Mon fils s'appellera Ashton

En sommes-nous vraiment rendus là? Suis-je un terroriste, un sectaire, un renfermé sur moi-même, un nationaliste raciste comme on le dit dans les médias anglais, comme l'a dit Nicolas Sarkozy?

Tribune libre

Quand j'étais plus jeune, il y avait une rumeur qui courait sur la ville de Québec. Dans mon coin, à Victoriaville, on disait qu'à Québec, lors du Carnaval et pendant la semaine de relâche, il y avait des habitants de la ville qui attendaient les Ontariens de pied ferme pour leur «casser la gueule». La rumeur disait que du moment où quelqu'un parlait anglais, celui-ci devait s'attendre à manger une «crisse» de volée. Je n'ai jamais eu l'occasion de confirmer cette rumeur personnellement. Ce n'est peut-être qu'un mythe!
Plus tard, d'autres rumeurs couraient aussi. Des rumeurs concernant la poutine. C'était à la suite d'une St-Jean-Baptiste bien arrosée sur les Plaines d'Abraham. On entendait dire que, la nuit, si un étranger osait dire que la poutine de Chez Ashton n'était pas mangeable, ce dernier allait se faire «décalisser». Cette soirée là, après les habituelles révoltes et casses du 24 juin, j'ai osé dire à haute voix, dans un Ashton, que la poutine avait le goût de la poutine d'aréna, mais plus dispendieuse.
Grave erreur! J'ai dû sortir assez vite du resto. C'était pire que d'avoir parlé en anglais. Avec un tel nom pour un restaurant, je me demandais même pourquoi il n'y avait pas de manifestations contre le restaurant afin que «Chez Ashton» soit changé pour, disons, «Chez Lucien». Cette nuit là, j'ai compris que je ne comprenais pas le Québec, que je n'avais aucune idée de la complexité du Québec.
Vous vous demandez certainement pourquoi cette histoire? Je ne le sais pas moi-même. Il me faudrait une psychanalyse. Je peux vous dire par-contre ce qui m'a poussé à m'en remémorer. Je lisais aujourd'hui les nouvelles du Québec. Il y avait celle où l'on nous informait que le PQ a rompu ses liens avec l'aile radicale souverainiste. Il y avait aussi les autres nouvelles où l'on apprenait que Charest croit que l'image du Québec a été ternie dans le monde à cause de l'affaire de la commémoration annulée. Il y avait aussi celle où la terreur et la violence avaient obligé André Juneau à annuler la commémoration de la bataille de 1759. Puis je me suis mis à lire des articles dans les quotidiens du reste du Canada.
Ouf! Alerte rouge. Le Québec est en proie à des extrémistes séparatistes. C'est grosso modo ce qu'un total étranger pourrait tirer de ces articles. C'est tout simplement incroyable ce que la radio-poubelle de la Ville de Québec et les autres Canadiens-français fédéralistes fantoches sont en train d'accomplir. Ils font exactement ce que mes pires cauchemars sont composés lorsque je pense à l'avenir du Québec.
En sommes-nous vraiment rendus là? Suis-je un terroriste, un sectaire, un renfermé sur moi-même, un nationaliste raciste comme on le dit dans les médias anglais, comme l'a dit Nicolas Sarkozy?
Voyez-vous, je ne me reconnais pas du tout dans tout ça. Je suis souverainiste, mais je ne comprends pas tout ce qui arrive présentement. Pourtant, ma conjointe a une mère canadienne anglaise. Elle est mi-suédoise mi-canadienne. Avant d'aller vivre en Suède, elle a eu l'occasion de voter aux élections provinciales au Québec. Elle avait vécu auparavant deux ans en Colombie-Britannique, et plus tard elle a vécu trois ans au Québec. Elle a eu le temps, en s'informant de l'histoire récente et ancienne, de comprendre les enjeux politiques et culturels du Québec et du reste du Canada. Par-contre, je ne lui avais jamais parlé de la poutine de Chez Ashton.
Aux élections provinciales de mars 2007, elle a elle-même choisi de voter pour le Parti québécois. Elle ne comprenais pas que les Québécois pouvaient voter pour l'ADQ, un parti représentant la xénophobie et le statu quo. Elle comprenait encore moins comment les Québécois pouvaient voter pour Jean Charest, un homme qui avait été le chef du Parti conservateur du Canada et qui rêvait de devenir Premier ministre d'un état fédéral dont même une grande partie de la Colombie-Britannique ne veut pas.
Je lui avait suggéré Québec solidaire, mais elle trouvait Québec solidaire trop à gauche. Elle voulait voter pour le PQ, parce qu'elle en était arrivée à la conclusion que la souveraineté du Québec était la meilleure chose pour le Canada et pour le Québec.
Peu de temps après, nous quittions le Québec. Ce qui nous poussa à partir est vraiment le climat politique intellectuellement insoutenable qu'avait amené la commission des accommodements raisonnables créée par Jean Charest, principalement instiguée par l'ADQ, en collaboration avec la radio-poubelle de la Ville de Québec. L'histoire est déjà écrite à ce sujet.
Aujourd'hui, 20 février 2009, presque deux ans plus tard, ce que je craignais le plus est en train d'arriver au Québec. It's frightening! Pardonnez-moi, je suis incapable de l'exprimer en français. Je quittais le Québec parce que je suis un lâche. Parce que j'avais trop peur de voir ma patrie en arriver aussi bas. J'avais la chance de me sauver, et je l'ai prise. Peut-être qu'à l'intérieur de moi, des centaines de «Patrick Bourgeois» voulaient sortir et tout détruire sur son passage. J'ai décidé de partir et de les laisser à l'aéroport de Pierre Trudeau, dans la poubelle avec les contenant de liquide de plus de 100 ml, juste avant de passer la sécurité.
Pendant que Gesca et les autres fédéralistes sans fierté sont en train de transformer Patrick Bourgeois en terroriste, pendant qu'on réserve le même sort à Pierre Falardeau, moi j'ai mal à l'âme. Est-ce que c'est juste moi qui capote, comme dirait feu Dédé Fortin? Est-ce qu'il y en a d'autres qui ont cette sensation douloureuse difficile à exprimer? J'ai l'impression d'avoir mangé une grosse poutine de Chez Ashton. Les Québécois et les Québécoises sont en train de se faire totalement crétiniser, de se faire mettre à sac par une pseudo peur qui aura comme résultat une assimilation.
Comme on ne veut pas de pays au Québec, je n'aurai pas besoin d'enseigner le français à mes enfants lorsque j'en aurai. Après tout, lorsque j'irai visiter la ville de Québec dans 20 ans, pour la commémoration du 270e de la bataille des Plaines d'Abraham, je pourrai le faire en anglais sans avoir peur de voir mon fils ou ma fille se faire taper sur la gueule. Nous irons manger une bonne poutine de Chez Ashton après avoir contemplé la commémoration de 1759. Je lui expliquerai que la province est devenue anglaise en 1759 et que par la suite la poutine aura été inventé par un anglais nommé Ashton. Je vous suis très reconnaissant. Je n'aurai pas besoin de lui raconter l'histoire entre 1759 et 2029. Tout sera clair pour lui. Oui, mon fils, je vais l'appeler Ashton.


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