“The Great American Mess” ? Cette exclamation d'un témoin anonyme interrogé lors d'un reportage à Boston nous semble plus appropriée que, par exemple, American Dream, et il n’est pas assuré qu’elle satisfasse le Système. L’affaire de Boston, roulant du rocambolesque à l’incompréhensible, de la monstrueuse overeaction sécuritaire et policière à l’hypothèse au mieux de l’incompétence pure et plus logiquement de l’incompétence ajoutée à la manipulation, confirme d’abord et sans surprise l’état remarquable de la dégradation de l’appareil d’État, ou dans ce qui en fait fonction dans un pays qui n’a pas d’État et qui prétend régenter le monde à l’heure de son effondrement, au nom de principes qu’il ne peut pas appliquer lui-même. On doit même ajouter que Boston marque, y compris syumboliquement, une étape de plus dans l’évolution accélérée de cette dégradation.
Le premier et le principal constat remarquable de cette deuxième phase de l’attaque de Boston, avec l’identification et l’élimination des deux suspects aussitôt qualifiés de coupables, c’est ce climat extraordinaire où l’hypothèse du montage et de la manipulation par les services de sécurité US, FBI en tête, est non seulement une hypothèse honorablement admise mais pas loin d’être l’hypothèse principale. Dans tous les cas, il y a une sorte d’unanimité dans la mise en cause du FBI, allant effectivement de l’hypothèse d’incompétence aux hypothèses beaucoup plus sombres de manipulations.
On croirait même BHO effleuré par telle ou telle hypothèse lorsqu’il reconnaît qu’après cette saga incertaine, “des questions demeurent posées” (International Business Times le 20 avril 2013 : «President Barack Obama admitted that many questions remain following the capture of the second suspect in the Boston bombings on Friday 19 April.») Quant au Guardian, il développe longuement (le 21 avril 2013) les assertions des parents des deux Tsarnaev, faites d’abord à Russia Today (RT), selon lesquels le FBI a constamment exercé une surveillance sur eux, ce qui rend très bancale la narrative de leur implication dans des réseaux terroristes, de l’attentat préparé, etc... Face à ces assertions, le FBI a d’abord opposé un démenti puis, devant l’intention de RT de poursuivre l’enquête, a reconnu avoir effectivement interrogé l’un des deux Tsarnaev, en 2011 à la demande de la Russie, – et cela expliquant sans doute que le même FBI n’a pu évacuer cette embarrassante interview...
«The FBI's previous contacts with one of the alleged Boston bombers have come under intense scrutiny as questions were raised about whether it missed vital clues that could have prevented the attack, which killed three people and injured more than 170. The bureau admitted that it had interviewed Tamerlan Tsarnaev in 2011 “at the request of a foreign government”, presumed to be Russia, which was concerned that he was a “follower of radical Islam”. The FBI said that it did not find any “terrorism activity” and appears not to have had any further contact with him since.
»FBI agents were scrambling to review a six-month visit to Russia by 26-year-old Tsarnaev last year, during which he stayed with his father in Dagestan and is reported to have visited the family's ethnic home of Chechnya...»
Zubeitat Tsarnaeva versus FBI
Il est certain que l’interview de la mère des deux jeunes Tsernaev, Zubeitat Tsarnaeva, dans Russia Today, le 20 avril 2013, a joué un rôle important dans le développement des interrogations à propos du FBI. L’intervention a été disons notablement reprise par la presse US par rapport à l’habitude. Cette interview était bientôt complétée de déclarations du père, également sur Russia Today, allant dans le même sens.
Zubeitat Tsarnaeva, qui est de nationalité US, se trouve actuellement en séjour dans le Dagestan, autre région de la République fédérative de Russie connue pour ses tensions ethniques et religieuses, et pour son éventuelle évolution vers le terrorisme. Son interview, ainsi largement reproduite, a diffusé tout aussi largement, notamment aux USA, l’idée qu’à côté d’un comportement d’incompétence du FBI, des actes de manipulation pourraient avoir eu lieu et avoir lieu...
