La désinvolture avec laquelle le gouvernement Harper traite le dossier du pont Champlain s'explique-t-elle par son désintérêt électoral envers la grande région de Montréal? Car il y a bien une raison pour qu'il ait choisi vendredi d'envoyer au front un non-élu, le sénateur Larry Smith, en lui donnant strictement pour tâche d'annoncer les nouveaux millions réservés à des travaux d'urgence tout en niant que le pont puisse représenter un danger. Ce qui contredit non pas un, mais une succession de rapports qui font tous état d'une dégradation prématurée, importante, exponentielle de l'ouvrage emprunté par 7000 véhicules... à l'heure!
Champlain est le pont le plus achalandé du Canada: à ce seul titre, tout rapport faisant état de risques majeurs pour la sécurité de ceux qui le traversent devrait entraîner une réaction immédiate du gouvernement canadien, qui en a la responsabilité.
L'administration Harper connaît l'ampleur de la situation depuis son arrivée au pouvoir en 2006: elle est documentée par les inspections annuelles menées sur le pont et des études d'experts consacrées spécifiquement à dresser l'état des lieux. Pourtant, année après année, en dépit de ces données et de la simple observation à laquelle peuvent se livrer tous ceux qui empruntent le pont Champlain, le gouvernement n'a cessé de minimiser les problèmes.
Il n'a pas agi autrement vendredi: il fallait croire sur parole le sénateur Smith quand il affirmait que la structure était sécuritaire pour les dix prochaines années. C'était franchement moins convaincant que le rapport de la firme ontarienne Delca, obtenu par Cyberpresse, qui expose explicitement les risques d'effondrement partiel ou d'une travée du pont. Et c'était franchement inquiétant quand on sait que le ministre des Transports, Chuck Strahl, a ce rapport en main depuis décembre, ce qui n'empêchait pas son cabinet, en janvier, de nier formellement lorsque Le Devoir l'avait interrogé sur des informations circulant quant à la fragilité du pont.
On comprendra donc que de lénifiantes assurances gouvernementales ne nous rassurent pas du tout. Pas plus que les dizaines de millions de dollars mis dans le programme d'entretien du pont en 2009 et ajoutés vendredi, qui ne permet littéralement que de boucher des trous et de multiplier les béquilles pour soutenir la structure.
La seule solution qui s'impose est de remplacer ce pont croulant. Mais les conservateurs tergiversent: ils soupèsent tranquillement les options comme s'il s'agissait de rénover la cuisine alors que c'est le toit de la maison qui menace de s'effondrer. Le Québec garde un triste souvenir de l'effondrement du viaduc de la Concorde et craint de revivre une telle catastrophe. C'est pourtant ce que le gouvernement Harper semble attendre pour prendre ses responsabilités.
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jboileau@ledevoir.ca
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