Chine-Canada

Pour une poignée de milliards

Comment croire que les intérêts à plus long terme des Canadiens seront sérieusement pris en compte dans cette réflexion ?

Actualité du Québec-dans-le-Canada - Le Québec entravé



Quelle ironie que cette offensive des sociétés d’État chinoises pour prendre le contrôle des ressources naturelles partout sur la planète, y compris au Québec et au Canada ! Devant cette surenchère conduite à coups de milliards, les gouvernements sont coincés entre leurs idéaux démocratiques, la protection des ressources et les retombées économiques.
Il n’y a pas si longtemps, la plupart des gouvernements occidentaux n’hésitaient pas à gronder la Chine au sujet des droits de la personne. Le Canada n’était pas en reste avec un premier ministre conservateur qui se permettait même de bouder la deuxième puissance économique mondiale.
En 2006, par exemple, M. Harper affirmait : « Je crois que les Canadiens veulent que nous fassions la promotion de nos relations commerciales à travers le monde. Nous le faisons, mais je ne crois pas que les Canadiens veulent que nous bradions nos valeurs, notre croyance dans la démocratie, la liberté et les droits de la personne. Ils ne veulent pas que nous sacrifiions cela sur l’autel du dollar tout-puissant. »
Cette attitude ferme envers la Chine lui avait valu des reproches de la part des dignitaires chinois, mais aussi de la part des milieux d’affaires canadiens. Sont-ce ces gens qui ont convaincu le premier ministre de « normaliser » ses relations avec les autorités chinoises, pour qui toute relation d’affaires exige d’abord la confiance réciproque ?
Lors de son voyage officiel à Pékin, en février, M. Harper signait une première entente de respect mutuel, non pas des droits de la personne, mais des investissements. En guise de reconnaissance de ce réchauffement diplomatique, les autorités chinoises prêtaient deux pandas au Canada, un privilège réservé aux amis de la Chine. Derrière ce geste, comment ne pas soupçonner l’intérêt pour ce que le Canada a de plus précieux à offrir : ses richesses naturelles.
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Cette semaine, nous apprenions que la société d’État China National Offshore Oil Petrolium (CNOOC) allait engager la somme fabuleuse de 15 milliards de dollars pour acquérir la pétrolière canadienne Nexen, soit 60 % de plus que sa valeur en Bourse.
Que ce soit par le biais d’acquisitions ou le plus souvent, dans un premier temps, par une prise de participation minoritaire au capital, la Chine profite de ses énormes réserves en devises étrangères pour accumuler les investissements stratégiques qui lui permettront bientôt de devancer les États-Unis comme première puissance économique mondiale.
Jusqu’à ce jour, la CNOOC était actionnaire minoritaire de Nexen, et cela ne posait aucun problème. Après tout, Nexen n’est que la douzième société pétrolière au pays. Mais avec la proposition qui vient d’être déposée, la donne change et Ottawa doit se demander s’il est dans l’intérêt à long terme du Canada de céder l’exploitation de ses richesses naturelles au gouvernement chinois. Nexen aujourd’hui, pourquoi pas Suncor demain ?
Un pays comme le Canada a besoin de partenaires solides pour investir à risque dans l’exploitation des ressources. Mais parce qu’elle est encore loin de respecter les règles en matière de protection des droits de la personne et de droits commerciaux, la Chine n’est pas un pays comme les autres.
Quant aux sociétés d’État chinoises comme CNOOC ou WISCO, le géant de l’acier qui possède des intérêts au Québec, elles n’ont qu’une faible marge d’autonomie. Au moindre froid diplomatique, le gouvernement chinois ne se gênera pas pour faire chanter ses partenaires commerciaux, que ce soit en menaçant de fermer des installations ou en intervenant sur les marchés pour choisir ses fournisseurs et ses clients.
La loi canadienne exige d’Ottawa qu’il examine cette transaction pour déterminer si elle présente des « avantages nets » pour le pays. Une analyse pour le moins subjective puisqu’il n’existe encore aucune règle.
C’est donc au premier ministre lui-même, Stephen Harper, qu’il reviendra de trancher. Or, entre les déclarations de 2006 et aujourd’hui, les priorités de M. Harper ont bien changé : elles vont désormais aux investissements pétroliers et à la recherche de débouchés du côté de l’Asie. Comment croire que les intérêts à plus long terme des Canadiens seront sérieusement pris en compte dans cette réflexion ?


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