«Zubeidat Tsarnaeva [...] revealed to RT some suspicions of her own. [...] [H]er biggest suspicion surrounding the case was the constant FBI surveillance she said her family was subjected to over the years. She is surprised that having been so stringent with the entire family, the FBI had no idea the sons were supposedly planning a terrorist act. “They used to come [to our] home, they used to talk to me…they were telling me that he [the older, 26-y/o Tamerlan] was really an extremist leader and that they were afraid of him. They told me whatever information he is getting, he gets from these extremist sites… they were controlling him, they were controlling his every step…and now they say that this is a terrorist act! Never ever is this true, my sons are innocent!”»
Depuis, il y a eu d’autres interventions déstabilisantes pour le pauvre FBI. La dernière en date vient de Channel Four et concerne une autre déclaration des parents de Tamerlan Tsarnaev, selon laquelle le FBI avait contacté leur fils après l’attentat, contredisant ainsi ses premières affirmations selon lesquelles il ne connaissait pas les deux hommes repérés sur des films de surveillance. (Paul Watson rassemble cette information et le suivi sur divers autres medias-Système, le 22 avril 2013, sur Infowars.com.)
De l’amitié US pour les “rebelles” tchétchènes
Ces interventions qui concernent des témoins directs, et nullement des théoriciens du complot ou des commentateurs allant dans ce sens, a structuré cette approche incertaine du rôle du FBI. Elle l’a d’autant plus structurée que ce sont les affirmations de Zubeidat Tsarnaeva qui ont conduit le FBI a reconnaître qu’il y avait eu au moins une rencontre entre ses agents et Tamerlan Tsarnaev. Ainsi, le service fédéral se trouve mis plutôt sur la défensive...
Il s’y trouve d’autant plus, sur la défensive, que cette intervention de 2011 auprès d’éventuels terroristes tchétchènes aux USA eut lieu à l’instigation des Russes, alors que ces mêmes Russes ont largement collaboré avec Washington dans l’affaire de Boston, et cela jusqu’au plus haut niveau, alors qu’il est notoire que les Russes ont beaucoup de choses à reprocher à divers services US, notamment le FBI, par rapport à leur demande autant que par rapport au soutien que ces services US ont longtemps apporté aux terroristes tchétchènes. A cette lumière, l’on comprend que le FBI soit inquiet, et sur la défensive, à cause de la convergence d’un BHO affirmant d’une part que “des questions subsistent” dans l’affaire de Boston, remerciant d’autre part avec chaleur et entrain les Russes, et précisément Poutine, pour leur aide. Il n’est pas assuré que BHO n’ait entendu que des choses agréables pour le FBI, de la part des Russes qui peuvent clamer, à propos des Tchétchènes : “nous vous l’avions bien dit”.
Cette vision de l’affaire est largement renforcée par un autre axe d’analyse, qui est la politique systématiquement antirusse, – donc pro-tchétchène dans ce cas, – suivie par certains services et segments de la communauté de sécurité nationale US, aussi bien que par des groupes de pression divers, que ce soit venus de “liberal hawks” ou de néo-conservateurs. Certains membres de l’establishment US le reconnaissent aujourd’hui, dans les circonstances “post-bostoniennes”... L’analyste new yorkais Eric Draitser écrit, le 20 avril 2013 (dans Russia Today) :
«For years the US and its intelligence services have championed the Chechen cause – legitimizing terrorism as righteous resistance. But after news that the two alleged Boston bombers were of Chechen origin, the story took on a new political dimension. [...] Boston has changed the language. [...
»Despite more than a decade of protestations from Moscow, the United States has long supported the cause of Chechen terrorism under the guise of “freedom fighting”. In an interview with CNBC on Friday April 19th, former New York Mayor and prominent right wing politician Rudolph Giuliani stated, “We’ve been, I’m not going to say sympathetic with them, but we’ve certainly been critical of Putin and how far he’s gone in dealing with Chechnya…I would imagine there are people in Russia who believe that the US has been somewhat unrealistic about the Chechens.”
