Il reste une session parlementaire avant les élections d’octobre prochain. La CAQ en profitera pour faire adopter le projet de loi 96, qui renforcera la loi 101. Entre autres choses, cette législation enchâssera unilatéralement dans la Constitution le fait que le Québec est une nation.
Cette affaire fait l’objet d’une toute nouvelle étude par l’IRAI, un groupe de recherche travaillant sur l’autodétermination des peuples. Me Maxime Laporte et le professeur Daniel Turp y rabrouent ceux qui jugent cette réforme irrecevable. Ils expliquent notamment comment ces futurs leviers, si imparfaits soient-ils, pourraient être utilisés pour défendre l’intérêt national. De façon remarquable, ils démontrent que notre nation a toujours existé en droit constitutionnel.
Déjà dans la Proclamation royale (1763), le législateur britannique fait explicitement état du «peuple» en la «province». Dans l’Acte de Québec (1774), il est écrit que les habitants de la colonie possédaient, avant la Conquête, une «forme stable de Constitution», ce qui revient à reconnaître leur préexistence en tant que corps politique. Sous l’Acte constitutionnel (1791), de nombreuses lois énoncent que c’est bien au nom du «peuple du Bas-Canada» (le Québec d’alors) qu’agissaient les membres du Parlement provincial. Sous l’Acte d’Union (1840-1867), par lequel la législature du Bas-Canada s’était pourtant trouvée dissoute, les références à un «peuple du Bas-Canada» sont fréquentes.
En somme, la prise en compte — y compris juridique — du caractère distinct de notre peuple ne choquait pas les autorités coloniales d’hier comme il choque aujourd’hui une majorité de Canadiens anglais. Même Lord Durham, qui prônait l’assimilation des «Français canadiens», n’en reconnaissait pas moins, par le fait même, leur «nationalité» propre.
Dans le Canada moderne, toutefois, surtout depuis 1982, la lutte contre la reconnaissance de la nation québécoise est un véritable sport national, un cri de ralliement de Saint-Jean, Terre-Neuve, jusqu’à Victoria.
De fait, nos ennemis politiques fourbissent actuellement leurs armes contre la loi 96. Souvenons-nous qu’en septembre dernier, la Commission scolaire English-Montréal a adopté une résolution qui niait tout bonnement l’existence de la nation québécoise, avant de se raviser face au tollé.
Pearl Eliadis, une avocate réputée qui enseigne à McGill, soutient même que la future loi violerait les résolutions adoptées en 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme à Vienne. Elle propose donc un recours en droit international, rien que ça!
Tout cela sans parler du Task Force on Linguistic Policy, un groupe comptant plus de 1500 membres et qui, ô surprise!, nous accuse de xénophobie. Il propose notamment de retirer, dans toutes lois, l’accent aigu du mot Québec, au motif que la création de la «province of Quebec» découle de la Loi constitutionnelle de 1867, dont seule la version anglaise serait officielle.
Ce n’est là qu’un aperçu de l’hostilité viscérale que suscite chez plusieurs Canadiens anglais l’admission d’un fait juridique, politique et sociologique incontestable, à savoir l’existence de la nation québécoise. On objectera qu’au niveau fédéral, les partis politiques sont en faveur de cette reconnaissance, incluant les libéraux de Justin Trudeau. C’est vrai au niveau du discours... sauf que les bottines ne suivent pas les babines.
Dès que la loi 96 sera adoptée, le gouvernement fédéral va délier les cordons de la bourse pour financer les opposants à cette législation grâce au Programme de contestation judiciaire. C’est ce qui est arrivé avec la loi 21. Avec l’argent de nos taxes, nos pourfendeurs se tourneront vers des magistrats nommés par Ottawa pour faire déclarer inconstitutionnelle la loi 96, notamment en vertu d’une charte qui nous a été imposée.
Telle est la logique du régime de 82 dont le père, Pierre Trudeau, est aussi celui du premier ministre actuel. Fidèle à l’héritage, le fils y ajoutera sa touche personnelle. Pendant qu’il dira une chose publiquement aux Québécois — que nous sommes une nation —, son administration s’activera en sous-main pour défaire la loi 96.