Notre Sainte Trinité

États américains - impasse budgétaire



Mettez sur une même estrade Michael Ignatieff, Jean Charest et Gérald Tremblay et vous aurez tout compris. Vous aurez devant vous la maladie chronique qui va paralyser le Québec tout entier si rien n'est fait rapidement. Les trois sont atteints du même virus: l'urgence de ne rien faire.
Ce virus peut être mortel. Pourtant, la maladie est simple à diagnostiquer. Elle consiste à multiplier les projets, les études, les plans (qui sont souvent seulement de mauvais plans), à dévoiler des calendriers de production, à annoncer des constructions diverses, à manipuler des chiffres, à répondre à toutes les questions avec assurance ou à faire semblant qu'on n'a pas compris la question, à ratisser large mais sans jamais se compromettre, à beurrer épais sans jamais se salir les mains. Il faut donner l'impression d'être au-dessus de la mêlée, d'accepter de «faire l'honneur» au peuple de s'occuper de ses affaires tout en en faisant le moins possible et au mieux, en ne faisant rien. Là, c'est le nirvana.
Si, en plus, on arrive à donner l'impression que tout ça se fait dans l'urgence, c'est encore ajouter à la réussite. Faire accepter l'urgence de ne rien faire est un objectif tout à fait louable selon ces trois hommes, tous trois représentants du fier Parti libéral.
Le problème, c'est que pendant ce temps-là, le moteur tourne à vide. Michael Ignatieff dépense toutes ses énergies (et il n'en a pas beaucoup) à essayer de convaincre tout le Canada que ce bon peuple ne veut pas d'élections. Il est convaincu qu'à force de le répéter, le peuple va finir par le croire. Donc, le peuple ne veut pas d'élections. Mais quand est-ce qu'un parti politique demande au peuple s'il veut ou ne veut pas d'élections?
À force de répéter la même rengaine, Ignatieff arrive tout juste à soutenir le gouvernement Harper qui a fini par croire que tout lui était permis et qui en abuse largement. Ce qui signifie qu'il faudra réparer les pots cassés quand le règne de Harper finira par finir. En attendant, Harper s'amuse comme un petit fou à façonner le Canada à son image et à sa ressemblance, ce qui devrait nous faire assez peur pour nous donner envie de voter.
Gérald Tremblay, lui, a repris sa tâche à l'Hôtel de Ville de Montréal là où il l'avait laissée avant l'élection. Il maîtrise parfaitement la méthode des «scènes de crise de nerfs» chaque fois qu'il en sent le besoin. Il agite les bras, hausse le ton et nous somme de cesser de parler de son immobilisme. Le bon peuple est à même de constater que son entourage immédiat n'a pas changé depuis l'élection. On retrouve sensiblement les mêmes têtes, même si on sait qu'elles n'ont jamais brillé par leurs formidables idées nouvelles.
Le bateau, vu de l'extérieur, paraît à la dérive. C'est sûr qu'il prend l'eau, mais on n'a pas réussi à le couler à l'élection municipale. Les projets qui paraissent si urgents pour Montréal dorment au fond des tiroirs. La ville est dans un désordre incroyable de réparations de toutes sortes, mais personne ne sait si c'est vraiment utile ou même si quelqu'un est au courant de ce qui s'y fait. Immobilisme? Mais non, ça grouille et ça grenouille en masse.
Je ne sais pas qui a réussi à convaincre Jean Charest qu'être premier ministre du Québec était un poste de tout repos... mais c'est évident qu'il l'a cru et qu'il n'en revient pas de ce qu'on a l'air d'attendre de lui. Il souhaitait un poste honoraire et il se retrouve en pleine tempête. Il s'était imaginé voyageant dans des pays lointains au nom du Québec, rencontrant des grands de ce monde, échangeant sur tout et sur rien en buvant du champagne, et il se retrouve talonné, bousculé, questionné...
Questionné, lui!?! Questionné alors qu'il se voit comme un pauvre homme qui fait son possible, qui essaie de voir grand, qui délègue tout ce qu'il peut parce qu'il ne va quand même pas s'occuper lui-même des questions d'éducation ou de soins de santé, ou pire, des permis de garderie. On ne voudrait quand même pas qu'il se mette à faire sa propre cuisine politique et qu'il mette la main à la pâte! Il ne se voit pas là-dedans. Il trouve qu'il y a beaucoup trop de chaudrons sur le feu en même temps, et puis, il fait bien trop chaud dans la cuisine pour que ce soit confortable. Qu'est-ce que c'est que cette manie des Québécois de vouloir qu'on travaille pour eux? Jean Charest travaille pour Jean Charest... il n'y a pas de raison que ça change. Le reste, les dossiers, ça attendra.
Et nous, nous avons voté pour tout ce monde-là. Nous les avons choisis. Pire encore, certains d'entre nous ne sont même pas allés voter. Il est temps qu'on se pose de sérieuses questions sur jusqu'où nous sommes prêts à nous en laver les mains...


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