»Though Giuliani uses the term“unrealistic”to describe the US establishment’s attitude toward the Chechen terrorist networks, in fact the State Department, along with prominent individuals from both sides of the political establishment, has provided aid, assistance and propaganda for the Chechen cause. Prosecutors in Finland revealed last year that one of the most prominent Chechen extremist websites, Kavkaz Center, was funded directly by the US State Department...»
Incompétence & manipulation, ou les deux à la fois
Nulle surprise, par conséquence, si les thèses et analyses se multiplient, proposant diverses interprétations des événements, cette fois sur le terrain de manœuvres de manipulations du FBI. Dans ce cas, au lieu d’une approche appuyée sur l’affirmation que le FBI a négligé la surveillance des frères Tsarnaev, l’approche est celle d’un FBI qui “contrôlait” les deux frères et les a manipulés. L’interview de Zubeidat Tsarnaeva va dans ce sens, ainsi que d’autres interviews de proches des deux frères rajoutés, toujours par Russia Today, le 22 avril 2013.
Dans le climat qu’on a décrit, il apparaît que ces démarches de mise en cause du FBI acquièrent une certaine légitimité, tant les événements tels qu’ils se déroulèrent et tels qu’ils furent présentés, appellent, – pas d’autre mot, finalement, – l’interprétation d’un coup monté au moins en partie, d’une partie manipulatrice dans toute cette affaire. Les spéculations sont par conséquent très nombreuses dans ce sens d’une manipulation, et les sources ne manquent pas sans que nous ayons nécessairement quelque préférence pour l’une et pour l’autre, et surtout sans que nous jugions nécessaire, selon l’axe d’analyse que nous avons choisi, de manifester une telle préférence. (On pourra mentionner l’une ou l’autre référence, comme Pépé Escobar, le 20 avril 2013 sur Russia Today, ou Kurt Nimmo, sur Infowars.com le 21 avril 2013.)
On ajoutera en complément de cette rubrique foisonnante des hypothèses troubles auxquelles cette affaire prête si généreusement le flanc, l’affaire du premier “suspect” de l’attaque de Boston, un Saoudien nommé Abdul Rahman Ali Alharbi. Paul Joseph Watson, de Infowars.com, avait donné le 18 avril 2013 des détails nombreux sur ce cas, avec intervention de l’Arabie, intervention de BHO, rapatriement d’urgence du “suspect” qui ne l’était donc plus, etc. Le commentateur de radio de la droite conservatrice dure Glenn Beck, dénonçait d’abord Infowars.com pour ses hypothèses “irresponsables” concernant un prétendu complot saoudien, puis effectuait un tournant à 180° en prenant l’hypothèse à son compte et en annonçant des révélations sensationnelles (voir STHTF.plan, le 20 avril 2013.) Glenn Beck a donc commencé ses révélations et en promet d’autres...
Certes, diront les commentateurs-Système, tous ces gens ne sont pas très sérieux. Si la référence du “sérieux” se trouve dans le comportement et la loyauté du FBI & compagnie, on voit ce que vaut le sérieux de ces commentaires-Système dénonçant l'absence de sérieux des autres. Nous sommes conduits au constat désormais habituel, et aussi tonitruant dans ce cas qu’est l’affaire de Boston, que plus aucune référence “sérieuse”, dans le sens d’être établie de plein droit, n’existe. Cela renforce notre détermination de chercher d’autres axes d’analyse que l’imbroglio des comportements et des responsabilités.
État de siège et loi martiale
Nous voudrions, en effet, aborder un autre aspect de cette affaire, au vu des événements tels qu’ils se sont déroulés, notamment lors de la poursuite des frères Tsarnaev. D’une certaine façon mais indirectement, cet autre point de vue recoupe en partie nombre des conclusions des différentes thèses sur les manipulations supposées du FBI. Ces thèses vont en général à la conclusion que ces manipulations, si elles sont avérées, ont de toutes les façons pour but de justifier un regain de mobilisation aux USA, et une affirmation renforcée de la “militarisation” de ces mêmes USA.
