Nathalie Goulet : « Si la solidarité nationale joue quand les entreprises ont des aides, il faut les exclure si elles ne jouent pas le patriotisme fiscal »

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Des vœux pieux


La semaine dernière, Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, a déposé un amendement visant à exclure des aides publiques, dans le cadre du plan de soutien lié à la crise du Covid-19, les entreprises ayant des filiales dans les paradis fiscaux. Le gouvernement a refusé cet amendement lors des débats, ne le trouvant pas opportun. Explication au micro de Boulevard Voltaire.



Les entreprises ayant des filiales dans les paradis fiscaux pourront-elles bénéficier des aides publiques liées à l’épidémie de Covid-19 ?

Pour vous, la réponse est « non », puisque vous avez déposé un amendement. Pourquoi avoir déposé cet amendement ?


Cela me semble assez logique. Si les entreprises ne jouent pas le patriotisme fiscal, il faut évidemment les exclure, car il n’y a aucune raison qu’elles bénéficient de la solidarité nationale. Le gouvernement avait déjà dit qu’il exclurait les entreprises qui dissimulaient les dividendes. Il fallait rajouter les états non coopératifs, ce qu’on appelle les paradis fiscaux. C’est la raison pour laquelle, j’ai déposé un amendement qui visait, comme d’ailleurs ceux issus du groupe communiste républicain citoyen et celui des Indépendants, cette disposition. Mais le gouvernement l’a refusé lors des débats.


Quels arguments ont été avancés par le gouvernement pour le refuser ?


Le gouvernement trouvait que ce n’était pas opportun. Il les a rejetés. Je n’étais pas en séance, car je suis confinée, mais un de mes collègues était présent. Le Sénat a néanmoins adopté ces amendements.

Le lendemain matin du vote, Bruno Le Maire a fait une déclaration en disant que les entreprises qui avaient des filiales dans les territoires non coopératifs seraient exclues des aides. Le gouvernement a donc émis une circulaire dans ce sens.

Mes collègues et moi-même sommes très mécontents. Nous considérons que dans la hiérarchie des normes et en ce qui concerne le contrôle parlementaire et le contrôle du suivi de l’exécution, une circulaire n’est pas exactement la même chose qu’une loi.

Nous reviendrons donc à la charge dans le prochain projet de loi de finance rectificative qui ne devrait pas manquer d’arriver.


Que penser de la gestion de crise du gouvernement. Certains parlent d’union nationale.

Êtes-vous satisfaite par cette gestion ?


Dans mon petit département de l’Orne avec le président du département, un sénateur, deux députés LR et un député socialiste et moi, centriste, nous avons mis en place un groupe de travail commun. On ne peut pas nier que la situation est très inédite. On ignore beaucoup de choses sur ce coronavirus. Il y a beaucoup de contradictions, de distorsions de position et d’hésitation sur les masques. Certains dysfonctionnements sont visibles dans la gestion de cette crise.

On pourra faire l’analyse de tout cela un peu plus tard, mais pour l’instant, il faut remettre l‘économie sur pied et sortir du confinement dans de bonnes conditions.

Pour prendre l’exemple de l’école, la cacophonie actuelle n’est pas très rassurante pour les gens. Il y a probablement un moyen de renvoyer les enfants à l’école dans de bonnes conditions de sécurité. Tous ces débats autour de l’école inquiètent les parents, et c’est légitime.


Les petits commerçants et les petits entrepreneurs sont les principaux employeurs de ce pays. Ils sont très inquiets. Le gouvernement a mis en place un numéro vert d’assistance psychologique pendant le confinement. Selon vous, ces petits commerçants survivront-ils à cette épidémie ?


Le risque est effectivement important. Les restaurants et l’hôtellerie ne pourront pas rouvrir dans des conditions de sécurité financière.

Le secteur bancaire est lui très solide. C’est d’ailleurs ce qui différencie cette crise de la crise de 2008. Il faudra donc que le système bancaire, comme l’État, soutienne ces entreprises. Quand les entreprises reçoivent l’aide de 1500 euros, notre département de l’Orne rajoute une aide directe de 500 euros pour les entreprises. Les territoires vont avoir un rôle à jouer. Et la grosse machine de l’administration d’État devra laisser l’intelligence territoriale trouver les bonnes solutions. Tout cela se fera de façon complémentaire, car on ne peut évidemment pas dépenser plus d’argent que ce qu’on est en train de faire. L’État va devoir apporter encore des garanties supplémentaires pour éviter des dépôts de bilan et pour soutenir l’économie. Il y aura donc probablement un autre projet de loi de finance rectificative. On l’a déjà vu avec Air France. L’Union européenne et la Banque Centrale Européenne ont mis des sommes très importantes. C’est un signe plutôt encourageant. Il ne faut pas toujours dire que les choses ne fonctionnent pas. Et il restera les contributions des assureurs qui ont augmenté leurs contributions.

Malheureusement, nous sommes qu’au début de cette crise. Il va falloir à la fois gérer le et l’épidémie.


Cette crise est-elle une leçon d’humilité pour l’État face aux collectivités ?


Je crois que c’est une leçon d’humilité pour tout le monde. Honnêtement, personne ne pensait qu’il se passerait une chose comme celle-là. Une épidémie mondiale qui met l’économie à genou et qui cloue tous les avions de la planète au sol est quelque chose qu’on ne pouvait imaginer que dans les films.


À qui vouliez-vous rendre hommage ?


Je voulais rendre hommage aux soignants. L’année dernière à la même époque, il y avait la grève des urgentistes et des infirmières. Ils réclamaient des moyens nouveaux et plus solides pour l’hôpital. On voit à quel point ils avaient raison.