Liste des victimes de la Loi des mesures de guerre - Octobre 1970
Voici une liste par ordre alphabétique des noms des victimes des mesures de guerre d'Octobre 1970. Si vous connaissez d'autres noms, elle est incomplète. (tiré de Québec, un pays
Steve Albert - Longueuil
Richard Amiot, Journaliste, Québec
Claude Anctil - Baie-des-Sables
Lise André - Montréal
D'Arcy Archambault - Montréal
Jean-Luc Arène - Longueuil
Spiros Argiros, Journaliste - Montréal
Michel Aubé, Étudiant - Hull
Claude Auclair, syndicaliste - Alma
Élaine Audette - Montréal
Florent Audette, Syndicaliste CSN - Montréal
Nick Auf Der Maur, Journaliste - Montréal
Lise Balcer - Longueuil
Marcel Barbeau, technicien - Montréal
René Bataille, journaliste - Montréal
Pierre Baudet - Montréal
André Baudry, militant PQ - Hull
Pierre-Marc Beauchamp, Étudiant - Longueuil
Marc-André Beaudin, Journaliste - Montréal
André Beaulieu - Baie-Comeau
Gérard Beaulieu, militant PQ - Rimouski
Guy Beaulieu, Chômeur - Montréal
Louis Beaulieu - Montréal
André Beaune - Laflèche
Jacques Beaune - Laflèche
Jacques BÉBÉ - Luceville
André Bélanger, militant PQ - Hull
Jean-Pierre Bélanger - Montréal
Richard Bélanger - Mont-Joli
Roger Bélanger - Mont-Joli
Michel Belleau, Journaliste - Québec
Henri Bellemare, candidat du FRAP médecin - Montréal
Claudette Bertrand, libraire - Montréal
Jean Bertrand - Québec
André Bilodeau - Québec
Denis Bilodeau - Québec
Jean Bilodeau - Québec
Monique Bilodeau - Québec
Pierre Bilodeau - Québec
Robert Bilodeau, gérant ACEF - Québec
Michel Bissonnette, étudiant - Jonquière
Normand Bissonnette - Montréal
Denis Blanchard, Militant PQ - Longueuil
Yves Blondin - Montréal
Jean Boisjoly
Pierre Boissonnault - Montréal
Diane Boivin - Montréal
Claire Bonenfant Pouliot - Québec
Jean-François Bonin - Montréal
Paul Bonneville - Montréal
Denise Boucher - Montréal
Yves Bourgault - Montréal
Pierre-Louis Bourret - Montréal
Claire Brassard - Montréal
Pierre Breton - Québec
Normand Brière - Montréal
Réjean Briggs - Montréal
Jean-François Brossin, Imprimeur-journaliste - Montréal
Michel Bruneau - Montréal
Paul Caissy, Technicien Québec Téléphone - Rimouski
Georges Campeau - Montréal
Gilles Caplette, imprimeur - Montréal
Daniel Car, Étudiant - Jonquière
Claude Caron - Rimouski
Luc Caron - Rimouski
Pierre Carrier - Montréal
Rhéal Casavant, réalisateur Radio-Canada - Hull
Jean Castonguay - Montréal
Lise Catudal, Permanente du PQ - Montréal
Pol Chantraigne, journaliste et imprimeur - Montréal
François Charbonneau, Taxi - Montréal
M. Charbonneau, Taxi - Montréal
Jean-Pierre Charette, Homme d'affaires - Hull
Madeleine Chartrand - Richelieu
Michel Chartrand, Président CSN - Richelieu
Réginald Chartrand - Montréal
Yves Chartrand - Montréal
Gilles Choquette - Montréal
Yannick Chuit
M. Clark - Montréal
Gérard Claveau, médecin - Chicoutimi
Jean Cléroux - Montréal
Marcel Cloutier - Montréal
Gaston Collin - Montréal
Gilles Cormier - Montréal
Raymond Cormier - Montréal
Rosaire Cormier, animateur social - Hull
Serge Corriveau - Montréal
Suzanne Corriveau-Plamondon - Montréal
