Au sujet du français parlé au Québec

Plus on se compare...

400 fois "merci" à la grande famille de Vigile!

Tribune libre

Après avoir lu les paroles de la superbe chanson d’Yves Duteil, « La langue de chez nous », reprises dans le billet de Marie-Hélène Morot-Sir sur cette tribune le 29 octobre 2009, je suis tombé sur un commentaire qui référait à un poème de Bernard Dimey dans lequel le poète dresse un tableau plutôt gênant de la qualité du français de notre mère-patrie tout en nous laissant sur une conclusion plutôt flatteuse pour notre français québécois que plusieurs « faux prophètes » ont souvent tendance à comparer, voire même à dénigrer au profit du français de nos cousins d’outre-mer.
En guise de préambule, je vous propose ces quelques notes biographiques sur Bernard Dimey. Né Bernard Georges Lucide Dimey le 16 juillet 1931 à Nogent-en-Bassigny, aujourd'hui Nogent en Haute-Marne et mort le 1er juillet 1981 à Paris , Bernard Dimey est un poète, auteur de chansons et dialoguiste français. À 25 ans, il s'installe à Paris sur la Butte Montmartre qu’il ne quittera jamais plus. Il y fréquente les bistrots où il rencontre « les poivrots, les putes, les truands, les artistes ». Et il commence à écrire ses poèmes, les déclamant dans ses repaires. Il propose ses chansons à droite et à gauche. Ses clients seront Yves Montand, Charles Aznavour, Serge Reggiani, Henri Salvador et plusieurs autres.
Voici maintenant un extrait du poème dont je vous ai fait mention au début de ce billet :
« Moi qui vis à Paris depuis plus de vingt ans,
Qui suis né quelque part au coeur de la Champagne,
Jusqu’à ces temps derniers je m’estimais content,
Mais tout est bien fini, la panique me gagne.
Quand je lève mes yeux sur les murs de ma ville,
Moi qui n’ai jamais su plus de trois mots d’anglais,
Je dois parler par gestes... et c’est bien difficile...
Alors je viens chez vous retrouver le français…
J’aime le vieux langage que parlaient mes ancêtres.
Je vous jure que chez nous il s’en va pas à pas
Tant pis pour nos enfants, ils s’y feront peut-être,
Mais moi je n’m’y fais pas, alors j’ai pris l’avion,
J’ai salué Paris du haut de ma nacelle,
Je suis venu chez vous chercher avec passion
Au bord du Saint-Laurent ma langue maternelle. »
En réalité, peut-être aurions-nous avantage, en ces temps troubles où la survie du français est menacée de toutes parts, à nous débarrasser de nos complexes de colonisés face aux particularités de notre langue qui lui confèrent toute sa couleur, et qui méritent amplement que nous la protégions et que nous prenions toutes les mesures qui s’imposent pour assurer sa survie avec vigueur et fierté!
En vous communiquant ce 400ième article que les responsables de Vigile ont accepté de publier depuis janvier 2011, je me dois de remercier sincèrement tous ceux qui m’ont encouragé à poursuivre mon cheminement dans les méandres de la vie politique et qui m’ont permis de reprendre le flambeau de notre cause dont la flamme chancelait dangereusement depuis des décennies.
Henri Marineau
Québec

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com




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5 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    31 octobre 2012

    Il faut répondre à toutes les têtes molles que quand bien même Nous parlerions tous et subitement l’anglais, l’indépendance serait à faire. Sugar Sammy n’est pas des nôtres. Il peut Nous amuser en français. Nous pouvons lui sourire poliment. Nous savons être complaisants quand il le faut. Mais il n’est pas français ni « frança » Il ne l’est pas plus que ces « français » qui, plutôt que de défendre leur patrie bafouée en français et en allemand, s’en étaient allés combattre à l’autre bout de l’Europe aux côtés de ceux-là précisément qui humiliaient la France dans le même temps. Sugar Sammy est aride, moins drôle qu’humiliant, et ne comprend rien au français non plus qu’au « frança ».
    Si Nous pouvions Nous relever seulement un peu… comme la France en a déjà été capable, le plus formidable tonique serait administré à toute la francophonie, qui pourrait cesser de s’incliner devant l’anglophonie avec autant de complaisance.
    Pour paraphraser le grand homme : la balle est dans notre camp…

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    31 octobre 2012

    Le français parlé chez nous en France n'est pas en aussi grand danger, que ce que l'on se plaît souvent à penser outre océan, ceci aussi longtemps que les structures des phrases resteront conformes à notre belle langue française.
    Cet article, ci-dessous, paru dans le journal La Presse est assez explicite sur ce point:
    "Le «França» de France