D’une certaine façon, nous dirions qu’il n’est même pas nécessaire de montages, de manipulations, pour dériver vers cette militarisation. Ce qu’a montré Boston, et ce qui est apparu à nombre d’observateurs qui n’ont en général pas le moindre goût pour les théories complotistes, c’est la “militarisation” de facto, mais d’une façon beaucoup plus spécifique, beaucoup plus remarquable que celle à laquelle on songe lorsqu’on s’arrête au seul fait politique. Nous citerons trois auteurs qui, en l’occurrence, sont peu préoccupés du sens politique de cette affaire, et qui abordent effectivement un aspect structurel des événements, d’un point de vue assez objectif, et notamment la façon dont Boston fut mis littéralement en état de siège et investi par des forces impressionnantes (autour de 9.000 hommes, équipements lourds et très avancés, progressant souvent en véhicules blindés à roues, etc.)
• Anthony Gregory est un commentateur spécialisé dans les questions juridiques publiques, et de tendance libertarienne, violemment opposé à la puissance des pouvoirs de l’État. Sur le blog de The Independent Institute, il développe, le 19 avril 2013, une réflexion sur l’identification d’un état de loi martiale, sur la question de savoir si cet état de loi martiale a été atteint durant l’affaire de Boston, sur la signification d’une telle situation si cette hypothèse était rencontrée...
«Yes, the [Boston] lockdown will eventually ratchet back, but I fear this is only a hint of what is to come. On the one hand, we can say the suspect allegedly committed a particularly insidious crime and poses an especially frightening threat, and so the police reaction is either no cause for alarm, or at least something that will pass. On the other hand, all it took was a couple people with a couple bombs made from pressure cookers, and they managed to provoke the kind of full-scale lockdown you’d expect in response to a genuine invasion by a fully armed and manned military force. Monday showed us how fragile life and social tranquility are. Today shows us how fragile liberty is.»
• Nous citerons également ce passage en ajout de son texte principal, simple additions de remarques personnelles, de Stephen M. Walt, rendant compte de l’impression dont nous voulons parler (sur Foreign Policy, le 19 avril 2013, – la citation est effectivement un update du texte initial, datant du 20 avril) :
«As I've watched today's events and pondered further, I've become convinced that public officials in Boston erred by locking down the City and most surrounding suburbs for an entire day. There may be a good explanation for this decision, but it hasn't been provided yet. The economic cost has been enormous (by one estimate about $1 billion), and it sets a worrisome precedent if a 19 year old fugitive can paralyze an entire metropolitan region. We didn't shut down DC when the snipers were operating there, and we didn't shut down Los Angeles when a renegade and heavily armed police officer was a fugitive. This response also belies our insistence that we're tough and we won't be intimidated. On the contrary: we look skittish and scared. I suspect public officials were deathly afraid of further violence, and of being blamed later for not taking precautions. We'll see. But I worry that potential copycats will be inspired rather than deterred by the combination of media frenzy and governmental overreaction.»
• Enfin, il y a l’article de Patrick Cockburn, dans The Independent, du 21 avril 2013. Cockburn craint le développement d’un “super-monstre” bureaucratique pour les affaires de sécurité, venant se greffer sur le monstre déjà existant...
«It was depressing to see heavily armed Swat teams with assault rifles and body armour debouching from armoured vehicles in Boston as they used to do in Belfast. Curfews, which people in Baghdad and Fallujah have become inured to, suddenly become acceptable in Massachusetts. In contrast to Northern Ireland and Iraq, this is done to the applause of local inhabitants. The reason for Swat teams and curfews is understandable, but measures like these get people cumulatively accustomed to accepting without protest an authoritarian government. [...]