Gilles Cossette - Montréal
Jean-Marie Cossette - Repentigny
Christian Côté - Montréal
Marcel Côté Étudiant - Chicoutimi
Pierre Côté Étudiant - Montréal
Martin Coucy Étudiant - Québec
Ginette Courcelles, étudiante - Saint-Jérôme
Jean-Guy Couture - Montréal
Jean-Marcel Cusson - Montréal
Micheline Cyr - Montréal
Brenda DA, Américaine de passage à - Montréal
Jean-Marie Da Silva, Professeur - Sainte-Sophie
Blaise Daignault, Militant PQ - Drummondville
Dominique Damant, Étudiante - Montréal
Paul Danvoye, sociologue - Montréal
Djanghuir Dardac, médecin - Montréal
Victor Daudelin - Montréal
Claire Demers - Montréal
François Demers, photographe - Montréal
Hélène Desjardins - Saint-Jérome
Marcel Desjardins - Trois-Rivières
Jacques Désormeaux - Montréal
Louise Désormeaux-Goulet - Montréal
Jean Désy, comédien - Montréal
Jean-Pierre Dionne, Étudiante - Rimouski
Vien DO DUC - Montréal
Gaétan Dostie, Étudiant - Sherbrooke
Ginette Doucet - Montréal
Jacques DU, Étudiant - Rimouski
Michel DU - Hull
Claude-André Ducharme - Montréal
Albert Dufour, militant du FRAP - Montréal
Colette Duhaime, journaliste - Montréal
Claude Dulac, Journaliste - Hull
Michel dumont - Victoriaville
Bernard Dupéré - Mont-Joli
Claire Dupont, secrétaire syndicaliste (CSN) - Montréal
Pierre Dupont - Lachine
Danielle Dupont-Tremblay - Lachine
Daniel Dupuis - Montréal
Mariane Farkas, Étudiant - Montréal
Andrée Ferretti (BERTRAND), ancienne militante du RIN - Montréal
Yvon Forget - Montréal
Guy Fortin, Militant PQ
Joseph Fortin - Québec
M. Fréchette - Montréal
Gilles Gagiardi, syndicaliste du secondaire - Montréal
Armand Gagnon - Rimouski
Charles Gagnon - Montréal
Jean Gagnon, journaliste - Montréal
Jean Gagnon, agronome - Chicoutimi
Michel Gagnon, étudiant - Québec
Paul Gagnon - Montréal
Nicolas Galipeau, fils P. Julien, 15ans - Montréal
Pascale Galipeau, fille de Pauline Julien - Montréal
Michel Garneau, poète - Montréal
Claude Gaudreau - Québec
Jacinthe Gauthier, professeur - Sherbrooke
Maurice Gauthier - Sherbrooke
Gilles Gauvin, Militant SSJB - Rimouski
Étienne Gazaille, militant PQ - Granby
Claude Gendron - Montréal
Jacques Geoffroy, Rédacteur - Saint-Jérôme
Paul-Émile Giguère - Sept-îles
Claude Girard - Montréal
Pierre Girard, syndicaliste (CSN) - Montréal
Rosaire Girard, Militant PQ - Chicoutimi
Pierre Girardin - Montréal
Gérald Godin, Journaliste - Montréal
Madeleine Goldstein - Montréal
Stanley Gray - Montréal
André Grenier - Montréal
Yves Guidon - Montréal
Marek Gutkowski - Montréal
Louis Hans, Étudiant - Montréal
Danièle Hardy - Montréal
Jacques Hébert - Montréal
Gloria Horosowitz, Touriste USA - Montréal
Solange Houdon - Québec
Denis Huard, Étudiant - Hull
Richard Hudson - L'islet-sur-mer
Yannick Huit, étudiant en droit - Montréal
Tran Iundung - Montréal
Maurice Jean, Dessinateur Industriel - Alma
Pierre Jobin, Étudiant - Rimouski
Réal Jodoin, physicien - Sherbrooke
Janine Jodoin-Ouellette - Sherbrooke
André Joffre - Montréal
Pierre Jonas, Étudiant - Rimouski
Fabienne Julien, Recherchiste - Montréal
