Piétiner fièrement le français

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La commercialisation du 375e anniversaire de Montréal





Nos élites économiques sont-elles en train de renier la langue française? J’ai l’impression que c’est ce qui se passe dans le cadre  des célébrations du 375ème anniversaire de Montréal. Les récents événements, à tout le moins, nous permettent d'exprimer cette inquiétude.


L’objectif du 375ème est clairement défini : faire de Montréal une destination touristique mondiale. Et la mondialisation parle anglais. Le 375ème sera une commémoration noyée par ce que Philippe Muray nommait le festivisme. L'histoire sera absente et la ville deviendra le théâtre d'une immense régression infantile marchandisée.


Le 375ème permettra aussi à nos élites de mettre à jour publiquement leur vision de la métropole. Et on constatera  que nos élites économiques traitent le français comme un bibelot charmant et délicat mais n’ayant plus aucune utilité. La Révolution tranquille, encore une fois, semble relever de l'histoire ancienne.


Nos élites économiques veulent un Québec bilingue. C’est-à-dire qu’elles veulent bien que les Québécois francophones se parlent entre eux en français mais croient que l’avenir de la métropole passe par sa conversion à l’anglais. La perte de pouvoir du français sera présentée comme une occasion de se raccrocher à la langue dominante du continent.


Ceux qui résistent seront traités d’intolérants et de nationalistes archaïques. Ils essuieront aisément ce petit crachat : c'est que les défenseurs du fait français au Québec ont l'habitude d'être insultés.  En piétinant le français, nos élites économiques croient faire preuve d’ouverture à la modernité.


Et quand elles célèbrent le bonjour-hi dans nos commerces, elles croient le faire au nom du tourisme. Ou de la mondialisation. Cette grandeur morale autoproclamée cache bien mal une terrible démission. Elles traitent leur peuple comme un obstacle à la prospérité et à la modernité. Nos élites portent leur identité francophone comme un fardeau. Plus ou moins secrètement, elles nous rêvent peut-être déjà anglicisées. Mais pendant ce temps, les autruches triomphent: elles le répètent inlassablement, le français va bien!


Rappelons pourtant un fait: la marque distinctive de Montréal à l’échelle nord-américaine, ce n’est pas une forme de bilinguisme quotidien où chacun passe d’une langue à l’autre dans la même phrase, comme si la ville était atteinte de schizophrénie linguistique, mais le fait qu’elle est française.


Si j'étais un peu méchant, je dirais que Montréal sans le français, c’est une ville nord-américaine anonyme un peu sale et aux routes crevassées. Montréal est devenue un symbole politique fondamental pour le Québec: pouvons-nous faire vivre en français une grande métropole moderne, ouverte sur le monde? Ou le français est-il réservé aux villes de province, à la manière d’un témoignage de ce que nous étions avant de nous laisser mourir?


Pouvons-nous encore rêver d’un Québec français? Ce rêve, bien franchement, est difficilement détachable du rêve d'un Québec indépendant.




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