Un article de Gilles Laporte, paru sur cette tribune le 15 mai 2013 sous le titre « Qui a peur de la Journée nationale des patriotes? » dans le Dossier « Idées » à la rubrique « De la corruption et de l’éthique », nous ramène immanquablement au triste constat d’une nature humaine qui perpétue la répétition de l’histoire au détriment des leçons qu’elle devrait nous apprendre :
« À l’époque, le parlement élu n’a guère qu’un pouvoir, celui de voter le budget et l’allocation des dépenses. De son côté, le gouvernement colonial anglais exigeait que le revenu des taxes lui soit versé automatiquement pour financer l’administration coloniale et payer les « sinécures », ces bureaucrates vivant au crochet de la colonie. Les députés patriotes ripostent donc en rendant publics le nom et le salaire de chaque fonctionnaire ainsi que le montant de tous les contrats publics octroyés aux amis du gouverneur. On révèle ainsi quantité de cas de corruption et de favoritisme…La saine gestion par l’État est le plus constant engagement pris par les patriotes. Ils exigeaient donc inlassablement la tenue d’enquêtes publiques, ce à quoi le gouverneur anglais s’opposait systématiquement. Cette situation n’est pas sans rappeler l’obstination dont a fait preuve le précédent gouvernement libéral afin de retarder la tenue d’une enquête sur l’industrie de la construction. »
« Plus encore que la lutte à la corruption, les députés patriotes revendiquent l’indépendance des élus et une claire séparation du juridique et du politique. C’est ainsi que les patriotes dénoncent Samuel Gale, à la fois juge et député à l’Assemblée, ou Jonathan Sewell, à la fois juge en chef et président du Conseil législatif. Les patriotes obtiennent ainsi en 1811 l’inéligibilité des juges, une mesure fondamentale qui évite que la partisannerie politique n’entrave une justice impartiale. Récemment, l’historien Frédéric Bastien dévoilait que je juge Bora Laskin avait enfreint cette règle en divulguant des informations au gouvernement alors même que la Cour suprême du Canada était saisie en 1981 du cas du rapatriement unilatéral de la constitution. À 175 ans de distance, on est stupéfait de constater que le parti patriote dénonçait exactement la même situation. »
L’auteur aborde ensuite, en ces termes, toute une panoplie de droits nationaux que les patriotes et leurs successeurs ont réussi à obtenir à grands coups de détermination, voire même certaines de leurs demandes qui sont restées en plan jusqu’à ce jour :
« Lutte à la corruption, indépendance des élus, séparation des pouvoirs, république, ce n’est là qu’un modeste survol de l’œuvre de quatre générations de patriotes, de 1793 et 1850. Leur contribution ne s’arrête effectivement pas là. C’est en effet aux patriotes qu’on doit une presse libre au Canada (1806), le premier parti démocratique (1827), le réseau scolaire francophone laïc (1829). On leur doit également une fête nationale et une Société Saint-Jean-Baptiste (1834) et la conquête du gouvernement responsable (1849). En février 1838, Robert Nelson proclame l’indépendance du Bas-Canada, assortie de plusieurs réformes audacieuses pour l’époque, dont certaines ne seront finalement acquises que beaucoup plus tard, comme l’abolition de la tenure seigneuriale (1854), le vote secret (1874), l’éducation obligatoire (1943), le suffrage universel (1960) et l’abolition de la peine de mort (1976). D’autres demandes patriotes n’ont même pas encore été obtenues, telles l’abolition de la monarchie (république) ou l’égalité juridique des autochtones. »
Devant ces constats particulièrement révélateurs des réalisations visionnaires des patriotes, il est pour le moins surprenant que les acteurs politiques de notre 21ième siècle « moderne » semblent se complaire à répéter l’histoire, tels des perroquets en cage.
Toutefois, par les temps qui courent, il semble que le cours d’histoire nationale soit en révision de façon à y inclure les principaux faits historiques qui ont marqué notre histoire. J’ose espérer que l’épisode marquant des patriotes occupera un chapitre important de ce nouveau manuel d’histoire de telle sorte que les générations qui nous suivent puissent « tirer enfin des leçons de l’histoire »!
De 1837 à 2013 - Plus ça change...
Quand allons-nous tirer enfin des leçons de l'histoire?
Tribune libre
Henri Marineau2093 articles
Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplô...
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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com
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1 commentaire
Luc Bertrand Répondre
22 mai 2013Merci beaucoup, monsieur Marineau, pour ce parallèle très pertinent et instructif du contexte qui prévalait au temps de nos Patriotes. Si nous avions pu compter sur un enseignement approprié de notre histoire depuis 1837, nous n'en serions certainement pas au même point, aujourd'hui, à répéter tout aussi bêtement nos erreurs passées. À une différence près, cependant, et elle est de taille: c'est NOUS qui avons mis au pouvoir ces politicien(ne)s qui nous ont volé(e)s collectivement en mettant notre trésor public au service de leurs ami(e)s alors que les Patriotes ne disposaient, en leur temps, d'aucun pouvoir contre le gouvernement colonial britannique.
Je crains, malheureusement, que le gouvernement péquiste actuel ne profite de ce nouveau cours d'histoire pour s'attribuer tout le mérite de notre avancement collectif vers l'indépendance, au détriment du RIN, de l'UFP, de QS, du PI, d'ON et des autres partis en faveur de l'indépendance du Québec. Ce n'est pas qu'une question de visibilité, il est important, pour comprendre notre cheminement depuis la fin des années 1950, de connaître la vision du Québec proposée par les différents partis politiques d'aujourd'hui, car nos enfants seront, tôt ou tard, appelés à se prononcer sur les fondements et valeurs sur lesquels reposeront un éventuel Québec indépendant, soit lors de la rédaction de la future constitution nationale québécoise.
Réduire l'indépendance du Québec à la mission fondamentale exclusive du Parti québécois est une réappropriation bassement partisane de notre histoire au même titre que le "révisionnisme" qu'avait amorcé le PLQ en occultant ou banalisant nos périodes "troubles" (1760, 1737-1740, 1917, 1942, 1970, etc.) afin de glorifier la cause du fédéralisme.