Pauline Julien, Chanteuse - Montréal
Guy Kok, Photographe - Montréal
Christina Kristiansen - Montréal
Marie Labelle, étudiante Québec
Ronald Labelle, photographe - Montréal
Gérard Lachance, professeur d'histoire - Montréal
Robert Lachance, syndicaliste (FTQ) - Montréal
Donald Lacoste, Étudiant - Laflèche Michèle Lafaille, étudiante - Montréal
Robert Lafrenière, militant PQ - Shawinigan
Jacques Lagacé, avocat - Québec
Hélène Lakoff - Lachute
Denis Lamontagne - Montréal
Daniel Lamoureux - Montréal
Danièle Lamoureux - Montréal
Michèle Lamoureux - Montréal
Richard Langelier, Étudiant - Victoriaville
Robert Langevin - Montréal
Yvan Lapierre - Montréal
Harold Lapointe - Saint-Élie d'Orford
Claudette Larue-Langlois(Lamoureux) - Montréal
Jacques Larue-Langlois(Lamoureux), Journaliste - Montréal
André Lavoie - Montréal
Michel Lavoie - Montréal
Pierre Lavoie, étudiant - Alma
Roger Lavoie - Alma
Urbain Lavoie - Alma
Michel Le siège - Montréal
Alonzo Leblanc, syndicaliste (CSN) - Montréal
Côme Leblanc - Montréal
Monique Leblanc - Montréal
Thérèse Leblanc, étudiante - Montréal
Jean-Guy Lefebvre - Montréal
Manon Léger - Montréal
Robert Lemieux, avocat - Montréal
Marcel Lepot, Militant PQ - Saint-Hubert
Jean-Guy Leroux - Montréal
Loyola Leroux - Montréal
Robert Leroux, imprimeur - Montréal
Gilles L'espérance - Montréal
André Lessard - Alma
Serge Lévesque - Montréal
Zav Levinson - Montréal
Viviane Llwerrin - Montréal
Jean Lorrain - Montréal
Raymonde Lorrain - Montréal
Bernard Lortie, Étudiant - Hull
Serge Loyer - Saint-Jérome
Gaston Lorrain, militant PQ - Hull
André Maheu - Montréal
Denis Mailloux - Montréal
Félix Maltais, Étudiant - Québec
Michel Maltais, Étudiant - Québec
Pierre Marcil - Montréal
Normand Marion - Montréal
Emery Marleau - Montréal
Claude Martel - Montréal
Denis Martel, militant PQ - Montréal
Mathieu Martin, Étudiant - Rimouski Maude Martin - Montréal
Jacques Massé, Étudiant - Montréal
Bernard Mataigne, professeur d'université - Montréal
François Mercier, professeur - Granby
Pierre Mercille, Syndicaliste CSN - Saint-Jérôme
Réal Michon - Montréal
Gaston Miron, Poète/journaliste - Montréal
Ronald Monette, militant PQ - Hull
Serge Mongeau, Médecin - Saint-Hubert
Gilles Morin, militant PQ - Grand-Mère
Guy Morin - Montréal
Marcel Morin - Montréal
Maurice Morin, Fonctionnaire - Québec
Michel Morin - Sherbrooke
Serge Nadeau - Montréal
Suzanne Nadeau - Montréal
Carol Nadon - Montréal
Claudette Nguyen - Montréal
Xvan Loc Nguyen, ingénieur - Montréal
Guy Noël - Montréal
Reynald Noël - Québec
Denise Normandeau - Montréal
Mireille Ouellete - Montréal
Gilles Paquin, Journaliste - Hull
Maryse Paradis étudiante - Québec
line Parenteau - Montréal
Marcelin Parizeau - Montréal
Gérard Pelletier, Étudiante - Saint-Antoine
Roland Pénoveau - Montréal
Réal Perreault - Mont-Joli
Madeleine Piché, Étudiante - Montréal
Jean Pilon - Montréal
jacques Plante - Longueuil
Marcel Pleau - Montréal
Claude Poisson - Québec
Jacques Poitras, Électricien - Québec
James Poland - Mont-Laurier
Bernard Potvin - Mont-Joli
