Cour suprême

Plaidoyer pour des juges bilingues

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Harper: vanter le Canada bilingue à Québec, pratiquer l'unilinguisme anglais à Ottawa où le français, pas plus que le chinois ou le celtique, n'a aucune importance...


À deux mois du départ du juge Michel Bastarache de la Cour suprême du Canada, des avocats francophones réclament que le bilinguisme devienne un critère d'embauche pour les juges du plus haut tribunal au pays.
Selon ce que Radio-Canada a appris, l'unilinguisme anglais du juge Marshall Rothstein, le premier a avoir été nommé à la Cour suprême par le premier ministre Stephen Harper, il y a deux ans, complique le travail de la Cour.
Cette situation se reflète notamment dans les nombreuses ébauches que les magistrats rédigent et commentent avant d'en arriver à un verdict final. Les juges francophones, s'ils veulent être compris de leur collègue Rothstein, doivent écrire leurs ébauches dans la langue de Shakespeare.
Selon la doyenne de la section droit civil de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, Nathalie des Rosiers, les traductions ne sont pas souhaitables dans ce contexte.
« Puisque ça va être un processus un peu laborieux et que les gens vont lire version après version, on préfère évidemment que tous soient capables de lire la version française qui circule, et [n'exigent pas] qu'elle soit traduite. Si elle est traduite, ça va alourdir le processus. C'est possible de le faire, mais ça ajoute des frais et surtout du temps », explique-t-elle.
L'unilinguisme d'un juge, ajoute Mme Des Rosiers, peut aussi constituer un problème lorsque vient le temps d'entendre une cause en français. « Il y a des plaideurs qui déposent tous leurs documents en français. Donc, c'est beaucoup plus facile si les gens sont au moins capables de lire le français. »
L'avocat Alain-Robert Nadeau, spécialiste de la Cour suprême, abonde dans le même sens. « Je trouve inconcevable que l'on puisse nommer un unilingue anglophone, une personne unilingue, sans avoir des raisons exceptionnelles », lance-t-il.
L'importance d'être compris
Malgré la traduction simultanée offerte aux juges lors d'audiences, une personne préfère toujours être entendue par un juge qui la comprend, fait valoir Me Nadeau. « Il est certain qu'il peut y avoir des mécanismes palliatifs, interprétation ou autre, mais je ne pense pas que ça donne la même saveur, que ça donne la même chose. »
Un autre spécialiste de la Cour suprême, Eugene Meehan, n'est pas du même avis. L'avocat anglophone croit que l'on devrait continuer d'accepter les juges unilingues, s'ils s'engagent à devenir bilingues par la suite. « Est-ce qu'il est mieux de trouver la meilleure personne pour la Cour qui est prête à devenir bilingue ou est-ce que c'est mieux de trouver une personne qui n'est pas la meilleure, mais qui est bilingue? », demande-t-il.
Selon Alain-Robert Nadeau, cet argument ne tient pas la route. « Il y a neuf juges à la Cour suprême du Canada et je pense qu'il est sans doute assez facile de trouver une personne bilingue pour combler un poste », souligne-t-il.
La Fédération canadienne des Associations de juristes d'expression française réclame elle aussi que le gouvernement fédéral nomme des juges bilingues à la Cour suprême.
Pour l'instant, le ministre fédéral de la Justice, Rob Nicholson, se borne à dire que le processus de nomination du prochain juge à la Cour suprême sera ouvert et transparent.


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