Onfray et Zemmour, face-à-face ou côte à côte?

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Les souverainistes de droite et de gauche peuvent-ils s'allier contre Macron ?


 

 



Les deux intellectuels étaient réunis vendredi dernier, à 19 heures, dans l’émission “Face-à-face” sur la chaîne CNews. Dans une optique souverainiste, droite et gauche pourraient-elles se réunir? Macron a bien fait l’union des “mondialistes”, lui. Analyse.




Il est loin le temps où Onfray, agacé, quittait le plateau de Zemmour (et Naulleau)! 


Désormais leurs face-à-face (il y a en eu plusieurs) sont des côte à côte qui suscitent la hargne d’une meute politico-médiatique affolée de perdre son rang et ses prébendes : islamo-gauchistes (selon le mot inventif de Pierre André Taguieff), verts, euro-mondialistes ou financiaristes. Parfois le tout ensemble comme chez Daniel Cohn-Bendit, rentier d’un demi siècle de fausse révolution, fausse écologie, fausse gauche, fausse Europe. 


Ce 29 mai 2020, Onfray et Zemmour se sont à nouveau rencontrés sur C-News, sous la remarquable houlette de Christine Kelly, pour constater leur accord sur ce qui leur est fondamental en politique et en économie, mais ils ont continué à mettre un peu de coquetterie à souligner leurs minimes divergences. Dire que ce dialogue a atteint des sommets intellectuels serait exagéré, mais il a permis de donner un début de corps doctrinal à une alternative politique et économique plus que jamais indispensable.


Populiste n’est plus un gros mot


En cette période étrange de post-confinement et, sans nul doute, d’avant crise économique et sociale gravissime, les deux hommes s’intéressent l’un à l’autre (mêmes origines modestes, même non-conformisme, même harcèlement par la meute, et même succès d’audience). L’un et l’autre ne craignent pas de se dire populistes. Plus encore, et avec un peu d’étonnement, ils se découvrent des constats et des vœux identiques pour l’avenir de la France. Un avenir dé-mondialisé, dé-bruxellisé, dé-financiarisé. On passera rapidement sur les divergences entre le Normand, athée revendiqué, et le juif pied-noir affirmant le rôle majeur du catholicisme dans l’identité française. Il semblerait d’ailleurs qu’ils confondent tous deux spiritualité transcendante, christianisme et Église. Mais ce serait un autre débat, hors du sujet auquel les ramenait sans cesse Madame Kelly. Ce qui importe vraiment, et ce que tous deux défendent, c’est ce que nous sommes, l’Occident helléno-chrétien, notre incomparable civilisation confrontée aux graves menaces de dissolution qui pèsent sur elle. Et pèsent d’abord sur ses piliers majeurs : l’amour du prochain, la liberté (individuelle, et collective), la nation, le personnalisme maniériste(1), la common decency orwellienne, la justice rawlsienne(2). Ces menaces ont été identifiées de concert par les deux protagonistes. La première menace vient d’une certaine gauche : des « idées chrétiennes devenues folles » (permissivité pénale, migrationisme masochiste, genrisme, etc). Cette gauche dénaturée a même renié le cœur de son propre héritage doctrinal : les souverainetés populaires et nationales. La seconde menace vient d’une certaine droite ultralibérale, qui, elle aussi, s’efforce de briser la nation car, consubstantielle de la démocratie, elle dérange les machinations du business mondial : celui qui essaie de maximiser le profit et de minimiser le  »rendement social » défendu par Maurice Allais.


Soif d’idéal


Les deux essayistes sont d’accord pour alerter sur la Chine qui prospère de nos délocalisations, quand ces dernières nous ruinent ; la Chine qui nous assujettit, et qui pollue l’Afrique. La grande bourgeoisie droite/gauche et ses hommes de paille (y compris des hommes politiques) ont trouvé un intérêt personnel à ces trahisons de l’intérêt national et font tout pour laisser la nation dans un coma artificiel : les aides sociales, le matraquage publicitaire, l’hyper-consommation, les télé-réalités… Comme le chante si justement Alain Souchon :  »Oh le mal qu’on peut nous faire… » Tant Onfray que Zemmour pensent qu’il faut mieux protéger le consommateur, éduquer le peuple, lui donner un pouvoir d’achat suffisant pour qu’il puisse acheter de la qualité(3).


 

Onfray et Zemmour s’accordent à dénoncer le rôle de Bruxelles dans ce grand désordre moral, politique, démocratique, économique, social, démographique et culturel. Zemmour insiste sur le désastre de l’immigration et Onfray, discret sur ce terrain, ne démentit pas non plus. Les deux s’accordent aussi à dénoncer la fraude omniprésente et l’injustice, qu’elle soit judiciaire, sociale ou fiscale. Ils reconnaissent enfin que le clivage droite/gauche est dépassé par un autre opposition entre les souverainistes des deux rives d’une part et les complices ou les serfs volontaires de la haute bourgeoisie financière et internationale d’autre part.


Désirs d’avenir


La vraie question qui se pose, désormais, est de savoir si cette tentative de réunir les souverainistes de deux rives échouera encore, après celles de Séguin et Chevènement dans les années 1980. Où si (mais de quelle façon ?), émergera enfin une alternative politique au niveau des graves échéances qui nous menacent, et digne de notre nation.


Si les débatteurs sont d’accord pour l’essentiel du constat et de ses causes, un sujet les divise néanmoins quand s’esquissent ces perspectives. Zemmour veut un état national, fort et centralisé ; Onfray, lui, idéalise le fonctionnement démocratique de la Suisse et souhaite une organisation plus girondine. De quoi créer, au sein de cette majorité d’idées souverainistes qui semble naître sous nos yeux, deux courants?