Jean-Pierre Potvin, Syndicaliste CSN - Saint-Jérome
Charles Prévost, Syndicaliste CSN
Jean Prieur - Longueuil
Pierre Raby - Montréal
Jean Racine - Montréal
André Ravel, syndicaliste et candidat du FRAP, - Montréal
Michèle Raymond - Montréal
Lory Rice Étudiant - Sherbrooke
Jocelyne Robert, Militante PQ - Longueuil
Véronique Robert-Blanchard - Montréal
Yvon Rodrigue - Québec
Rose Rose - Montréal
Lise Rose - Montréal
André Rousseau, syndicaliste et journaliste - Montréal
Louise Rousseau - Montréal
Claude Rousson, président PQ
François Roux - Montréal
Clément Roy - Longueuil
Denis Roy - Québec
Jean Roy, imprimeur et candidat du FRAP - Montréal
Normand Roy - Montréal
Serge Roy - Montréal
André Royer, Imprimeur-journaliste - Montréal
César Rutigliano, ACEF - Montréal
Raymond Sabourin - Montréal
Colette Saint-Hilaire - Montréal
Marcel Saint-Pierre, Syndicaliste CSN - Montréal
Claude Samson, Avocat Québec
Luc Samson, Imprimeur-journaliste - Montréal
Michel Saulnier, Psycho-pédagogue - Montréal
Maurice Savard - Québec
Clément Séguin, Militant PQ - Dollard-des-Ormeaux
Daniel Séguin - Montréal
Bertrand Simard - Alma
Penny Simpson - Montréal
Éric Skup - Montréal
Thomas Sloan - Montréal
Harold Slobod, Médecin - Westmount
Patrick Straram, Critique de cinéma - Montréal
Pierre Taddéo, Étudiant - Montréal
Jocelyne Talbot - Montréal
Monique Tardif - Montréal
Claude Tedguy, Professeur Université Laval - Québec
Pierre Tétrtault - Montréal
Richard Théoret, Rédacteur à Forum - Montréal
Gilles Toupin, Militant PQ - Shawinigan
Julien Tourigny, fonctionnaire - Cap-Chat
Gérard Townsley - Montréal
Gaétan Tremblay, fonctionnaire
Jean-Yves Tremblay
Pierre Tremblay, Étudiant - Rimouski
Réjean Tremblay - Alma
Yvon Tremblay - Longueuil
Louise Trépanier - Montréal
Mona Trudel, étudiante - Montréal
Léonard Turcot - Montréal
Normand Turgeon - Montréal
Arthur Vachon - Montréal
Pierre Vachon - Gatineau
Pierre Vaillières - Montréal
Marcel Vaive, Syndicaliste CSN - Hull
Annie Vauthier - Montréal
Léo Veillette, Syndicaliste - Montréal
Fernand Venne - Longueuil
René Venne - Longueuil
Roger Venne - Longueuil
Gilles Verrier - Montréal
Michel Viau - Montréal
Frédérick Vickerson - Montréal
Michel Viger - Longueuil
Pierre Villeneuve - Montréal
Anne Villeneuve - Montréal
Robert Walker - Montréal
Lise Walser - Montréal
Daniel Waterlot - Montréal
André Wattier - Montréal
Arthur Young - Montréal
L’ARMÉE ET LA CRISE D’OCTOBRE Capitaine (retraité) JRM Sauvé, CD, SSM, TRIBUNE LIBRE 17 octobre 2005
Officier d’infanterie et parachutiste, en service dans l’Armée canadienne pendant 28 ans, l’auteur était au Québec pendant la crise d’Octobre 70. Géographe, spécialisé en géopolitique, il est l’auteur de Géopolitique et avenir du Québec. Peu importe ce que prétendent les politiciens, il n’y avait en Octobre 1970 ni insurrection appréhendée, ni rébellion majeure, ni coup d’État ni guérilla au Québec. Ottawa a littéralement sorti le marteau-pilon pour écraser un groupuscule sans moyens et sans défense. L’objectif réel des fédéraux était ailleurs.
