Mon pays, ma péréquation...

7dd47814eb861b6b50c83d56fa7b6bec

« L’indépendance aurait dû être exclusivement un défi d’ambition et d’amour-propre. »

Rien ne heurte plus l’amour-propre des Québécois que la péréquation. L’état des routes, le Gala des Oliviers, les Canadiens de Montréal, la corruption et l’incompétence, tout ça n’est rien en regard de la péréquation.


Et c’est pareil chaque année : Hein? Quoi? On est pauvres! Nous autres, les Nous? M’enfin, la péréquation, c’est..., c’est... c’est donné pour rien. Pis on a rien demandé, c’est dans la constitution, faque...


Au bout d’une petite semaine, le temps d’une douzaine d’expertises télévisées, d’exorcismes radiophoniques et de chroniques thérapeutiques, le sujet est liquidé, pif, paf!


C’est moins gênant de parler d’environnement, de multiplier les prophéties et les hypothèses de taxation, deux domaines de prédilection des objecteurs de conscience verdoyants.


Il est d’ailleurs curieux qu’aucun d’eux ne questionne le fouillis des programmes environnementaux québécois dont l’inefficacité est connue et documentée; il suffit de relire les rapports du Vérificateur général des dix dernières années pour constater qu’on dépense sans compter, sans viser de cibles réelles, sans suivi ni cohérence...


Sans doute que tous les beaux parleurs ne veulent pas courir le risque de scier la branche subventionnaire sur laquelle ils sont assis...


La péréquation, c’est autre chose. Peu importe l’angle pour l’expliquer, on doit répéter à chaque fois que, plus dépensier, plus endetté mais insuffisamment riche, le Québec empoche les milliards versés par Ottawa, année après année...


À chaque fois, les défenseurs de la social-bureaucratie répètent qu’on a plus de programmes sociaux qu’ailleurs parce qu’on taxe plus qu’ailleurs. Que la péréquation n’a rien à voir avec les congés parentaux, le secrétariat du bingo et le nombre toujours imprécis de fonctionnaires.


Mais cet argument n’est pas imparable. Par exemple, le Québec dépense chaque année beaucoup plus que l’Ontario en programmes sociaux. Mais l’effort fiscal additionnel fourni par les Québécois ne comble pas l’écart des dépenses entre les deux provinces. Alors quoi?


Sur les médias sociaux, plusieurs s’offusquent, se défendent de parasiter la fédération: «Oui, oui, la péréquation mais Ottawa collecte cinquante milliards au Québec, normal qu’il nous le retourne en péréquation».


Selon les comptes publics établis par l’Institut de la Statistique du Québec, Ottawa dépense 65 milliards dans la Belle province. On a beau arrondir les coins, on ne s’en sort pas...


On entend enfin l’ultime boutade des soldats en déroute: Si on était indépendant, t’sé man, on aurait pas besoin de péréquation, genre.


Ça, effectivement, c’est peut-être vrai. Mais voudrait-on payer le prix du pays? Possiblement amoindrir notre niveau de vie? En finir avec le puits de dollars d'Ottawa, la corne d'abondance de la péréquation? Pas sûr!


Après plus d’un demi siècle de débat, les souverainistes n’ont pas développé un argumentaire absolument convaincant. Remarquez qu’on n’aurait jamais dû en avoir besoin. L’indépendance aurait dû être exclusivement un défi d’ambition et d’amour-propre. Pas une affaire de fric mais de force morale...


Malheureusement, plus le temps passe, plus le goût du risque se perd, si tant est qu’il nous anima jadis...


Entre le danger de perdre un congé ou une garderie et la honte intermittente d’empocher la péréquation, la seconde semble moins intolérable...