Nos députés se font payer des voyages

2 mai 2011 - Harper majoritaire

Richard Cléroux


Il n’est pas rare que des pays étrangers invitent des députés à venir leur rendre visite – toutes dépenses payées – espérant d’avoir une certaine influence sur eux le moment venu. Officiellement c’est pour « mieux faire connaître leur pays. »
Ce sont des beaux voyages, souvent à ce temps ici de l’année, dans des pays chauds.
Parfois nos élus sont accompagnés de leurs conjointes, parfois d’un membre de la famille ou d’un ou d’une collègue. Parfois ils s’y rendent seul.
Les voyages – les billets d’avion, le transport sur terre, les chambres d’hôtels, les repas, les visites – valent des milliers de dollars.
Il s’agit alors de voyages « parrainés. »
Il ne faut pas confondre ces voyages « parrainés » avec les délégations officielles de députés canadiens en mission ou en voyages d’études ou encore les échanges inter-parlementaires payés par les contribuables canadiens.
Les excursions « parrainés » offerts par des lobbyistes pour le compte des pays étrangers sont bien différentes.
Le pays le plus généreux en 2008 a été Israël. Vingt-trois députés ont visité Israël pour fêter le 60ième anniversaire de l’état juif, bien sûr, avant sa guerre contre le Hamas.
Gilles Duceppe, le chef du Bloc, est allé pour neuf jours avec sa conjointe Yolande Brunelle. Le Comité Canada-Israël aurait payé le coût de son voyage évalué à 17 577$.
Le Taiwan, ancien meneur dans la catégorie ‘hôte’ dans les années passées, a accueilli 12 députés, tout un exploit pour un pays que le Canada ne reconnaît pas officiellement.
Et il y en a d’autres. Denis Coderre a visité Berlin pour discuter de sécurité et de défense aux frais du Bundestag (Parlement) Allemand. Les Allemands ont payé 8 558.56 $ pour faire la jasette avec Denis Coderre pendant quatre jours
Le député du Bloc Québécois Paul Crête, accompagné de Myriam Santerre, a passé une semaine en Israël « pour la sensibilisation à la réalité politique d’Israël et de la Palestine. » Le Comité Canada-Israël a payé la note de 10 944 $
Le Conservateur Stephen Blaney s’est rendu en Allemagne pour une discussion « bilatérale » sur la sécurité payée par la République fédérale d’Allemagne. Le coût : 4 500 $. Merci Mme Merkel.
Les intérêts des autres Conservateurs étaient plus proches de chez-nous, du moins géographiquement parlant.
Le Leader en Chambre des Conservateurs et bras droit de Stephen Harper, Jay Hill, s’est fait offrir un voyage de 8 jours à la fin de mars à Myrtle Beach, en Caroline du Sud, gracieuseté de la Chambre de commerce de Myrtle Beach pour un symposium Canada-Etats-Unis.
Le ministre des Anciens-Combattants, Greg Thompson s’y est rendu aussi avec son épouse Linda, à la capitale du golf d’hiver toujours aux frais de la même Chambre de Commerce. Le coût : 3 760 $.
Mais le ‘globe-trotteur’ par excellence en 2008 était nul autre que le Conservateur John Williams, celui qui avait mené la charge contre le programme des commandites des Libéraux en 2005.
L’an dernier, Williams s’est rendu sur quatre continents : à Doha, au Kuwait, à Bogota en Colombie, à Bali en Indonésie, et à Mexico, toujours aux frais de l’Association Mondiale des parlementaires contre la Corruption. Il faut se déplacer pour discuter de la corruption.
En 2007, 65 députés s’étaient fais offrir des voyages par d’autres pays contre seulement 49 en 2008. Après tout, il y avait des élections l’an dernier.
À leur retour, les députés « parrainés » doivent remplir une déclaration indiquant où ils sont allés, la durée, la raison, qui les a accompagné, le nom du ‘parrain-payeur’, ainsi qu’une estimation des coûts.
Ils doivent aussi fournir une lettre expliquant ce qu’ils ont appris lors du séjour. Parfois ces lettres sont difficiles à écrire. Heureusement ces lettres restent toujours secrètes – ont dit ‘protégées’ dans le jargon. Deux ans plus tard elles sont détruites.
Une fois l’an, Mary Dawson, la Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique publie la liste des « déplacements parrainés » de l’année précédente. La liste donne le moins de détails possibles tout en respectant le Code des conflits d’intérêts des députés.
Qu'un pays riche et indépendant comme le Canada permette à ses députés de se faire payer des voyages par des pays étrangers choque certains Canadiens qui croient que le Canada n’est pas à vendre, encore moins ses politiciens.
D’autres prétendent que ce ne sont pas deux billets d’avion et une semaine dans un hôtel de luxe qui va faire fléchir un politicien canadien.
Deux semaines? Avec chambre à lit King?


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