« L’invincibilité se trouve dans la défense, la possibilité de victoire dans l’attaque », écrivait le général Sun Tzu dans son ouvrage L’Art de la guerre. Il faut croire que les ministres du gouvernement d’Alexis Tsipras se sont replongés dans les écrits de cet auteur du VIe siècle avant Jésus-Christ, tant ils multiplient les offensives ces derniers mois à l’encontre des principaux créanciers (BCE, FMI et UE) du pays. Le dernier coup de fleuret en date remonte à ce dimanche et a été porté par Nikos Voutsis, ministre de l’Intérieur du gouvernement grec. Ce dernier a déclaré à propos des versements que le pays doit faire au FMI que « cet argent ne sera pas donné et il n'y en a pas à donner ».
Le très médiatique Yanis Varoufakis, en charge des Finances du pays, interrogé sur cette déclaration par la BBC a, de son côté, maintenu le doute : « Nous nous sommes remarquablement débrouillés pour honorer nos dettes. Mais à un certain moment, ce ne sera plus possible. C’est maintenant aux institutions de faire leur part. Nous les avons rejointes aux trois quarts du chemin, elles doivent nous rejoindre sur un quart du chemin ». De quoi provoquer des sueurs froides aux créanciers. Car la Grèce est censée rembourser au FMI les 5, 12, 16 et 19 juin prochains la modique somme de 1,574 milliards d’euros et, dans le même temps, payer ses fonctionnaires, les retraites ainsi que les fonds de sécurité sociale pour environ 2,2 milliards d’euros.
En cas de choix entre les deux « douloureuses », le gouvernement de Tispras avait déjà annoncé la couleur par la voix de Gabriel Sakellaridis, un proche du Premier ministre : « Le gouvernement grec a l’intention d’honorer toutes ses obligations, avec une priorité aux obligations domestiques avant celles envers les créanciers » avait-il affirmé, tout en précisant qu’« il a l’intention de satisfaire toutes les demandes, ce qu’il a démontré avec beaucoup d’efforts et dans des conditions extrêmement difficiles récemment. Et c’est ce que nous ferons en juin. »
Est-ce à dire qu’Alexis Tsipras s’est décidé à provoquer le fameux « Grexit » ? Rien n’est moins sûr. Car, quelle que soit le ton sur lequel est posée la question, tantôt menaçante, tantôt complice, l’hypothèse d’une sortie de l'Union européenne et de la zone euro est toujours repoussée comme l’a encore affirmée au Monde, George Statkakis, le ministre grec de l’Economie en rappelant que son « pays a besoin de rester au sein de l’union monétaire » tout en ajoutant — et il identifie là bien le nœud du problème — « mais avec un programme d’aide mieux pensé. Il doit nous permettre d’atteindre un taux de croissance assurant la soutenabilité de nos finances publiques tout en étant socialement juste. »
Comme l’analyse très justement Romaric Godin, journaliste à la Tribune qui suit de très près la question grecque, « le nouveau gouvernement hellénique » use d'une « stratégie » consistant à pousser l’ex-Troika dans ses retranchements et « les Européens à agir dans la direction voulue par Athènes, sauf à provoquer une nouvelle crise de la zone euro ». En un mot, le gouvernement de Tsipras engage certaines réformes qu’il juge nécessaires « sur la fiscalité et la TVA, notamment », mais il « refuse toujours les "réformes" des retraites et du marché du travail exigées par ses créanciers ». Une « ligne rouge » qui vaudrait « trahison » des promesses faites aux électeurs grecs…
La balle est donc maintenant dans le camp des négociateurs européens. Car s’il doit compter avec la véhémence et les coups tordus de Wolfgang Schäuble, le ministre fédéral allemand des Finances et partisan d'une ligne dure, Tispras peut s’appuyer sur le peuple grec. Selon une enquête d’opinion publiée ce dimanche pour un quotidien favorable au gouvernement, 54 % des personnes interrogées approuvent la manière dont sont menées les négociations et 59 % ne voudrait pas voir le gouvernement céder, 89 % des personnes interrogées sont d'ailleurs opposées à de nouvelles coupes dans les retraites...
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