»An outcome of the bombings will be an enhanced sense of public insecurity, and support for those who claim to be doing something about it. Before the Boston attack there were signs of restiveness in the US at the excessive size of the post-9/11 security bureaucracy at a time of budget cuts. The FBI, put in charge of investigating domestic terrorism by President Bush, has 103 joint terrorism task forces, supposedly linking local and state police to federal terrorism investigators. As a result of 9/11, the US has the services of the National Counterterrorism Centre, which analyses and collates intelligence information for the Office of the Director National Intelligence. This, in turn, is supposed to coordinate and oversee the work of America's 17 intelligence agencies. Then there is the sterling work of the Department of Homeland Security (DHS) which unites the 22 federal departments and agencies that employ 240,000 people.
»The creation of a bureaucratic Leviathan like this is more likely to impede than assist the gathering and analysis of intelligence. Too many people do not know what they are doing and there are too many layers of responsibility. Such vast organisations are on an endless quest to justify and expand their own influence and protect themselves from rivals. Power delegated to them because of a single crime is seldom reclaimed.»
La marque de l’action : incompétence + manipulation
Nous avons dit que nous sommes certainement prèts à accepter nombre de thèses diverses, aussi bien d’incompétence que de manipulations. Cette position est due à l’évidence de l’extrême confusion régnant dans les conditions qui ont suivi l’attaque, les habituels trois niveaux de compétence et d’autorité (le pouvoir fédéral, le pouvoir de l’État, le pouvoir de la ville), les interférences de divers services de sécurité, y compris très probablement des organismes privés de sécurité, des incohérences et des contradictions dans la communication des diverses autorités, avec des interférences fâcheuses dans les médias de la presse-Système, l’activité intense des “réseaux sociaux”, sites et blogs d’information plus ou moins alternatifs, etc.
Nous serions prêts, effectivement, à accepter non seulement l’une ou l’autre thèse, mais les deux : incompétence + manipulation : incompétence dans la manipulation, sans même pouvoir dire laquelle l’emporte sur l’autre, laquelle a prééminence sur l’autre, laquelle précède chronologiquement l’autre, etc. Enfin, nous sommes absolument prêts à accepter la thèse de la recherche, de l’argument pour la militarisation, et cela quel qu’en soit la prémisse, – manipulation et complot ou pas, peu importe. Nous le sommes d’autant plus que “l’argument pour la militarisation” s’est avéré complètement dépassé, simplement parce qu’il y a eu “militarisation“ quasi automatique, avec un déferlement extraordinaire de forces hyper-équipées, de services et d’agences différentes et toutes concurrentes dans la surenchère, avec l’instauration de facto de conditions de loi martiale extraordinaires par rapport à l’enjeu. Parvenir à un rassemblement de 9.000 hommes cadenassées de gilets pare-balles et de blindages divers, bardés d’armes avancées, de systèmes électroniques, d’uniformes de science-fiction hollywoodienne, déployés dans des norias de véhicules blindés avec “appui aérien” (hélicoptères divers), etc., dans des conditions qui sont celles d’un quasi-couvre feu avec des consignes de tir sans sommation dans certaines circonstances, et dans une ville quasiment bouclée et assiégée par les “forces de l’ordre”, – cela pour deux puis un seul terroriste réduit à un étudiant de 19 ans dont nul n’a aucune certitude quant à sa responsabilité, – voilà qui montre que la “militarisation” est un fait accompli de la situation générale aux USA.
On y ajoutera ce que nommerions une “mobilisation législative”, avec l’immédiate apparition sur le devant de la scène du couple des amigos Hystérie-Sénilité (Graham-McCain). Les deux sénateurs, aussitôt rassemblés dans leur démarche habituelle, réclamèrent pour le seul “terroriste” restant, celui de 19 ans, les pires conditions qu’on puisse imaginer, sans guère soulever de protestation (sauf l’inusable et courageux Glenn Greenwald, ce 20 avril 2013). Pourtant, dans un acte de prudence révélateur de l’embarras où il se trouve, Obama en a décidé autrement en maintenant la procédure juridique normale.
