Opération «sauvons les meubles» au NPD

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Le mal est fait, et la grogne est déjà installée

Il est encore trop tôt dans cette longue campagne et le résultat final est trop incertain pour disserter sur l'avenir des chefs, mais si le Nouveau Parti démocratique (NPD) ne se relance pas d'ici au 19 octobre, il ne manquera pas de militants, députés et ex-députés pour critiquer directement le chef Thomas Mulcair et son entourage. En fait, certains ont déjà commencé.
C'est un grand classique en politique, comme en sport ou en affaires : lorsque vous partez en tête et que vous vous faites doubler, il se trouve toujours de vos alliés pour vous accuser d'avoir trébuché. Je ne souhaite évidemment pas de malheurs aux Blue Jays de Toronto, mais s'ils devaient se planter dans leur série contre les Rangers du Texas, les partisans torontois seront nombreux à clouer au pilori les joueurs, les entraîneurs et l'organisation qu'ils portent aujourd'hui en triomphe. Surtout si les Jays tombent dans les pièges tendus par leurs rivaux.
C'est ce que plusieurs militants, députés et organisateurs reprochent à Thomas Mulcair : être tombé dans le piège du niqab tendu par Stephen Harper et, pire encore, ne pas avoir su s'en dépêtrer pendant trois semaines.
Maintenant, le mal est fait et on est rendu, au NPD, à tenter de sauver les meubles.
Dans les prochains jours, le NPD va lancer une nouvelle série de publicités radio, télé et affichage, en plus d'envoyer quelque 2 millions de dépliants dans les foyers québécois. Le chef néo-démocrate dévoilera aussi son programme électoral complet à Montréal, vendredi. Le NPD espère s'imposer dans les discussions familiales de l'Action de grâce pour reprendre du poil de la bête.
La question du niqab est devenue tellement lourde pour le NPD que certains candidats, c'est le cas notamment à Québec, ont volontairement cessé de faire du porte-à-porte après le débat Radio-Canada-La Presse, il y a deux semaines, parce qu'ils n'en pouvaient plus d'entendre parler de ce voile facial.
Les stratèges du parti ont commandé des sondages dans certaines circonscriptions ciblées et ont organisé des groupes de discussion avec des électeurs. Conclusion : ça chauffe, surtout dans la région de Québec (les conservateurs se sont glissés en première place, grâce à la controverse, dans quelques circonscriptions) et, plus généralement, les électeurs voudraient encore voter pour le NPD, mais ils n'ont vraiment pas apprécié la position du chef Thomas Mulcair sur le niqab.
« Les électeurs ont été déçus d'être déçus, résume un conseiller du parti. Ils voudraient voter pour nous et ils reviennent quand on leur parle d'autre chose, de la retraite à 65 ans, des infrastructures et d'autres dossiers qui les touchent. »
Pour le moment, personne au NPD ne veut sortir publiquement pour critiquer la « gestion du niqab » par Thomas Mulcair, mais on sent clairement le mécontentement dans les troupes.
Certains stratèges ont suggéré au chef de ne plus répondre aux questions sur ce sujet après quelques jours, voyant qu'il ne faisait que s'enliser, mais M. Mulcair a continué d'expliquer, de plaider. Réflexe d'avocat, pas de chef de parti, lui reprochent certains.
« Après deux ou trois jours, dit une source interne, il aurait pu dire : "J'ai dit ce que j'avais à dire, rien à ajouter, prochaine question, s'il-vous-plaît." Mais il a continué à répondre à toutes les questions, tous les jours, pendant des semaines. »
D'autres reprochent à Thomas Mulcair d'être allé trop loin, sans nuances et sans tenir compte des sensibilités des Québécois sur les questions identitaires et sans avoir consulté son caucus.
« Ce n'est pas deux ou trois députés qui sont en désaccord avec la position du chef, c'est la majorité d'entre eux au Québec, dit un militant de longue date qui a ses entrées au parti depuis des années. Mulcair a réagi en libéral, ce qu'il est. Comme son chef de cabinet. Ce sont des libéraux qui réagissent comme des libéraux, sans avoir consulté le parti ni le caucus. »
Il est vrai que la position de Thomas Mulcair est identique à celle de Philippe Couillard lors des débats sur la charte des valeurs du défunt gouvernement Marois et, sur le fond, semblable à celle de Justin Trudeau.
M. Mulcair a mis la défense des droits fondamentaux et la protection des droits des minorités devant le consensus québécois sur ces questions, se coupant assurément d'une partie de sa base électorale.
Les critiques dont il est l'objet aujourd'hui sont, toutefois, injustes parce que sur le fond, il a raison. Les sentiments de la majorité, ou ses malaises, ne peuvent servir de base politique et juridique pour priver des minorités de leurs droits. Le port du niqab heurte une majorité de citoyens, certes, mais il s'agit, qu'on aime ou pas, d'un droit d'expression fondamental. Se découvrir le visage au moment de la prestation du serment de citoyenneté, comme c'est le cas en ce moment, satisfait aux exigences décidées par le gouvernement et confirmées par les tribunaux.
Stephen Harper affirme, comme il l'a fait au Face à face TVA, vendredi dernier, qu'il défend les droits fondamentaux des Canadiens en interdisant à une poignée de femmes de porter le niqab à ces cérémonies. En réalité, c'est tout le contraire. Les droits fondamentaux de la majorité ne sont brimés en rien par le port du niqab par une infime minorité. Ne pas ressentir de malaise n'est pas un droit constitutionnel. Pouvoir afficher ses croyances religieuses, oui.
M. Harper sait tout cela, mais contrairement à Thomas Mulcair qui fait dans les nuances juridiques, il a décidé de faire de la politique avec ces questions hautement sensibles.
M. Harper en a remis hier, disant que la question du port du niqab dans la fonction publique pourrait être revue. Au fait, combien de femmes « niqabées » travaillent dans la fonction publique fédérale ?


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