Robert Dutrisac , Jessica Nadeau , Guillaume Bourgault-Côté
Dans le quatrième et dernier débat des chefs, François Legault a accusé Pauline Marois de vouloir précipiter les Québécois « dans le ravin avec les caribous » avec un référendum d’initiative populaire sur la souveraineté. