Matières dangereuses - Hausse importante du trafic au Canada

Le pétrole transporté par train ne représente qu’une fraction de l’augmentation du volume

Tout ça sans aucune analyse du risque accru et des précautions à prendre en conséquence

Au-delà du pétrole transporté par train, c’est l’ensemble du secteur du transport des matières dangereuses (TMD) qui connaît un essor important au Canada. De 2009 à 2012, le trafic a ainsi augmenté d’entre 10 % et 25 %, selon les moyens de transport. Cela représente des dizaines de millions de tonnes métriques de produits dangereux en plus.
Selon différentes données de Transports Canada obtenues par Le Devoir, les matières dangereuses sont plus présentes partout, autant sur les routes et sur les voies ferrées que sur les voies navigables du pays.

Le bond de TMD le plus important est enregistré sans surprise par le transport par train. Quelque 259,4 millions de tonnes métriques de matières dangereuses ont circulé sur les voies ferrées canadiennes en 2012, soit une hausse de 51,7 millions par rapport aux chiffres de 2009, ou 25 % d’augmentation.

Mise en lumière par la tragédie de Lac-Mégantic, la hausse du transport de pétrole par train (de 500 wagons en 2009 à quelque 140 000 prévus en 2013) représente le tiers de cette augmentation, indique le ministère.

Les chiffres de Transports Canada montrent aussi que 22,2 millions de tonnes métriques de matières dangereuses ont été acheminées par bateau au Canada en 2011, soit 2,6 millions de plus qu’en 2009. La hausse est de 13 %.

Le TMD par camion est quant à lui passé de 78,2 millions de kilogrammes en 2009 à 85,8 millions en 2011, c’est-à-dire une augmentation de 8 %. On dénombre annuellement un peu plus de quatre millions de livraisons de matières dangereuses par camion, indiquent des données de Statistique Canada tirées de l’Enquête sur l’origine et la destination des marchandises transportées par camion.

Les chiffres du ministère ne tiennent pas compte du pétrole transporté par pipelines - dont la gestion est assurée par l’Office national de l’énergie. Il y a deux ans, le réseau était évalué à 71 000 kilomètres, sans compter les projets en cours d’approbation.

Un rapport présenté en décembre 2011 par le commissaire à l’environnement et au développement durable (qui relève du bureau du vérificateur général) calculait que 45 % du TMD se fait par voie terrestre, contre 39 % par voie ferroviaire, 15 % par voie maritime et moins de 1 % par voie aérienne.

Des piles à l’uranium

Ce qui circule sur les routes, les cours d’eau et les voies ferrées canadiennes est très varié : acide sulfurique, propane, essence, piles au lithium, isotopes médicaux, uranium, mercure présent dans les appareils électroniques, etc. Il y a trois ans, la valeur combinée des expéditions de produits chimiques et pétroliers excédait les 100 milliards de dollars.

Transports Canada répertorie neuf classes de produits dangereux, comprenant les explosifs, les gaz, les liquides et solides inflammables, et les matières comburantes, toxiques, corrosives ou radioactives. La réglementation de l’organisme fédéral se fonde sur une liste établie par les Nations unies.

Les termes de la loi de 1992 sur le TMD indiquent que les marchandises dangereuses doivent être classifiées convenablement et « transportées dans un contenant approprié ». Transports Canada est chargé du respect des règles en vigueur.

Gestion critiquée

Si Transports Canada souligne que, « chaque année, plus de 30 millions d’expéditions de marchandises dangereuses ont lieu au Canada, et [que] 99,999 % d’entre elles se rendent à destination sans incident », des centaines d’incidents sont néanmoins recensés.

Le rapport du commissaire à l’environnement montrait qu’entre 2007 et 2011, on avait dénombré 416 accidents par transport routier, 27 par transport ferroviaire, 13 par transport aérien et aucun sur la voie maritime. Un millier d’accidents étaient aussi survenus sur les lieux de manutention, avant ou après le transport.

Dans son rapport, le commissaire critiquait la gestion du TMD par Transports Canada, soulignant notamment que « bon nombre de produits comptant parmi les plus dangereux circulent depuis des années sans que le ministère ait effectué une vérification approfondie des plans d’intervention immédiate en cas d’urgence ». Il mentionnait aussi que Transports Canada n’avait pas d’« approche cohérente » en matière de vérification de conformité.

Ces matières dangereuses circulent un peu partout, autant en zones rurales qu’en zones urbaines. Le plus souvent, cela se fait en catimini. « La loi n’oblige pas les compagnies à divulguer des renseignements aux collectivités », dit le ministère dans une réponse courriel.

Une étude à Ottawa?

Pour le critique néodémocrate en matière de transport, Robert Aubin, l’augmentation du trafic de matières dangereuses amène un « grand sentiment d’inquiétude qui a atteint un paroxysme avec Lac-Mégantic ». M. Aubin plaide pour que le Comité permanent des transports fasse une étude sérieuse de toute la question cet automne.

« Des municipalités sont inquiètes, elles ne savent pas ce qui se passe sur les routes et les voies ferrées, dit-il. Je comprends que ça peut prendre un certain pourcentage de confidentialité, mais si on avait au moins l’assurance que les collectivités ont les ressources pour réagir en cas de problème… »

M. Aubin ne « pense pas que les gens sont alarmistes en posant des questions » comme l’ont fait récemment les maires d’une quarantaine de municipalités opposés au transport d’uranium hautement enrichi sous forme liquide. « Il y a eu suffisamment d’incidents pour que les gens soient inquiets, et tant que nous n’aurons pas de réponses précises à nos questions, ça va continuer, estime le député. L’idée n’est pas d’arrêter le transport des matières dangereuses, mais de donner l’assurance que les gens vivent en sécurité dans leurs communautés. »


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