Lorsqu’un soulèvement populaire implique plus de la moitié d’une population donnée qui descend dans la rue pour se défaire d’un pouvoir incompétent et corrompu, on peut alors commencer à parler d’insurrection. Au Québec en 1970, malgré quelques tensions sans importance, personne où presque n’était prêt à sortir en masse pour se débarrasser, soit du gouvernement d’Ottawa, soit de celui du Québec ou les deux à la fois.
Une insurrection ne se produit généralement que chez les peuples qui possèdent leur propre État depuis assez longtemps et qui ont l’habitude de se gouverner eux-mêmes. Ce fut le cas par exemple de la révolution française de 1789, alors que la France avait atteint plein statut d’État depuis 150 ans environ, après une période formative de plus de 1200 ans. Ce fut également le cas de la révolution russe de 1917, la Russie existant comme État depuis presque cinq siècles, après avoir chassé les Tatares mongols du territoire. Seuls les peuples habitués à se gouverner eux-mêmes peuvent prendre conscience de leur état réel et se soulever en masse contre les pouvoirs établis. Les peuples inféodés et colonisés, inaptes à se prendre en charge, sont incapables de soulèvements d’une telle ampleur. Habitués à la soumission servile, l’idée de se défaire du pouvoir qui les domine et les opprime se traduit rarement en acte, sauf sous l’effet d’interventions en provenance de l’extérieur. Il leur faut au préalable une classe moyenne instruite et apte à l’action. Dans les colonies, ces classes sont formées la plupart du temps par les missionnaires et la décolonisation peut s’effectuer ensuite par diverses pressions économiques et politiques en provenance d’États extérieurs qui les supportent.
Les États-Unis sont une apparente exception à la règle. La colonisation de la côte américaine de l’Atlantique s’est faite par des colons qui apportaient d’Europe des connaissances, des techniques et un savoir appris depuis longtemps dans leur patrie d’origine. La plupart étaient lettrés, instruits et par conséquent possédaient les aptitudes nécessaires pour une prise en charge collective, après une période de colonisation assez courte, dans un milieu géographique exceptionnellement favorable.
Aucune région naturelle, ni au Québec ni au Canada, n’offre les avantages œkoumènes de la plaine américaine de l’Atlantique, ni de la grande plaine du Centre, ni même de la vallée de la San Fernando, centre de gravité de la Californie, dont la population dépasse celle de tout le Canada. La combinaison de tous ces facteurs est à l’origine de la naissance fulgurante d’un État neuf, dont les dimensions dépassent tout ce qui s’est fait en Europe au cours de deux millénaires d’histoire. De la fondation de Boston en 1620 jusqu’à la révolution de 1776, il s’est écoulé à peine 156 ans, ce qui est inouï pour les autres États du monde, dont la période formative a varié de quatre à douze siècles, souvent davantage.
