No 2 de l’UPAC, il utilisait un courtier illégal

Marcel Forget remercie notre Bureau d’enquête de lui apprendre qu’il faisait affaire avec un conseiller condamné

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Le chat commence à sortir du sac, et c'est un monstre !

Le numéro 2 de l’UPAC, responsable de la vérification de l’intégrité des entreprises, ignorait qu’il faisait affaire avec un conseiller financier condamné pour avoir illégalement vendu des actions, jusqu’à ce qu’il en soit informé par notre Bureau d’enquête, mercredi.


Marcel Forget, commissaire associé aux vérifications, dirige le service de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) chargé d’évaluer la probité des entreprises qui veulent obtenir des contrats publics.


M. Forget confiait pourtant son rapport d’impôt et achetait des actions d’un conseiller financier, François Simard, réprimandé à au moins deux reprises par les autorités réglementaires depuis cinq ans.


Merci au Journal


Adjoint du commissaire de l’UPAC, Robert Lafrenière, M. Forget a déclaré qu’il avait découvert la situation de M. Simard grâce aux questions que nous lui avons posées à ce sujet.


« Je vous remercie infiniment de m’en informer, a-t-il dit au cours d’une entrevue téléphonique. Je n’étais pas au courant jusqu’à tantôt. »


Quelques instants avant d’accepter de parler au Journal, M. Forget a découvert, grâce à une recherche internet, que son « comptable » avait été condamné à payer 1,3 million $ d’amende par l’Autorité des marchés financiers (AMF), en août 2017.


« La recherche a été somme toute très simple », a reconnu le commissaire.


Avant d’être condamné l’été dernier au terme de poursuites entamées par l’AMF en juin 2013, pour vente illégale d’actions, M. Simard avait également été réprimandé par la Chambre de sécurité financière pour des manquements semblables, en 2012. Toutes ces informations étaient publiques.


Apprenant ces faits, M. Forget a coupé « sur-le-champ » ses liens avec M. Simard, dont il ignorait tous les démêlés, bien qu’il transige avec lui depuis environ cinq ans.


« Vous savez les contacts qu’on a, dans la vie, on ne sait pas ce qu’ils font de leur côté, a-t-il dit. Mais au moment où on est informé, je prends position sur-le-champ. »


Achat d’actions


M. Forget a reconnu avoir acheté il y a quatre ans des actions accréditives de compagnies minières par l’intermédiaire de M. Simard, qui a été condamné par la Cour du Québec pour des transactions impliquant ce type de produit. Le commissaire aux vérifications assure toutefois que ses transactions, dont il n’a pas voulu chiffrer la valeur, ont été faites « dans les règles de l’art ».


« J’ai signé les documents de l’AMF tel que requis pour un investisseur qualifié », dit-il.


Les entreprises minières peuvent émettre des actions accréditives. Elles renoncent à déduire leurs frais d’exploration en faveur d’un investisseur.


M. Simard a aussi dirigé le policier vers un investissement dans un projet de « condos-bureaux » au centre-ville de Montréal.


« M. Simard m’a présenté quelqu’un », a dit M. Forget.


CONTREFAÇON ET PRÉMÉDITATION


Selon un jugement de la Cour du Québec en 2017, M. Simard a :



  • « Planifié et prémédité la commission des infractions »

  • « Retiré des sommes de la commission des infractions »

  • « Utilisé la contrefaçon pour arriver à ses fins »

  • « Clairement tenté d’influencer le témoignage d’investisseurs dans le cadre de l’enquête menée par l’Autorité des marchés financiers »

  • « Des antécédents disciplinaires en matière de valeurs mobilières pour des infractions commises pendant la même période »


QUI EST FRANÇOIS SIMARD ?



  • Conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant de courtier en épargne collective et planificateur financier

  • Réprimandé par la Chambre de sécurité financière en 2012

  • Reconnu coupable par la Cour du Québec en 2016 de 87 chefs pour avoir aidé à effectuer des placements sans prospectus et deux chefs d’entrave au travail des enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers (AMF)

  • Amende de 1,314 million $ imposée par l’AMF en lien avec ces infractions


QUI EST MARCEL FORGET ?



  • Âgé de 57 ans

  • Commissaire associé aux vérifications de l’intégrité des entreprises à l’UPAC depuis 2013

  • Il a été directeur adjoint - Sûreté aéroportuaire pour Aéroports de Montréal de 2011 à 2013

  • Policier à la Sûreté du Québec de 1988 à 2011. Il a notamment servi au sein de l’escouade antimotards Carcajou et été responsable du Service des enquêtes sur le crime organisé


DES VERSIONS CONTRADICTOIRES



PHOTO CHANTAL POIRIER


L’ex-directeur général de la Sûreté du Québec Mario Laprise.



L’ex-directeur général de la Sûreté du Québec Mario Laprise soutient que Marcel Forget lui a suggéré d’acheter des actions d’une entreprise qui a ensuite sombré dans la controverse, ce que nie le principal intéressé.


« À la suggestion de Marcel Forget, j’ai fait un investissement sur une base personnelle à la fin des années 1990, et ce, sans aucun lien avec mes activités professionnelles », a-t-il écrit dans un échange par courriel.


Dans une entrevue qui a suivi, M. Laprise a déclaré que, tout comme « plusieurs collègues », il avait investi dans l’entreprise Newtech, qui voulait commercialiser un frein à disque intégral.


« J’ai fait partie de ce groupe-là et en bout de piste j’ai tout perdu mon investissement », a-t-il dit en précisant que la somme était de moins de 10 000 $.


Les projets de Newtech n’ont jamais abouti, ce qui a causé des pertes à de nombreux petits investisseurs. L’entreprise a fait les manchettes en raison de nombreuses procédures judiciaires et de l’implication d’un présumé gourou, Marcel Pontbriand, qui recrutait des investisseurs.


Selon M. Laprise, maintenant vérificateur interne chez Hydro-Québec, c’est toutefois M. Forget qui lui « a pointé que ça pourrait être un investissement intéressant ».


Forget nie


Lorsque notre Bureau d’enquête lui a appris la version de M. Laprise, M. Forget a d’abord nié avoir suggéré quoi que ce soit à ses collègues.


« M. Laprise était mon patron, c’est difficile de suggérer à mon patron d’investir son argent dans un produit dans lequel moi-même j’investissais. »


M. Laprise et M. Forget ont été associés, avec trois autres collègues, dans une entreprise qui a fait l’acquisition d’un chalet dans Lanaudière, offert à la location.


L’imposante résidence en bord de lac a été la proie d’un incendie criminel en décembre 2013.


M. Forget avait d’ailleurs suggéré à ses associés que le conseiller financier François Simard (voir autre texte) soit le comptable de cette entreprise connue sous le nom de « Chalet des cinq ».


« On lui amenait nos papiers d’impôts et il était comptable, a-t-il dit. Il n’est jamais allé au Chalet des cinq. »


M. Forget a également révélé que M. Laprise était sur la liste de clients de M. Simard. « M. Laprise achetait des actions accréditives », a-t-il dit.


De son côté, M. Laprise n’a pas voulu dire s’il connaissait M. Simard.