Chronique du vendredi

Mauvaise mine

Chronique de Sylvain Deschênes

André Boisclair a mauvaise mine. Lui vouloir du bien, on souhaiterait que ça ne dure pas trop longtemps. Comme si le miroir s'était cassé en chemin. Comme si la poudre aux yeux ne marchait plus à l'aube de ses quarante ans et de ses perspectives d'accéder au statut d'homme d'État. D'ailleurs, le voulait-il vraiment?
La carapace avait l'air bien fragile lors de sa course à la direction du PQ. Les événements où les huit autres candidats se présentaient sans lui auguraient bien mal. Un chef qui refuse le baptême du feu ne développe aucune capacité de réagir face à une réelle adversité. Mais il y a bien pire : il ne suscite aucun ralliement en quelque circonstance que ce soit. Quand on a fait carrière en ne donnant qu'à des amis subalternes, il est inutile d'appeler des renforts sérieux quand on est attaqué. Il faut mener la bataille soi-même. Et si l'ennemi détient des informations contre vous, vous ne pouvez mener la bataille comme elle le devrait.
En fait, on n'a pas besoin de spéculer sur les informations occultes qui pourraient servir de chantage et infléchir les décisions du chef du PQ dans une direction. Boisclair ne s'opposait pas vraiment au développement de la stupide centrale au gaz du Suroît. Le projet de port méthanier Rabaska en face de l'île d'Orléans n'était pas analysé avec plus de sérieux. Comme si les politiques nationales de développement, particulièrement dans le domaine de l'énergie, s'ajustaient aux conjonctures à court terme pour cette frange de péquistes accrocs au pouvoir provincial. Comme si les slogans du privé répercutés continuellement par les gros médias pouvaient tenir lieu d'analyse.
La seule façon de rallier les Québécois pour la conquête de notre indépendance est de se montrer capable de présenter le combat à mener dans une perspective nationale. Des ports en eaux profondes, le Québec en a plusieurs. Ils pourraient servir dans une perspective nationale. Dans la vision provincialiste à court terme, ils sont mis de côté jusqu'à ce qu'un promoteur flairant la bonne affaire s'en empare pour une chanson et dans un dessein qui n'a rien à voir avec l'intérêt national. En fait, celui-ci est monnayé à la pièce. Chaque projet devient matière à humilier des populations sans pouvoir face aux millions de grandes transnationales. On distribue les emplois comme les forces angloaméricaines distribuaient les bouteilles d'eau en Irak : dans une sorte de chaos où celui qui provoque la catastrophe arrive en sauveur sans se départir de ses manières de goujat.
(En passant, saluons le pétaradant Guy Chevrette maintenant officiellement au service des intérêts des transnationales éradicatrices de forêts. Quel duo il faisait celui-là avec son pote Jacques Brassard aujourd'hui chroniqueur à Gesca et supporteur de la privatisation d'Orford. Ti-Guy et Ti-Lard, les bouffons du terroir. Qu'est-ce qu'on rigole avec ces deux grands fous.)
On croirait revivre 1760 avec, à la tête de nos troupes, des innocents incapables de comprendre les avantages que nous détenons. Le Québec est toujours assiégé. À Lévis, à Orford, dans les officines du ministère de la Rectitude historique coloniale, partout en fait, le bulldozer libéral-conservateur est en marche.
On se souvient de cet héroïque Chinois bravant un tank sur la place Tien An Men. Nous n'en sommes pas là, évidemment. La bataille de Tien An Men s'inscrivait dans la marche du peuple chinois et l'icône de cet homme seul devant un char permet encore aujourd'hui d'espérer que l'humanité pourra se dresser contre les forces de l'inhumanité marchande (qui là-bas est aussi au service d'une oligarchie). Mais nous, ici, avons d'autres luttes à mener pour la suite du monde. Notre expérience du terrain et des chars qui s'y aventurent peut stimuler notre ingéniosité légendaire en matière de résistance.
Les tanks ont leurs faiblesses. Il suffit de savoir s'y prendre.
Allez, André, souris! Quand tu n'y seras plus, nous y serons encore.
Sylvain Deschênes

sdcom@sympatico.ca


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