Cependant, sans l’aide diplomatique, matérielle et militaire de la France de l’époque, il est probable et presque certain que les Yankees de la Nouvelle Angleterre auraient pu s’affranchir de la domination de leur «Mère patrie ».La guerre de l’indépendance américaine n’a pas été facilement gagnée, les Américains, comme tout autre peuple dans l’histoire, étant divisés entre eux au sujet de leur soumission à la Couronne d’Angleterre. Les conflits, les refus, les trahisons et les révoltes contre le mouvement d’indépendance et pour le maintien du statu quo n’ont pas manqué. Les peuples n’apprécient la liberté que lorsqu’ils se sont pris en charge pendant un certain temps. Autrement, la liberté leur fait peur.
Au nord des Amériques, le Canada est un autre continent. Aussi étendu que l’Europe mais recouvert de gigantesques obstacles naturels qui en limitent les possibilités démographiques et économiques, il est devenu le fief des United Empire Loyalists, grâce aux chemins de fer et aux contributions forcées des colons de Nouvelle France restés sur place, qui avaient accumulé un capital au terme de plus de 150 ans de travail, de défrichements et de mises en valeur d’une terre dure et ingrate, dans un climat difficile. Ce capital a fini par tourner à l’avantage des Québécois avec la fondation des coopératives et du Mouvement Desjardins pendant la seconde moitié du Dix-neuvième siècle, même si les United Empire Loyalists cherchent par tous les moyens à le saisir et l’accaparer.
Le Canada manque d’œkoumène, ce qui veut dire d’espaces bas, plats, arables et favorables au développement aisé d’économies organisées et aptes à servir de base au développement d’États nouveaux. En réalité, seulement deux régions naturelles s’y prêtent réellement : les basses terres du Saint Laurent, centre de gravité du Québec, et, les basses terres des grands Lacs, devenues depuis l’ère des canaux et chemins de fer le centre de gravité de l’Ontario et du Canada des United Empire Loyalists, dans lesquelles se concentrent actuellement plus de 12 millions d’habitants. Après la guerre de 1812, après l’ouverture du canal Érié, cette région a servi de rempart contre les tentatives ultérieures de pénétration de l’Amérique Britannique du Nord en provenance des Etats-Unis, le sud du Québec n’y étant plus exposé. Le vaste mouvement migratoire des Loyalistes du Québec vers l’Ontario méridional, qu’on peut situer entre 1860 et 1960, a été un important facteur de survivance et de croissance des colons de Nouvelle France demeurés dans les basses terres du Saint Laurent.
Cependant, les conditions d’un tel revirement de l’histoire et d’un progrès aussi remarquable étaient en place dès 1760, grâce aux politiques de Richelieu envers la Nouvelle France, qui imposa le cadastre et la langue française à toute la colonie, grâce à la guerre d’indépendance américaine et grâce au fait que l’Angleterre devait limiter ses investissements en Amérique britannique du nord, trop impliquée dans des guerres coloniales et continentales ailleurs. Ces conditions étaient favorables à la survie des colons du Saint Laurent mais il fallait aller plus loin. Au Québec, le clergé resté sur place se chargea, comme dans toutes les colonies, de la formation d’une classe moyenne, qui fut détruite avec la guerre 1837-39. Le clergé se remit de nouveau au travail et en 1960, sa tâche était à toutes fins accomplie. Le monde québécois pouvait se séculariser. Jean Lesage et Paul Gérin-Lajoie orientèrent la politique québécoise vers la construction d’un Etat nation, fondé sur les nouvelles classes moyennes, formées par une réforme de l’éducation, ce qu’Ottawa et l’Oligarchie ne peuvent ni admettre ni tolérer.
La crise d’Octobre 70 a fourni à Ottawa l’occasion de frapper un grand coup, non sans analogies avec la guerre de 1837-39, qui ferait reculer le Québec de cinquante ou cent ans, préférablement le fossiliser une fois pour toutes. La manœuvre n’a pas réussi, en partie parce que le Québec de 1970 n’est pas celui de 1837-39, en partie parce que l’armée s’est imposée des limites.
