Pascal Bruckner aime écrire des textes à la limite de la provocation. Déjà, dans les années 1980, en signant Le sanglot de l’homme blanc, il fustigeait la culpabilité occidentale et une rectitude politique qu’il jugeait étouffante et paralysante. Son dernier opus, Un racisme imaginaire. Islamophobie et culpabilité, paru chez Grasset, entraîne le lecteur sur le même chemin.
« Qu’est-ce que le politiquement correct ? lance-t-il d’entrée de jeu. L’allergie à la nomination, l’escamotage des difficultés, l’impossibilité de dire les choses sinon par métaphore, déplacement, amphigourisme », écrit-il.
L’auteur est français, vit en France, et son analyse prend ses racines dans la société française.
Mais cette analyse pourrait s’appliquer de façon universelle, dit-il en entrevue.
En atterrissant en sol québécois, à l’occasion du festival Metropolis bleu, Pascal Bruckner est conscient de rencontrer une culture et une tradition autres que celles de la société française.
« Les Anglo-Saxons, dit-il, et particulièrement les Nord-Américains, croient que toute religion est bonne et doit être prise comme telle. »
Il croit d’ailleurs que les Nord-Américains « vivent sur une autre planète » à cet égard.
Malgré le titre de son livre, il reconnaît aussi que le geste posé par Alexandre Bissonnette à la mosquée de Québec est un geste de racisme.
« Il n’y a jamais eu une telle chose qui est survenue en France », précise-t-il. En France, cependant, rappelons-le, est survenue la tuerie de Charlie Hebdo.
Condamner les agressions
Il prend d’ailleurs bien garde, au tout début de son livre, de condamner toute agression perpétrée contre des musulmans.
Cependant, il s’insurge contre l’interdiction faite, au nom d’un antiracisme et de la lutte à l’islamophobie, de critiquer l’islam.
« Tel est le problème quand on assimile toute critique de l’islam à de la discrimination. L’intégrisme a parfaitement compris la culpabilité occidentale dont il use et il abuse », écrit-il encore.
Il ajoute plus loin : « Partant, il faudrait traiter l’islam et ses fidèles avec un tact, une patience, un doigté que ne requièrent ni les juifs, ni les chrétiens, ni les bouddhistes, ni les hindous. »
Il aime par ailleurs citer des islamistes radicaux pour dire que l’islamisme en France n’a rien à voir avec la colonisation.
Pascal Bruckner sait manier le verbe et aborde souvent la discussion sous un angle sémantique.
« L’accusation d’islamophobie n’est rien d’autre qu’une arme de destruction massive du débat intellectuel », dit-il.
Dans le cadre du festival Metropolis bleu, il sera invité à discuter de sujets très variés sur différents plateaux.
On sera curieux de le voir partager une table ronde avec les philosophes Georges Leroux et Charles Taylor sur le thème « Notre époque donne-t-elle encore le goût de rêver ? ».
Car sur la question des accommodements raisonnables, par exemple, les positions de Taylor et de Bruckner sont diamétralement opposées.
Au sujet du hidjab, qui, bien qu’il soit interdit à l’école en France, est porté dans d’autres sphères de la vie, Bruckner trouve que c’est une manière pour les femmes de dire « je ne suis pas de votre monde ».
S’il critique abondamment la gauche et en particulier ce qu’il appelle « l’islamo gauchisme », Bruckner se dit lui-même très « macronien », et estime la France chanceuse d’avoir présentement Emmanuel Macron à sa tête.
Au sujet de ce qu’on appelle l’« islamophobie », il estime que c’est un concept utilisé par les intégristes pour faire taire les réformateurs.
Il cite à cet égard l’écrivain musulman Salman Rushdie.