Pays arabes - Le printemps de la mort?

Géopolitique — Proche-Orient


Monia Mazigh, Ottawa, militante pour les droits de la personne
Depuis le soulèvement du peuple tunisien, en passant par celui des Égyptiens, les médias ne cessent de parler de «printemps arabe». Et pourtant, ces événements qui ont secoué certains pays arabes et qui continuent à faire les manchettes dans beaucoup d'autres n'ont pas souvent été un symbole de renaissance ou de floraison.
Bien évidemment, les peuples tunisien et égyptien se sont débarrassés de deux tyrans qui ont régné pendant presque une trentaine d'années sans foi ni loi sur une population appauvrie, opprimée certes, mais heureusement de plus en plus éduquée. Ce n'est pas la moindre des choses, surtout que la plupart des manifestants, lors de ces deux soulèvements respectifs, se sont comportés d'une manière civilisée et pacifiste.
Néanmoins, et jusqu'à leur dernier souffle, les régimes arabes et leur appareil sécuritaire n'ont pas changé d'un iota leurs méthodes sauvages et répressives. Il suffit de compter le nombre de morts pour en avoir le coeur net.
Le rapporteur spécial de l'ONU a déclaré au mois de mai dernier qu'il y a eu environ 300 morts et 700 blessés lors du soulèvement en Tunisie. En Égypte, le bilan est aux alentours de 900 morts et 6000 blessés... L'histoire est encore plus macabre du côté de la Libye, où les affrontements entre les forces anti-Kadhafi et pro-Kadhafi ont fait des milliers de morts.
Le scénario se répète au Yémen. Un pays déjà ravagé par les guerres tribales et la pauvreté n'arrive toujours pas à se débarrasser de son président qui, même blessé, s'entête à considérer le Yémen comme une propriété privée.
La propagande de la Syrie
De son côté, la Syrie continue d'utiliser quotidiennement la propagande idéologique pour détourner la grogne populaire et accuser des forces étrangères de complot. L'une des fameuses anecdotes que l'on raconte dans les rues de Damas est que la télévision nationale syrienne a décrit une manifestation contre le régime comme une célébration pour une averse de pluie après une période de sécheresse! Les morts dans ce pays n'arrêtent pas de tomber sous les balles de l'armée et des milices «Chabiha», proches du régime baasiste.
À Bahreïn, le soulèvement de la population a été réprimé dans le sang et la torture. Les grands cheikhs saoudiens, pantins des régimes corrompus de la région et considérés par les populations locales comme des ténors de l'islam, ont vite brandi la menace de la guerre sectaire entre sunnites et chiites, comme si l'injustice a une couleur ou une religion. Le parfait alibi trouvé, l'armée saoudienne a franchi le pont qui sépare les deux pays pour venir au secours de la principauté chancelante.
Après la surprise
Malheureusement, il semble que la route vers le printemps arabe est beaucoup plus épineuse qu'elle semblait l'être quelques mois auparavant. Après l'effet de surprise provoqué par les deux premières révolutions, les régimes arabes encore en place ont plus que redoublé de précautions et d'efforts pour solidifier leurs assises. Rien n'est laissé au hasard. On tue, on viole et on torture pour préserver des trônes qui ont été accaparés depuis des décennies, voire des siècles.
La différence, c'est que bien avant ces révolutions, ces mesures se passaient à l'ombre, dans les geôles, derrière les murailles hautes des prisons. Aujourd'hui, avec les cellulaires et les réseaux sociaux, les exactions commises par ces régimes agonisants et leurs acolytes sont portées au grand jour, au vu et au su de milliers, sinon de millions d'internautes.
Jusqu'à quand l'Occident continuera-t-il à soutenir ces régimes? Pourquoi persister à brandir la menace islamiste, quand de l'avis de plusieurs experts de la région, c'est la jeunesse éduquée et en chômage qui est derrière ces soulèvements?
Pourquoi un pays comme le Canada continue-t-il à vendre des armes à des pays comme l'Arabie saoudite, la Libye et la Tunisie (selon le rapport du Stockholm International Peace Research Institute en 2010)?
N'est-il pas venu le temps de préparer la voie à ce printemps arabe qui tarde à fleurir?
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Monia Mazigh, Ottawa, militante pour les droits de la personne


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