Privatiser la question nationale

Québec face à Ottawa - JJC sans le Bloc




Eh oui. Il s'agissait seulement y penser!
Comme les gouvernements, tous partis confondus, penchent de plus en plus pour la «sous-traitance» au privé d'une brochette croissante de services publics, comme l'entreprise a les deux mains sur nos ressources naturelles - et que même un amphithéâtre peut être adjugé au plus offrant tout en étant payé en grande partie par le public -, il ne restait plus qu'à «sous-traiter» aussi la question nationale à des intérêts privés...
Eh non. Ce n'est pas un poisson d'avril en retard.
C'est Preston Manning lui-même qui l'écrit ici:
Et puisque M. Manning est l'ancien chef du Reform Party - l'aïeul du Parti conservateur de Stephen Harper -, et une des grandes inspirations politiques et intellectuelles du premier ministre actuel, force est d'y porter attention.

Et donc, de s'en inquiéter...
Son message principal est que ceux et celles qui, au Québec, caressent encore le rêve d'un fédéralisme renouvelé et d'une reconnaissance constitutionnelle de la nation québécoise, seraient sages de l'oublier. Et vite.
Preston Manning débute son texte en avançant, comme je le le faisais dans ma chronique du 4 mai dernier, que le nouvel axe politique né de l'élection du 2 mai sera dorénavant celui de l'Ontario et de l'Ouest canadien (1).
Il remercie ensuite fort gentiment le NPD d'avoir «oblitéré» le Bloc tout en l'avertissant de ne pas «accommoder» en retour les «demandes» du Québec.
En cela, son message est rigoureusement le même que celui livré depuis l'élection en éditorial au même NPD par plusieurs grands quotidiens canadiens-anglais.
Mais là où M. Manning innove, si je puis dire, est ici:
«What should be increasingly apparent is that if new and stronger bridges are to be built between Quebec and the rest of , they will have to be primarily constructed not by federal politicians on constitutional grounds, but by private-sector decision makers and provincial leaders on the grounds of economic and interprovincial relations.
National unity will thus depend increasingly on such measures as increased Quebec-Ontario trade and increased co-operation between the energy sectors of Quebec and the West, and on greater interprovincial co-operation, as discussed recently in a Montreal Economic Institute report calling for a new Quebec-Alberta dialogue.»

Ce que M. Manning dit est ceci: la qualité de la relation politique entre le Québec et le reste du ne doit plus relever des élus fédéraux travaillant sur une base constitutionnelle, mais doit plutôt relever du milieu des affaires et des politiciens provinciaux sur la base des relations économiques et interprovinciales.
Il fait donc appel essentiellement au secteur privé et à l'activité économique pour «régler» un problème pourtant résolument politique.
Sa proposition est donc claire: achever la question «nationale» québécoise en la dépolitisant de manière définitive. Et la dépolitiser en la remettant entre les mains du privé et de quelques politiciens «provinciaux» affairistes.
Et M. Manning de préciser - en s'inspirant d'un rapport de l'Institut économique de Montréal, ce think tank connu pour ses idées ultraconservatrices -, que cette relation ne sera donc plus politique, mais dépendra de plus en plus, entre autres, des échanges commerciaux entre le Québec et l'Ontario et d'une collaboration croissante entre le «secteur de l'énergie» du Québec et de l'Ouest canadien.
Traduction: vendeurs de sables bitumineux, rencontrez ceux des mines, des forêts et du gaz de schiste du Québec...
Bref, ce texte de Preston Manning, conservez-le bien précieusement parce qu'il annonce fort probablement les intentions réelles du gouvernement conservateur nouvellement majoritaire dirigé par son meilleur élève - Stephen Harper.

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(1) http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2011/05/04/le-rouleau-compresseur.aspx
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@ :
1) Preston Manning à l'époque où il dirigeait le Reform Party (Archives CTV).
2) Stephen Harper, candidat du Reform Party (The Star)
3) Stephen Harper & Preston Manning à l'époque du Reform Party (The National Post)


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