En Israël, l’été n’est pas seulement la saison du tourisme. C’est aussi celle de l’alyah, la «montée» des juifs qui le souhaitent vers leur «nouveau pays». Lundi, deux cents olim («nouveaux immigrants») venus de France et âgés de deux mois à 92 ans sont ainsi accueillis en grande pompe à l’aéroport de Tel-Aviv. D’autres groupes les suivent à intervalles réguliers pour se fondre dans le flux des quatre mille Français attendus cette année par le ministère israélien de l’Intégration et par l’Agence juive, la structure paraétatique chargée de faciliter leur alyah.
Un chiffre honorable ? Sans doute. Mais en net recul par rapport au pic de l’année 2015 (7 900 olim). Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs et notamment le fait qu’un nombre grandissant d’anciens olim rentre en France après avoir connu maints déboires en Israël.
Si l’on connaît à l’unité près le nombre de nouveaux immigrants arrivés dans l’année, les statistiques de la yerida («le retour») sont beaucoup plus floues, puisque ceux qui décident de rentrer en France le font presque toujours à la sauvette. Selon que l’on s’adresse à l’Agence juive ou à d’autres institutions, le pourcentage de retour varie de 10 à 30 % au terme de la première année d’immigration.
Nouveaux codes
«C’est une décision difficile à prendre mais je n’ai pas d’autre choix», lâche Jacques N., 70 ans, veuf et ancien commerçant à Saint-Denis. Lorsque je me suis installé à Netanya en 2010 pour vivre tranquillement le restant de ma vie, ma retraite mensuelle de 1 100 euros valait 5 475 shekels [devise israélienne, ndlr]. Mais aujourd’hui, elle équivaut à 4 414 shekels à peine en raison de l’affaiblissement de l’euro. Je perçois moins que le smic israélien dans un pays où tout coûte plus cher qu’en France.»
Certes, de nombreux olim français – et surtout les plus jeunes qui passent par le creuset social de Tsahal (l’armée) – s’intègrent à la société israélienne. Mais beaucoup d’autres n’y arrivent jamais. Ils galèrent, ballottés entre une administration dont ils ne comprennent pas le fonctionnement, une langue qu’ils peinent à assimiler, un système social moins protecteur que celui de l’Hexagone, et des codes de comportement différents de ceux qu’ils connaissaient dans leur pays d’origine.
Certains, tel ce jeune couple avec enfants de Raanana (grande banlieue de Tel-Aviv), y ont laissé toutes leurs économies. Ce qui les a contraints à faire la quête pour s’offrir un aller simple à destination de Paris en abandonnant tout sur place. D’autres, comme ces dentistes venus de Toulouse après l’affaire Mohamed Merah, ont préféré quitter Tel-Aviv, où ils n’arrivaient pas à pratiquer leur activité en raison des obstacles administratifs, pour s’installer au Canada où toutes les portes leur sont ouvertes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des municipalités telles celles de Tel-Aviv, de Netanya et d’Ashdod ont recruté des assistantes sociales francophones. Car les demandes d’aide s’accumulent.
Portes fermées
«Des olim français "blindés de thune" il y en a, mais ce n’est pas la majorité», raconte l’une de ces conseillères, désireuse de ne pas être identifiée. «Beaucoup viennent en Israël dans l’espoir d’une vie meilleure. Ils s’imaginent que les problèmes qui les taraudaient en France vont s’évanouir durant le voyage en Israël alors qu’ici, ils empirent en raison des difficultés et du stress.» Et de poursuivre : «Au fil des mois, j’ai vu des gens aux abois sombrer dans la dépression parce qu’ils n’avaient pas d’emploi et que leurs économies fondaient comme neige au soleil. Quant aux dossiers de couples qui se brisent et dont l’un des conjoints rentre en France en laissant l’autre sur place avec les enfants, on ne les compte plus.»
Ballottés entre un parent (généralement le père) en France et l’autre en Israël, plusieurs de ces ados se retrouvent le jeudi soir, très tard, aux environs de la «Kikar Haatsmaout», la place centrale de Netanya. Plus vraiment Français, mais ne se sentant pas Israéliens non plus, ces «paumés» ont déjà eu maille à partir avec la justice locale. Pour des petits vols avec violence et, dans un cas au moins, pour trafic de stupéfiants. «Et alors ? C’est pour ça qu’on est des merdes ?», interroge un petit caïd d’environ 16 ans prétendant s’appeler David. «Les gens nous prennent pour des moins-que-rien mais que veux-tu qu’on fasse ? Ici, on n’a pas grand-chose à espérer à part être envoyés sous les drapeaux à l’âge de 18 ans, et si on retourne en France on sera bon pour le chômage. Où qu’on aille, toutes les portes sont fermées.»
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