Montréalais arrêté en Turquie: «Je suis quelqu'un de violent»

Combien de Wassim Boughadou encore à Montréal ?

La police turque vient d'arrêter un Montréalais soupçonné de terrorisme qui était dans le viseur de la GRC depuis cinq ans. Les autorités turques considèrent Wassim Boughadou comme un membre influent du groupe État islamique. Le Canada le soupçonne d'avoir, avec d'autres Montréalais, participé à une prise d'otages en Syrie en 2013. Avant son départ du pays, la GRC le considérait comme une « menace » et craignait qu'il ne tue des policiers, révèle un résumé d'enquête obtenu par La Presse, dont nous révélons les détails pour la première fois.
« Je ne suis pas 100 % violent, mais je suis violent. C'est vrai, je suis quelqu'un de violent. »
Cette confidence de Wassim Boughadou à son frère de 17 ans a frappé les policiers. En juin 2012, l'Équipe intégrée de la sécurité nationale (EISN) de la GRC espionne le Montréalais, membre d'un groupe de jeunes radicalisés qui s'entraînent dans un champ de tir. Son téléphone est sur écoute. Un micro a été camouflé dans son appartement de Côte-des-Neiges.
« Plusieurs événements laissaient croire que cet individu était une menace pour autrui », a expliqué l'enquêteur Tim McGarr dans un témoignage livré à la cour la même année et dont La Presse a obtenu copie la semaine dernière. Le document audio révèle aussi qu'il avait un comportement dangereux avec ses armes à feu et qu'il menaçait de tuer des policiers.
Cinq ans plus tard, ce même Wassim Boughadou vient d'être arrêté pour terrorisme par les autorités turques. Des images captées par les médias locaux dans les jours suivant son arrestation, le 10 mars - à l'aéroport d'Adana, près de la frontière syrienne -, le montrent menotté, la tête basse, encadré par deux agents.
La Presse a pu confirmer que l'homme de 25 ans faisait face à des chefs d'accusation liés au terrorisme. La presse turque raconte que Boughadou est considéré là-bas comme un formateur en maniement d'armes pour le groupe armé État islamique (EI), un recruteur et un membre important du groupe.
Le suspect ne vit plus au Canada depuis 2012. Dans une entrevue téléphonique qu'il a accordée à La Presse en janvier, il refusait de dévoiler le détail de ses activités depuis son départ.
Selon nos informations, il se promenait entre la Turquie et la Syrie. En entrevue, il avait accusé le Canada de l'avoir aliéné. Lors de conversations subséquentes, il s'était montré inquiet d'être bientôt arrêté, sans dire pourquoi.
Au Canada, les enquêteurs souhaiteront profiter de son arrestation à l'autre bout du monde pour faire avancer une enquête vieille de quatre ans menée au Canada. Wassim Boughadou fait partie d'un groupe de jeunes Québécois qui, selon des documents judiciaires dont La Presse a déjà fait état, est soupçonné d'être mêlé à la prise d'otages de deux journalistes américains orchestrée par un groupe lié à Al-Qaïda en Syrie en 2013. Le domicile de ses parents dans l'ouest de la ville a d'ailleurs fait l'objet d'une perquisition en 2015.
Les policiers aimeraient certainement le voir extradé vers Montréal, mais s'il est condamné en Turquie, une telle démarche sera compliquée. Actuellement, le dossier est entre les mains des Affaires mondiales, à Ottawa. « Nous offrons des services consulaires à un citoyen canadien détenu à Adana, en Turquie, et à sa famille. Les agents consulaires sont en contact avec les autorités locales », a confirmé un porte-parole.
C'est en 2012 que l'homme qui a grandi dans le quartier Côte-des-Neiges est tombé dans la ligne de mire de la GRC. Il avait 21 ans. Il s'entraînait au maniement des armes.
À l'été, au terme de plusieurs mois d'écoute électronique, on lui a retiré d'urgence ses armes, qui ont même été détruites, conformément aux ordres du juge.
« Il parlait ouvertement avec son frère que s'il ne pouvait pas quitter le pays, il s'en prendrait à des policiers », révèlent les extraits de témoignages des policiers à la cour dont La Presse a obtenu copie.
« Même si c'est des policiers, je vais tirer. Donc, à partir de maintenant, ça se peut que dans trois jours, je sois mort. »
Par le micro caché dans son appartement de la rue Darlington, les policiers l'entendaient souvent manipuler ses fusils en récitant des passages du Coran qui évoquent la lutte et le combat. Il lui arrivait aussi de se parler seul en évoquant ses craintes face aux autorités. « La police de Montréal va t'arrêter », se disait-il à lui-même.
Boughadou détenait un permis et possédait légalement trois armes à feu longues et des pistolets à air comprimé. Ce sont ses gestes et ses propos jugés alarmants qui ont poussé la police à intervenir, dévoilant du même coup au jeune homme qu'il était surveillé. Il a alerté ses amis.
Le suspect, qui ne vivait plus chez ses parents, avait notamment donné un fusil à pompe de calibre 12 à son frère de 17 ans après lui avoir appris à s'en servir afin qu'il protège la famille. « C'est la seule manière de se défendre », l'entendait-on expliquer sur l'écoute électronique.
Le frère a caché l'arme dans sa chambre à l'insu de ses parents.
La police a aussi intercepté un appel où Wassim, furieux, reprochait à sa mère d'être sortie de la maison dans une tenue trop légère. Il lui disait qu'elle risquait de se faire violer et qu'il serait forcé de tuer son agresseur. « Je suis sérieux, maman, tu ne connais pas mes capacités. »
À une autre occasion, il a menacé d'ouvrir le feu sur un voisin trop bruyant.
Le 7 août 2012, les policiers l'ont intercepté à sa sortie d'une mosquée pour saisir ses armes à feu. Six mois plus tard, la Couronne demandait et obtenait la destruction des fusils et carabine.
Le principal intéressé n'était pas au tribunal. Il avait secrètement quitté le Canada en octobre vers la Turquie, puis, estiment les autorités, la Syrie.
Y est-il vraiment allé ? Oui, si l'on en croit un autre suspect de terrorisme, Ismaël Habib, dont le procès se déroule actuellement à Montréal.
Habib est le beau-frère de Boughadou. Il a raconté à un policier infiltré de la GRC qu'ils avaient passé plusieurs mois en Syrie, armés de fusils d'assaut AK-47, avec différents groupes djihadistes, dont des combattants tchétchènes et le groupe Ahrar al-Sham, mais jamais avec l'EI.
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