Kathleen Lévesque - Après avoir martelé depuis six ans que les partenariats public-privé n'alourdiraient pas la dette publique, le gouvernement Charest revoit sa stratégie de financement des projets de PPP en instaurant un concept de «flexibilité» dans le partage des risques.
Trois scénarios sont présentement étudiés par le ministère des Finances, en collaboration avec l'Agence des PPP. En bout de piste, cela pourrait signifier que le gouvernement devra emprunter afin d'assurer la réalisation de grandes infrastructures comme les hôpitaux universitaires, la salle de l'Orchestre symphonique de Montréal et l'échangeur Turcot.
La première hypothèse consiste pour le gouvernement à devancer une portion des paiements de loyer d'abord prévus sur une période de 30 ans, à la livraison de l'édifice. Pour le CHUM, par exemple, les versements pourraient s'effectuer selon les phases de construction. Le deuxième scénario analysé ferait en sorte que le gouvernement et le partenaire privé se partageraient le risque financier dès le départ, selon des proportions à déterminer. Finalement, le gouvernement pourrait réduire la période de financement, de 30 ans à 10 ou 15 ans, par exemple.
Tous ces scénarios visent à faciliter l'accès au crédit des consortiums en lice pour les différents projets de PPP. Les entreprises soumissionnaires ont récemment placé le gouvernement devant leurs difficultés de financement. Il y a un mois, Québec a d'ailleurs apporté des modifications profondes à l'appel de proposition pour la salle de l'OSM, transformant du coup une partie du risque du futur partenaire privé en dette pour les contribuables québécois. Il s'agit maintenant d'étendre l'idée d'une plus grande «flexibilité» à tous les projets.
«Le gouvernement n'est pas aveugle au fait que c'est plus difficile de financer des projets comme des PPP. Nous travaillons étroitement avec le ministère des Finances pour voir s'il ne faudrait pas prendre de nouvelles orientations pour continuer les projets, ne pas retarder les échéanciers, faire en sorte que les coûts sont respectés et garantir qu'une portion de transfert de risques est assez importante pour motiver un bon comportement du secteur privé», a expliqué hier Pierre Lefebvre, p.-d.g. de l'Agence des PPP.
Ce dernier est monté aux barricades pour défendre la formule des PPP, qui est le maître mot du développement des infrastructures publiques selon la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget. Il a plaidé que les changements envisagés démontrent la «prudence» du gouvernement. Le gouvernement et l'Agence des PPP ont été mis sur la défensive depuis quelques jours, notamment en regard du controversé dossier du CHUM. La multiplication des entrevues accordées hier par M. Lefebvre dans tous les médias apparaissait comme un exercice de relations publiques contre les critiques de plus en plus virulentes à l'endroit de cette formule. M. Lefebvre n'a d'ailleurs pas caché son agacement envers tous ceux qui déclarent, affirment ou écrivent sur les PPP sans avoir les connaissances qu'il juge nécessaires.
Le CHUM démarre
Chose certaine, il est hors de question de stopper les PPP, selon M. Lefebvre, y compris pour le CHUM, car cela retarderait le projet encore davantage. «Si on va en mode traditionnel demain, les travaux qui ont été faits les dernières années ne sont pas utilisables. Il faudra recommencer une partie importante des travaux», a affirmé M. Lefebvre, qui se désole que «le CHUM soit devenu la pinata du Québec».
Hier soir, le conseil d'administration du CHUM, convoqué pour une assemblée extraordinaire tenue à huis clos, a approuvé le lancement de l'appel de propositions du projet de PPP du CHUM. Après plus de trois heures de débat, les administrateurs ont adopté le nouveau programme fonctionnel et technique (PFT) avant de donner leur accord à ce qui constitue le véritable coup d'envoi d'un long processus pour le choix d'un partenaire privé. Le CHUM a donné le feu vert, mais prudemment: «Si le choix du gouvernement est de procéder en mode partenariat public-privé, le conseil d'administration demande alors de procéder à l'appel de propositions». La décision des administrateurs du CHUM doit être avalisée par le conseil des ministres pour se concrétiser.
Jusqu'à maintenant, l'appel de propositions a été plusieurs fois retardé. L'automne dernier, ce sont des améliorations cliniques apportées à la dernière minute qui avaient forcé un nouveau délai.
D'abord, les gestionnaires du projet en sont venus à la conclusion qu'il fallait démolir complètement l'actuel hôpital Saint-Luc pour faire place à des installations flambant neuves, mieux adaptées aux besoins cliniques et technologiques.
Puis, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, avec à sa tête le Dr Gaétan Barrette, a fait pression pour obtenir entre autres choses une augmentation du nombre des lits et des salles d'opération. Le CHUM passe ainsi de 700 à 772 lits et de 30 à 39 salles de chirurgie. Les médecins ont également été assurés d'avoir chacun un bureau ainsi qu'une marge de manoeuvre pour un éventuel développement de l'hôpital.
Ces modifications entraîneraient des coûts supplémentaires de 200 millions, selon une estimation préliminaire. La facture s'élève pour l'instant à quelque 1,7 milliard de dollars. Mais cet horizon budgétaire ne deviendra définitif que lorsque les soumissionnaires auront déposé leur proposition et que le gouvernement aura fait son choix, c'est-à-dire dans environ un an et demi si tout va bien.
PPP: Québec assumera plus de risques
Feu vert à l'appel de propositions du CHUM
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