Pas de place pour les «bandits» dans le pot!

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Il faut interdire le financement opaque venant des paradis fiscaux

Le député péquiste Nicolas Marceau pousse un peu fort en parlant des «bandits» derrière le financement des producteurs de cannabis, mais il a raison d’insister. Le gouvernement canadien et ceux des provinces n’ont pas le droit de permettre l’usage et la production du cannabis au pays sans savoir qui se cache derrière ce nouveau secteur industriel. Les défis et les enjeux de santé et de sécurité publiques liés à cette décision sont trop grands pour qu’on y ajoute un autre risque, celui de voir le crime organisé y faire du blanchiment d’argent ou des bien nantis s’en servir pour éviter de payer de l’impôt. C’est pourtant ce qui nous guette si on accepte de voir des fonds en provenance de paradis fiscaux financer la production du cannabis au pays.


La question est revenue mercredi sur le plancher de l’Assemblée nationale. Loin de contredire Marceau, le ministre des Finances Carlos Leitão a répondu que si le gouvernement Trudeau ne fait pas son travail dans ce dossier, celui du Québec trouverait les moyens de le faire. M. Leitão a expliqué que ce n’est pas seulement la question des paradis fiscaux qui l’inquiétait, mais également celle du blanchiment d’argent. La nouvelle Autorité des marchés publics aura les moyens de fouiller cette affaire, a-t-il assuré.


Il est heureux que les élus s’inquiètent de cette situation. Ils ont d’ailleurs adopté une motion sur le sujet, la semaine dernière. À Ottawa, les sénateurs ont grillé les ministres du gouvernement Trudeau sur la même affaire. Mais avant même que les autorités gouvernementales ne prennent les moyens pour savoir qui finance la production du cannabis, c’est aux compagnies elles-mêmes qu’il incombe de répondre.


Les propriétaires et les administrateurs de ces entreprises, toutes légales soient-elles, ne peuvent prétexter qu’ils ignorent l’identité de leurs financiers qui se cachent derrière les paradis fiscaux. À défaut de le faire, je ne vois pas comment les gouvernements pourraient leur accorder le privilège… c’en est un…de produire du cannabis au Canada. Si les entreprises qui ont obtenu des permis de production de cannabis sont incapables de savoir qui les finance, elles doivent se tourner vers d’autres sources de financement. Les enquêtes journalistiques sur le sujet ont évoqué des montants de près de 300 millions $ en provenance d’un seul paradis fiscal. Le total pourrait être beaucoup plus élevé. C’est inacceptable. Je ne peux croire que le capital de risque au pays soit à ce point misérable, qu’il soit impossible d’y trouver les ressources nécessaires pour appuyer les entreprises de production de cannabis.


À Ottawa, les sénateurs Serge Joyal et André Pratte ont talonné le gouvernement sur le sujet. Joint au téléphone, le sénateur Joyal explique que si le budget de Bill Morneau, la semaine prochaine, n’apporte pas de correctif à cette situation, il demandera des amendements à la Loi C45 à l’étude au Sénat, et qui porte justement sur l’octroi des permis de production.


Outre les préoccupations sur le blanchiment d’argent et le crime organisé, Joyal trouve paradoxal que la situation actuelle permettrait à des gens qui ont de l’argent dans les paradis fiscaux d’éviter de payer de l’impôt sur leurs gains dans la production de cannabis ici même au pays, par des firmes canadiennes.


Alors qu’il y ait ou non des «bandits» dans ce financement, comme le prétend Nicolas Marceau, la question ne s’arrête pas là. Si les gouvernements du Canada et ceux des provinces sont incapables de bloquer l’évasion fiscale dans ce nouveau commerce, on voit mal comment ils pourront veiller à la santé et à la sécurité de la population. 


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