Michelle Coudé-Lord - Luc Plamondon estime que Montréal n’a jamais été aussi «anglicisée». Il dénonce le Festival d’été de Québec qui a une programmation majoritairement en anglais. «Je n’ai jamais été aussi inquiet pour la survie du français au Québec. Nous vivons une anglicisation qui me dérange», confiait ce créateur reconnu partout dans la francophonie lors d’une entrevue exclusive au Journal de Montréal.
Ce soir, l’auteur-compositeur vedette recevra un prix hommage de la Société canadienne des auteurs et compositeurs de musique, la Socan, pour ses 40 ans de métier comme auteur de belles chansons en français, une réalisation dont il est très fier.
Assez fier, dit-il, pour vouloir reprendre le flambeau et se battre pour la survie de sa langue.
«Cette anglicisation me dérange assez pour que j’aie menacé de faire un scandale à l’Opéra de Montréal, récemment, lors de la présentation de mon opéra Starmania. La veille de la première, lorsque j’ai vu les sous-titres en anglais, je les ai fait retirer. Au départ, ils s’en sont offusqués, prétextant que c’était pour leur public anglophone. Or, je leur ai fait remarquer que les anglophones qui viendraient voir mon opéra savaient fort bien parler et lire le français. J’allais tout de même pas me plier à cela pour faire plaisir à trois membres du conseil d’administration de l’Opéra qui ne parlent pas français...», déclare Luc Plamondon.
Et il dénonce d’ailleurs le bilinguisme presque devenu obligatoire dans toutes les soirées-bénéfices à Montréal.
«Je me demande pourquoi on se sent obligé de faire des discours dans les deux langues. Nous sommes une nation, même le premier ministre Stephen Harper le reconnaît. Assumons-nous comme nation francophone. Notre langue officielle est le français. Soyons fiers de cela.»
Reprendre tout à zéro
Luc Plamondon estime qu’il faut reprendre le combat à zéro. Et il se dit en total désaccord avec ceux qui croient que l’ADISQ a eu tort de ne pas honorer les jeunes artistes et groupes comme Bobby Bazini et Radio Radio qui chantent en anglais.
«La musique anglo-québécoise peut être honorée dans d’autres catégories, comme dans la course au Félix donné à l’artiste qui s’est le mieux distingué dans une autre langue que le français. J’aime bien Coeur de pirate, mais là, je ne suis pas d’accord avec elle lorsqu’elle dénonce le fait que le groupe hip-hop Radio Radio n’ait pas remporté un Félix. Les artistes qui chantent en anglais ont leurs catégories, il faut garder ces règles dans le contexte actuel où le français doit à nouveau se battre pour assurer sa survie. En France, l’année où des Victoires ont été remis à des artistes qui chantaient en anglais, ce fut un choix contesté.»
L’auteur-compositeur évoque alors avec émotion ces jeunes Haïtiens qui sont venus présenter leur version de Starmania à Montreux, en août dernier.
«Ils parlaient un français impeccable. Ils sont dix millions de Haïtiens qui parlent français. Nous, avec nos cinq millions frileux, on va vite se faire dépasser par les Haïtiens et les Africains. Elle sera où notre nation dans quelques années ? Je sens l’urgence», affirme Luc Plamondon d’une voix inquiète.
Pendant ce temps à Québec...
Toujours dans sa croisade pour que le français reprenne sa place, Luc Plamondon dénonce la programmation très anglophone du Festival d’été de Québec.
«J’ai trouvé ça très choquant que pour le 400e, des grands artistes québécois chantent devant 10 000 personnes l’après-midi alors qu’on réservait le grand soir pour Metallica et McCartney qui n’ont pas besoin des fonds gouvernementaux pour se faire vivre. Ça m’attriste que ça vienne d’une ville francophone comme Québec. C’est très choquant même. Heureusement, Céline Dion a sauvé la mise avec son grand show en compagnie de plusieurs artistes québécois.»
Et il ajoute : «j’en avais mal au coeur lorsque j’entendais les organisateurs dire que c’était l’apothéose, ce spectacle de McCartney».
Il s’inquiète également de son métier d’auteur-compositeur.
«La Socan m’honore c’est bien, mais j’ai l’impression d’avoir à refaire les mêmes combats qu’il y a 40 ans. Internet est en train de tuer notre métier. Va falloir à nouveau se défendre. Actuellement, ce sont les multinationales qui prennent l’argent, pas les auteurs-compositeurs. Y’a pas d’avenir dans notre métier. Plusieurs devront le quitter. C'est pourquoi il faut reprendre le combat des droits d’auteur.
Message aux politiciens
Il a aussi un message à ceux qui nous gouvernent.
«Je leur dis de cesser d’être frileux. Nous avons une nation, et la langue officielle est le français, donc assumons-nous. C’est tout de même pas normal qu’on parle plus le français aux Jeux olympiques de Pékin qu’à Vancouver», conclut-il.
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