En effet, le Québec de 1970 était presque complètement libre de la présence loyaliste, grâce aux canaux et chemins de fer et à l’ouverture en 1959 de la Voie maritime du Saint Laurent, qui incita beaucoup d’entreprises anglophones à déménager vers l’Ontario méridional. En conséquence, les Québécois prenaient pleine possession de fait (de facto) et de droit (de jure) de leur territoire, avec lequel ils se sont identifiés. Ce n’était pas une révolution mais la venue au monde d’un nouveau peuple, de sa Nation et de son État. Ni Ottawa ni l’Oligarchie ne pouvaient l’accepter.
Quant aux militaires de 1970, ils n’obéissent plus aveuglément aux ordres, comme dans le passé. Ce changement de comportement a diverses causes mais trouve sa source aux procès de Nuremberg, qui ont suivi la seconde Guerre mondiale. Les militaires allemands accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité se sont défendus en prétextant qu’ils avaient obéi aux ordres. Les tribunaux ont statué que, lorsque les ordres s’opposent à la conscience morale d’un militaire, celui-ci doit obéir à sa conscience. Les militaires allemands furent condamnés, exécutés ou envoyés en prison. Pour Telford Taylor, procureur à Nuremberg, ces procès devaient constituer un précédent pour des générations à venir. Le serment d’office du militaire engage d’abord sa conscience et non une loyauté aveugle à un pouvoir arbitraire, inconscient ou criminel. Mais il n’est pas toujours possible de désobéir aux ordres pour suivre sa conscience. Tiraillé parmi des exigences contradictoires entre les autorités, les situations réelles qui se présentent et les impératifs de la conscience morale de chacun, les militaires de la nouvelle vague pouvaient difficilement trouver des solutions qui conviennent. Une solution s’offrait cependant : celle du syndicat militaire.
Peu de Québécois savent que les syndicats militaires existent depuis au moins un siècle et que plusieurs armées sont syndiquées. Les premières armées syndiquées furent les Scandinaves. Après la seconde Guerre mondiale, la nouvelle armée allemande s’est syndiquée, histoire de ne plus se voir imposer des tâches criminelles et immorales, comme l’invasion d’un pays qui n’avait pas attaqué l’Allemagne et n’était aucunement justifiée. Le syndicat militaire impose aux gouvernements et aux autorités un frein aux décisions arbitraires, incompétentes ou criminelles.
Loin de réduire sa capacité de combat à la guerre, le cas de la Finlande prouve que le syndicat l’augmente, en la rendant plus compétente et mieux organisée. L’armée finlandaise, qui a combattu l’armée russe qui avait envahi le pays fin novembre 1939, se composait de syndiqués qui ont imposé aux autorités leurs conditions en dépit de la gravité de la situation.
Entre autres, le combattant ne devait pas passer plus de huit heures par jour au combat. La nourriture, le confort et la protection des combattants devaient être assurés en tout temps, même dans les pires batailles. Les résultats furent surprenants, incroyables : les Finlandais battirent une armée ennemie trois fois plus grosse que la leur. La bataille de Suomussalmi, livrée à 40 sous zéro, entre les 21 et 24 décembre 1939, a été unique dans l’histoire militaire, en ce que jamais une si petite armée n’en avait battu une aussi grosse. Quelles que furent les situations, les soldats finlandais n’étaient ni désemparés, ni démoralisés. Leurs interventions furent terriblement efficaces contre les Russes, qui avaient cru pouvoir battre la Finlande en deux temps trois mouvements. Un soldat qui se sent en sécurité en arrière se bat autrement plus efficacement qu’un autre qui se sent seul et menacé par ses propres autorités.
Au Moyen Orient, où ils avaient servi très nombreux, les officiers, sous-officiers et soldats du Royal 22e Régiment se sont fréquemment liés d’amitié avec leurs collègues finlandais et suédois, syndiqués. Ils ont vu comment fonctionne un syndicat militaire. Ils ont connu une autre discipline, plus réelle, plus intelligente, une discipline de soldats libres et responsables, non pas libertaires, non pas une discipline fondée sur l’arbitraire et l’incompétence des autorités qui décident n’importe quoi, mais une discipline de gens qui ont acquis une certaine maturité et dont la compétence militaire ne faisait aucun doute.
