La toute nouvelle Loi québécoise sur la neutralité religieuse a été mal reçue à Ottawa : tous les partis fédéraux s’y sont opposés. Si plusieurs se sont abstenus de la déclarer d’entrée de jeu inconstitutionnelle, l’élue libérale montréalaise Alexandra Mendès, elle, martèle qu’elle l’est. Et elle estime que le gouvernement fédéral devra « s’en mêler »lorsque la loi sera contestée devant les tribunaux.
« Personne n’a le droit d’imposer quoi que ce soit à une femme. Encore moins un gouvernement », a scandé la députée Mendès quelques minutes à peine après l’adoption du projet de loi no 62 à Québec.
Mme Mendès « doute fort » que cette loi passe le test de la Charte des droits et libertés et croit qu’elle fera probablement l’objet d’une contestation judiciaire. « C’est sûr que, si c’est des questions de Charte, éventuellement le gouvernement fédéral va devoir s’en mêler », a-t-elle déclaré.
Invité à préciser s’il s’opposera à la loi québécoise, le premier ministre a été laconique. « Je vais continuer de m’assurer que tous les Canadiens soient protégés par la Charte, tout en respectant les choix que peuvent faire différents parlementaires à différents niveaux », s’est contenté de rétorquer Justin Trudeau, refusant d’en dire plus à sa sortie des Communes.
Au bureau de la ministre de la Justice, Judy Wilson-Raybould, on a indiqué qu’il était « trop tôt » pour présumer de l’intention du gouvernement. Le ministre des Transports, Marc Garneau, à l’instar de la ministre du Revenu, Diane Lebouthillier, semblait cependant croire que le fédéral « ne va pas s’impliquer là-dedans ».
Mais le bloquiste Xavier Barsalou-Duval n’était pas rassuré par la réponse du premier ministre. « J’ai l’impression qu’il est d’accord tant qu’il ne dit pas le contraire. »
Puisqu’il s’agit d’une loi québécoise, le gouvernement Trudeau pourrait très bien s’abstenir de prendre parti s’il y a une contestation judiciaire. Et ce, même si la Charte canadienne des droits et libertés — plutôt que la charte québécoise — était invoquée, explique le constitutionnaliste de l’Université de Montréal Stéphane Beaulac.
Le député montréalais Anthony Housefather n’a pas voulu se prononcer sur le principe du projet de loi no 62. Mais en tant qu’avocat, il se dit « torturé », car il pourrait tout autant plaider sa constitutionnalité que son inconstitutionnalité.
L’interdit de tout signe religieux sous la charte des valeurs du Parti québécois était plus clairement une contravention à la Charte des droits et libertés, à son avis, qu’une interdiction qui ne touche que le visage et dont la constitutionnalité est « beaucoup plus difficile à prévoir ».
L’opposition timide
Les conservateurs se sont tour à tour abstenus de faire des commentaires, s’en remettant au droit des élus provinciaux de faire leurs propres lois.
Un seul Québécois, le député Alain Rayes, a dit estimer que « ça va beaucoup trop loin ». Il préférerait que Québec s’en tienne à légiférer sur des questions d’identification et de sécurité. Ses collègues Jacques Gourde, Sylvie Boucher et Steven Blaney — lequel avait déposé un projet de loi interdisant le vote à visage couvert — n’ont pas voulu se prononcer. Le chef Andrew Scheer non plus.
L’Ontarien Peter Kent a pourtant affirmé que les conservateurs croyaient en la prestation et en l’obtention de services publics à visage découvert.
Au Nouveau Parti démocratique, le chef Jagmeet Singh a réitéré qu’il s’opposait à la loi, mais qu’il respectait la juridiction provinciale, même s’il prédit que la Charte québécoise sera « assez forte » pour protéger les droits de la personne.
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