À l’approche du Sommet sur l’éducation supérieure

Où aller avec l'éducation au Québec?

Tribune libre

C’est la grande question à se poser avant la tenue de ce Sommet qui se veut une réflexion sur l’avenir de l’éducation supérieure au Québec. Comme citoyen, je me permets de douter un peu de l’issue du sommet sur.
Le gouvernement semble avoir une intention plus ou moins ferme d’annexer les frais de scolarité du fait que c’est ce qu’il proposera et qu’il n’est pas précisément déterminé qui tranchera et de quelle façon en cas d’impasse (dans ce cas, on ne peut reprocher à personne de croire que le gouvernement aura le dernier mot).
Toutefois, je crois en la bonne foi des participants et en leur volonté d’en arriver à une entente acceptable pour tous de manière démocratique. Mais il n’y a pas d’entente sans proposition et sans débat. C’est la base de la démocratie.
Outre la souveraineté, l’aspect que j’apprécie le plus du Parti Québécois est son penchant pour l’égalité des chances qui a été exercé d’une manière plus ou moins pointue depuis le départ de René Lévesque, mais qui a quand même toujours orné la façade du parti.
En matière de droits de la personne, la question ne se pose même plus aujourd’hui à savoir si certains devraient avoir plus de droits que d’autres. Il suffit d’être un être humain au Québec pour avoir tous ces droits. Leur caractère universel est reconnu au Québec. Nous n’acceptons plus de subordonner les droits de la personne à des éléments extérieurs à la qualité de personne humaine elle-même.
En matière de soins de santé, la question ne se pose pas plus. Nous sommes plus ou moins un demi-siècle en avance sur nos voisins du sud. Peu importe qui tu es, d’où tu viens, si tu es citoyen québécois, tu as le droit de te faire soigner. Un caractère relativement universel est reconnu aux soins de santé au Québec. Nous n’acceptons plus subordonner ce droit de se faire soigner, ce droit de vivre en meilleure santé possible à des éléments extérieurs aux besoins du citoyen et à sa qualité de citoyen.
Pour moi, l’éducation c’est bien plus qu’un investissement pour l’avenir d’un individu. C’est bien plus qu’un simple marché du savoir où la concurrence doit déterminer la valeur d’un diplôme. C’est aussi plus qu’un instrument de développement économique et social.
L’éducation, c’est un droit humain, le droit de développer son plein potentiel, le droit de s’épanouir, le droit de connaître le monde dans lequel on vit, le droit d’aller au bout de ses capacités même si celles-ci nous mènent à l’éducation supérieure, le droit de choisir sa voie dans la vie.
Je crois que chaque citoyen peut contribuer, à sa façon, à l’épanouissement de sa société et si cette façon passe par l’éducation supérieure, ce serait une honte, un gaspillage, un grave manque de vision de priver toute la collectivité d’apports si précieux de citoyens en ne leur garantissant pas pleinement et adéquatement un droit à l’éducation supérieure.
Pourquoi accepterions-nous de subordonner le droit d’une personne ou le droit d’un citoyen du Québec de s’éduquer à des éléments extérieurs à sa qualité de citoyen ou de personne humaine?
Cela dépend de notre vision de l’éducation.
Aucune vision de l’éducation ne détient le monopole du réalisme, même lorsqu’il s’agit de finances. Toutes les visions sont possibles. Il s’agit d’un choix collectif qui doit être pris de façon démocratique et transparente, un choix qui nécessite une définition de nos priorités et de notre modèle de société, un choix qui devra être pris sans intervention ni entrave d’une autre autorité.
Précédemment, je donnais en exemple deux domaines dont le caractère universel ou relativement universel a été reconnu dans la société québécoise, soit les droits de la personne et les soins de santé.
Ces reconnaissances ont suivi des longs parcours en franchissant parfois très difficilement des points de progrès. C’est la détermination des porteurs de causes et les prises de conscience progressives des citoyens du Québec qui ont rendu possibles ces réalisations collectives qui ne manquent pas de teinter notre fierté aujourd’hui.
Peu importe les critiques que nous pouvons faire aux systèmes qui les incarnent, il n’en demeure pas moins qu’elles ne nous font pas pleurer de regrets et d’amertume.