Il s’agit de revenir sur un jugement de raison, si la chose peut encore se manifester, et de réaliser la disproportion, la boulimie des moyens, l’entassement de forces, l’excès extraordinaire des comportements, de mobilisation législative et politique, le mépris complet pour toute légalité courante, l’hystérie sous-jacente et bureaucratique générale, etc. ... Ce n’est pas un argument pour la militarisation, – c’est pour le moins la “militarisation” d’ores et déjà réalisée, – ou, dans tous les cas, ce qui est décrit comme une “militarisation” et en tient lieu effectivement. L’objet, le dessein du complot si complot il y a est déjà réalisé avant que le complot ait été mené à terme, il l’était même avant que le complot ne débutât ; voilà qui est le plus intéressant dans l’aventure de l’attaque de Boston.
Au reste, ce terme de “militarisation” nous gêne, car c’est bien plus que cela...
La caricature de 9/11
... Ce terme de “militarisation” nous gêne parce qu’il suppose le déroulement d’un plan ordonné, parfaitement contrôlé, impeccablement appliqué. Comme on l’a vu, ce n’est pas du tout ce à quoi nous avons assisté, dans ce “tourbillon made in USA” qui, conformément à sa définition, constitue une force incontrôlée.
On ne peut donc dire qu’on a vu à l’occasion de l’affaire de Boston une étape de plus dans la mise en place des conditions d’une loi martiale ou d’un état de siège, dans le cadre général d’un état de dictature. Loi martiale, dictature, etc., tous ces caractères signifient ordre, efficacité, précision et contrôle, enfin coordination et centralisation, c’est-à-dire une situation où les moyens de coercition sont contrôlés et utilisés efficacement, et selon des capacités centralisées et elles-mêmes contrôlées par une autorité affirmée. Ce fut le contraire dans l’esprit de la chose : une situation où la disposition des moyens de coercition entraîne tous les acteurs et figurants présents dans une surenchère de démonstration, de pression et d’affirmation.
Le gouvernement hésite, le Congrès est divisé et vocifère, les différents pouvoirs sécuritaires cherchent à s’affirmer sur place et manipulent ou orientent les informations à leur avantage alors que l’attentat a eu lieu. Le FBI, qui est le grand ordonnateur de la lutte antiterroriste, n’a plus rien à voir avec cette organisation hyper-centralisée et contrôlée par un apprenti-dictateur collectionneur de fiches secrètes et qui dura un demi siècle à sa tête (J. Edgar Hoover) ; il est devenu une machine anonyme et énorme, incapable d’absorber des éléments extérieurs lorsqu’ils ne s’accordent pas à ses strictes règles bureaucratiques internes, et qui déroule ses bourdes et son incompétence dans la plus imperturbable assurance ... Kurt Nimmo, de Infowars.com, un site ô combien friand d’hypothèse type false-flag et qui donne par conséquent aux autorités le bénéfice de les croire extrêmement efficaces, observe ceci, le 22 avril 2013, après avoir détaillé les innombrables contradictions et interférences de l’attitude officielle, du FBI et des neocons du Congrès (Graham) en tête ; l’on voit qu’il ne s’agit plus d’accuser le gouvernement de monter ses false-flag, mais bien de ne plus parvenir à les monter...
«Numerous inconsistencies and revisions in the storyline over the past week reveal that the government is no longer capable of effectively staging covert false flag events. In lieu of competency and as a result of hubris and arrogance, the establishment has embarked on a campaign to discredit and slander those who refuse to accept the absurdity of the official narrative.»