    Nathalie Petrowski
    La Presse
    Il fut un temps où rien ne me faisait plus plaisir que d'entendre un Québécois d'origine vietnamienne, chinoise ou bulgare parler avec un accent québécois gros comme le bras. C'était à mes oreilles le signe sonore d'une victoire, plus vraie que la loi 101, plus profonde qu'une politique d'intégration. C'était le signe que notre identité linguistique avait traversé les frontières et les barrières pour se muer en un territoire phonétique commun dans une culture devenue majoritaire au sein de ses minorités.
    Mais ces jours-ci, cet accent québécois gros comme le bras et répandu uniformément dans toutes les couches de la société et dans toutes les communautés ne me fait plus autant plaisir. La plupart du temps, il m'écorche les oreilles. C'est pourquoi ces jours-ci, je me sens un peu comme Monique LaRue, cette écrivain et essayiste qui vient de publier dans la revue littéraire L'Inconvénient un texte inspirant sur la langue des Français de France qui ont choisi de vivre chez nous: des Français ordinaires qui travaillent dans les banques, à l'épicerie, à la boulangerie du coin ou au vidéoclub du quartier et dont la langue claire et l'accent tranchant résonnent dans la cité.
    Partout, écrit Monique LaRue, la voix dynamique, l'accent vigoureux des locuteurs venus de France, leur débit, leur tonus, leur énergie articulatoire, émergeant du murmure urbain en pointes sonores et claires, me procurent un indiscutable et nouveau plaisir.»
    C'est en lisant son texte que je me suis rendu compte que moi aussi, j'aimais ça, entendre ce français-là dans les rues de Montréal et qu'au lieu de me pousser à me braquer avec la crispation du colonisé comme autrefois, ce français-là berçait mes oreilles comme un baume bienfaisant. Mais qu'on ne s'y méprenne: ce nouveau plaisir sonore ne tire pas sa source d'un simple accent, mais de la maîtrise, de l'élocution et de l'éloquence émanant des sons produits par nos amis.
    Prenez le plus bête des Français. Malgré les conneries qu'il pourra débiter, l'expression de sa langue sera impeccable. Prenez maintenant un brillant Québécois, comme celui que j'ai entendu à la radio cette semaine, et écoutez-le répéter trois fois plutôt qu'une «ça l'a», ternissant d'un coup toute sa brillance.
    Monique LaRue ne plaide pas pour que les Québécois francophones se mettent à parler pointu avec un accent frança aussi ridicule que faux. Elle plaide pour le respect, l'amour et le soin apporté à la maîtrise de notre langue qui, après toutes ces années, demeure fragile.
    Évoquant notre «peur atavique d'être avalés tout rond par l'ogre anglais», LaRue explique que la peur, fort mauvaise conseillère, nous a toujours fait percevoir la menace à notre langue comme venant de l'extérieur, alors que la vraie menace vient de notre propre comportement linguistique, brouillon, cafouilleux, relâché, truffé de structures grammaticales bancales, de fautes de syntaxe, d'erreurs de sens et de calques de l'anglais. «Nous devrions logiquement avoir peur autant de cette menace d'implosion intérieure que de l'anglais», écrit-elle.
    Sa thèse rejoint celle du poète Gaston Miron, énoncée il y a plus de 40 ans. Avant même que les Français de France ne se mettent à pimenter leur langue de parking, de shopping et de pressing, Gaston avait signalé le phénomène chez nous. Mais Gaston se fichait éperdument des bumpers, washers et wipers qui se glissaient le plus naturellement du monde dans nos conversations. Ce qui l'inquiétait, c'était les structures de notre langue, parasitées par les calques de l'anglais que nous reproduisions en toute insouciance. Je me souviens qu'il s'en était pris aux panneaux de signalisation sur les ponts et les autoroutes et avait dénoncé avec vigueur leurs traductions littérales de l'anglais. Gaston est mort, mais les panneaux et leurs formules absurdes, eux, sont toujours bien en place.
    Dans un des numéros de son spectacle bilingue, Sugar Sammy se moque du combat pour la défense du français et pose cette question au public: à quoi ça sert de vouloir protéger le français au Québec si c'est pour le parler tout croche? Les francophones dans la salle ne manquent jamais d'éclater de rire. Il n'y a pourtant rien de drôle dans cette affirmation brutale, sinon sa vérité."

  • Raymond Poulin Répondre

    30 octobre 2012

    En effet. Cela aussi participe de la décolonisation de nos têtes.

  • Serge Jean Répondre

    30 octobre 2012

    Je suis d'accord avec vous.
    Il ne devrait pas être gênant d'utiliser sa propre enclume de temps à autre; chez-soi de surcroit. Héritage + enclume =, on a bien cette liberté de droit chez-nous bonyeu!
    Jean

  • Archives de Vigile Répondre

    30 octobre 2012

    Ce constat est l'évidence même.
    Mais même l'évidence est dure à constater.
    Sauf pour du monde comme toé pis moé... qu'y se souviennent pourquoi il ne sert à rien de feutrer ses mots.
    Belle manoeuvre pour combler les longs temps morts du passé, cette langue démesurée n'a point d'usage en situation d'urgence.
    Un "Tasse-toé" ne vaut pas un "Faites gaffe!"
    Par contre, cette langue démesurée est une arme redoutable face à la vergogne ne serait-ce que par sa capacité à dérouter le sujet en utilisant la forme.
    Le français classique ou moderne, le classique étant le québécois, est une langue extrêmement perfectionné, capable de décortiquer par ses mots, chaques émotions... autant d'un niveau atomique que d'un point de vue universel.
    Il est bientôt le jour ou notre joyau brillera pour de bon.