La tentation du syndicat était dans l’air en 1970, après le retour du Moyen Orient de plusieurs bataillons du Royal 22e Régiment. Les autorités à Ottawa s’en sont rendu compte et pour arrêter en partant toute tendance vers la syndicalisation de l’armée, le ministère de la Défense a entrepris une série de mesures qui tiendraient lieu de formules de remplacement, introduites après 1971. Le résultat fut catastrophique. La discipline militaire fut remplacée par l’indiscipline et l’insoumission. Il aurait été plus facile d’introduire le syndicat militaire, qui aurait rassuré les soldats et imposé en même temps une autre discipline fondée davantage sur la responsabilité personnelle. Ce changement de mentalité n’a pas été accueilli à Ottawa avec l’ouverture d’esprit qui s’impose en pareille circonstances. Le résultat : la démoralisation actuelle des forces armées.
Pendant la crise d’Octobre, les militaires Québécois, déjà révoltés contre l’incompétence, l’inconscience et le manque d’intégrité des autorités d’Ottawa, furent vite dépités des tâches ignobles qu’on leur demandait de faire, au nom de la Loi des mesures de guerre, injustifiée dans les circonstances. C’est avec peu d’empressement qu’ils se rendirent visiter les domiciles dont la liste leur avait été soumise par la police. Souvent, personne n’était arrêté, ou, l’individu arrêté était libéré en cours de route. Dans quelques cas, les militaires offraient à la victime désignée un service de transport pour la conduire en lieu sûr.
Ce n’était pas le comportement de la police. Ce n’était pas non plus le comportement des Loyalistes, nombreux dans les unités anglophones, qui firent parfois preuve d’un zèle intempestif. Cette situation aurait pu provoquer une bagarre générale entre militaires Québécois et Loyalistes mais le gouvernement d’Ottawa s’empressa de renvoyer tous les militaires dans leurs camps respectifs avant qu’il ne se produire quelque événement grave. Le retour des militaires dans leurs bases marqua la fin de la crise d’Octobre mais non la fin de la Loi des mesures de guerre, toujours en vigueur en 2005.
Depuis ce temps, et depuis la première victoire du Parti Québécois le 15 novembre 1976, Ottawa, sous prétexte de « Canadian Unity Studies », a noyauté toutes les unités francophones des Forces canadiennes avec des éléments anglophones et chargés de surveiller les militaires Québécois. Même un régiment de réserve, comme le Fusiliers Mont Royal, de la rue Henri Julien, à Montréal, a été noyauté et jusqu’à récemment, on pouvait entendre parler anglais et seulement anglais dans la salle des rapports. Inversement, de nombreux militaires Québécois ont été envoyés dans des unités anglophones pour y être anglicisés, assimilés et « disciplinés » de la bonne manière.
Ces mesures ne sont qu’une partie d’un vaste programme visant à enlever au Québec toute possibilité de se défendre contre Ottawa. Québec et Ottawa sont réellement en guerre et il serait naïf de la part des Québécois et des Québécoises de ne pas s’en rendre compte et partant, de négliger d’entreprendre dès maintenant des mesures pour assurer la sécurité et au besoin la défense du Québec au cours des événements qui s’annoncent dans un avenir proche et par la suite, alors que le Québec viendra au monde en tant qu’État national. Avec l’accès des autres provinces au statut d’États reconnus, il est évident qu’ Ottawa est condamné à disparaître, comme Kalmar en Scandinavie, après la fin de l’Union du même nom. Il est donc nécessaire de prévoir des réactions furieuses et dangereuses de la part des autorités fédérales et de l’Oligarchie et d’y mettre le frein en partant.
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