Boston a été perçu, dans l’implicite narrative officielle qui se créa d’elle-même bien plus qu’elle ne fut développée et contrôlée en tant que telle, selon l’image extravagante d’un “9/11 n°2”. (L’extravagance d’abord, bien entendu, dans la différence jusqu’à la caricature de puissance et d’intensité entre les deux événements.) Si c’est le cas et puisque c’est le cas, alors quelle différence ! Le patriotisme ahuri et conquérant d’après-9/11, l’acceptation religieuse de la narrative officielle, l’affirmation centralisatrice de la présidence, ont laissé place à une bouillie pour les chats d’incompétence affichée, de soupçons développés sans vergogne, d’accusations de fausseté, de montage, d’incompétence, clamées au grand jour... La Maison-Blanche a hésité longuement avant de qualifier l’attentat d’acte terroriste et continue, aujourd’hui, à renvoyer toute demande d’information au FBI et au département de la justice, ce qui est la procédure normale plus qu’une procédure policière et dictatoriale, – ce qui doit être interprété comme une attitude de prudent retrait de la part d’Obama, et nullement l’affirmation tonitruante de l’autorité centrale et d’une situation d’urgence.
Un spasme de tentative de survie
En d’autres mots et selon une interprétation plus large, ce spectacle et ces conditions diverses ne sont nullement celles de la mise en place d’une dictature, alors que le désordre règne dans les rangs des apprentis-dictateurs. (Walt : «...if a 19 year old fugitive can paralyze an entire metropolitan region. [...] This response also belies our insistence that we're tough and we won't be intimidated. On the contrary: we look skittish and scared. I suspect public officials were deathly afraid of further violence, and of being blamed later for not taking precautions.») Ce sont les conditions du déchaînement d’une force dont tout le monde a perdu le contrôle, qui déploie toute sa puissance sans le moindre frein du contrôle centralisé, ni du moindre bon sens tactique.
Les acteurs humains ne sont plus que des figurants représentants les forces politiques ou bureaucratiques dont ils dépendent. Ils sont laissés à leurs concurrences bureaucratiques, à leurs exigences d’hubris, à leurs automatismes hiérarchiques ... On y trouve tout le piètre arc en ciel des médiocrités banales du sapiens confronté à la puissance que le système du technologisme a mis à sa disposition, et emporté au fil de ce qu’il croit être “l’action” (la chasse d’un “terroriste” de 19 ans lui-même terrorisé) par l’ivresse et la fièvre... Ce n’est pas comme cela qu’on préparer une dictature, puisque c’est exactement un processus d’inversion qui se manifeste : tous ces gens sont sous l’empire, sous la dictature de la puissance déchaînée... Boston a donc connu, durant ces quelques jours, un épisode de ce que nous nommons le déchaînement de la Matière ...
Du point de vue psychologique de ses acteurs devenus figurants, le schéma ne réserve guère de surprise. L’hubris et l’arrogance sont en effet le principal moteur et la principale manifestation psychologiques de ce qui est un succédané profondément dégradé de ce que nous nommons l’“idéal de puissance”. Dans ce cas, où l’étalement de la puissance devient une si complète et grossière caricature lorsqu’on mesure l’enjeu, l’événement prend une signification profonde, pathologique, et manifeste un spasme de tentative de survie de cet “idéal de puissance”. De quoi s’agit-il alors, sinon du Système en état d’hyper-surpuissance sous la forme de son système (sous-système) du technologisme poussé à l’extrême de sa manifestation, par simple réflexe de superpuissance affirmée pour tenter d’écarter l’inéluctable produit de cette surpuissance qu’est l’autodestruction.
Le résultat de ce spasme monstrueux de surpuissance où “la compétence cède la place à l’hubris et à l’arrogance”, c’est de s’être découvert, d’avoir exposé les faiblesses et les manigances du Système, d’avoir conduit une opération douteuse conduisant à mettre en évidence une vague de soupçons sur les implications du gouvernement dans des opérations terroristes montées et manipulées, d’avoir mis en évidence des réflexes policiers d’une puissance considérable mais sans la coordination qui garantit seule l’efficacité. Ce n’est pas une structure policière sérieuse qu’on a vu avancer décisivement dans sa mise en place, mais l’expression d’une surpuissance hors de contrôle et conduisant au désordre de l’autorité et de la légitimité, c’est-à-dire au contraire de cette structure. Il s’agit d’une manifestation de plus du phénomène désormais courant ; et, selon l’équation désormais classique, la folle surpuissance engagée nécessairement dans la voie de la production de sa propre autodestruction.
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