentent bien que le sentiment qui l’a initiée n’est pas fondamentalement illégitime. On aurait tort de le tourner en ridicule, même si les slogans anticapitalistes de ceux qui jouent à la révolution exaspèrent légitimement.
Le gouvernement y voit clair aussi. Il s’agit désormais pour lui d’incarner l’ordre. Montrer sa résolution devant la rue. Et en tirer profit. Il pourrait gagner son pari. Charest comme Thatcher? Ce sera le discours de la prochaine élection.
Rhétorique révolutionnaire et calculs politiques se répondent. Tout cela a l’air d’un théâtre. Mais ce n’est pas une comédie qu’on joue. Ce que nous vivons a un nom : il s’agit d’une fin de régime imminente.
Cela fait une dizaine d’années qu’un malaise politique pourrit le Québec. Quelquefois, c’est la droite qui l’exprime. D’autres fois, c’est la gauche. Les deux sont légitimes selon les circonstances. Mais derrière les étiquettes, une même révolte s’exprime.
Le décrochage entre le gouvernement et la population est radical. Et un peuple qui ne croit plus à ses institutions bascule dans le cynisme ou l’utopisme. Ce sont les deux faces de l’impuissance politique. Il faut plutôt apprendre à connecter réalisme et idéalisme.
D’abord, le réalisme. L’endettement de l’État. Sa bureaucratisation. Le recul du français. Les ravages du multiculturalisme. La faillite culturelle de l’école. Le pillage des ressources naturelles. La corruption généralisée. L’impuissance québécoise dans le régime fédéral. Le Québec va mal.
Société plus décente
Ensuite l’idéalisme. C’était une des rares bonnes formules de mai ‘68. « On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance ». Nous touchons les limites de la dissolution comptable de la politique. D’une société de consommateurs blasés. Le Québec pourrait aller mieux.
Personne ne rêve d’une société paradisiaque, mais plusieurs espèrent une société plus décente. Une société qui recommence à croire à la politique. Une société qui ne croit pas que les idéaux sont toujours trop chers payés.
La crise sociale actuelle pourrait se perdre dans le marécage de l’impuissance. Ou donner lieu à une formidable renaissance collective. Mais l’heure est moins au rêve qu’au redressement. Cela implique des efforts. Churchill aurait dit : de la sueur et des larmes.
N’allons pas jusque-là. Mais sachons qu’il n’y aura pas de renaissance québécoise sans un immense exercice de lucidité collective. Elle est là, la promesse d’une nouvelle Révolution tranquille. Ou comme ils disent, d’un « printemps québécois ».


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