Voilà ce qui est pour moi la destinée de l’éducation au Québec. Une destinée qui saura nourrir les rêves de nos enfants, réaliser les espoirs humains et raviver la fierté d’un peuple en quête de confiance.
Une destinée ne survient pas du jour au lendemain. Pas plus que pour les droits de la personne ou pour les soins de santé la reconnaissance du caractère universel de l’éducation ne devrait progresser à un rythme excessivement plus rapide que le progrès des mentalités qui connotent le fonctionnement et les prises de décision de notre société.
Porter une cause, évoluer vers un but précis peut contribuer à faire évoluer les mentalités, mais brusquer les choses est un grave risque de retourner à la case départ.
Bien évidemment, les frais de scolarité peuvent devenir un élément extérieur à la qualité de personne humaine ou de citoyen auquel on subordonne le droit à l’éducation s’ils excèdent la capacité de payer du moins fortuné des citoyens du Québec. Il y a des citoyens au Québec qui n’ont même pas la capacité financière pour combler leurs besoins primaires.
Dans ces circonstances, c’est sûr que du moment que l’on impose des frais de scolarité, on subordonne le droit à l’éducation de ces citoyens à un élément extérieur à leur qualité de citoyen, à leur qualité de personne humaine.
Cependant, est-ce que l’organisation de la société québécoise en ce moment, est-ce que les mentalités qui courent chez les Québécois et Québécoises permettent de supprimer totalement les frais de scolarité afin de reconnaître non seulement en théorie, mais également en pratique l’idéal du caractère universel de l’éducation au Québec? Personnellement, je ne crois pas à entendre parler les Québécois et à regarder, même très sommairement, le budget de l’État québécois.
Est-ce que cela signifie que je doive pour autant renoncer à ma vision de la destinée de l’éducation au Québec et même remettre en cause le réalisme de cette vision? Absolument pas. Je peux garder en tête cette vision, mais l’adapter le mieux possible au contexte actuel tout en m’efforçant de favoriser son progrès à travers les mentalités et l’organisation de ma société.
Ainsi, sans que je ne demande la mise en place immédiate de la vision que je porte, je peux au moins demander à ce qu’à l’issue du Sommet sur l’éducation, on ne s’en éloigne pas.
Je peux demander à ce que la totalité des droits que les citoyens du Québec ont acquis à l’heure actuelle en matière d’accès à l’éducation supérieure soient conservés
Je peux demander à ce que tous les efforts soient déployés afin que les atteintes au droit à l’éducation qui est inhérent à chaque personne ou à chaque citoyen du Québec par des éléments extérieurs à leur qualité de personne ou de citoyen soient limitées au maximum en ayant recours à toutes les possibilités, à toutes les ressources et à toutes les manœuvres qui sont susceptibles de s’harmoniser avec le respect de l’évolution progressive des mentalités courantes et de l’organisation de la société québécoise.
Une indexation des frais de scolarité serait un recul à l’égard de cet objectif de reconnaître le caractère universel de l’éducation au Québec selon moi, un petit recul, mais un recul quand même.
Quant au gel des frais de scolarité, pour moi c’est du sur-place, mais clairement inséré dans un contexte, dans une politique, il peut être un pas s’approchant de cet objectif ou s’en éloignant, tout dépendant du cadre dans lequel il est utilisé.
Quant à une diminution des frais de scolarités, cela s’approche de cet objectif à mon avis, mais rappelons-nous qu’il ne faut pas brusquer l’évolution des mentalités et de notre contexte socio-économique en voulant les devancer plutôt de les influencer. À la croisée des chemins, un seul minuscule pas dans une direction est très significatif.
Le choix que nous aurons à faire comme société au Sommet sur l’éducation supérieure est loin d’être simple. Nous avons besoin de la contribution de tout notre monde afin de nous éclairer collectivement sur ce choix qui est crucial pour l’avenir. J’y apporte ma vision sous un angle plus idéologique, mais tous les angles sont à considérer et à démontrer.
Ce qui est heureux maintenant, c’est qu’autour d’une table et sous un toit, armé de patience et de bonnes intentions, ça discute toujours mieux que dans la rue entre matraques et banderoles!


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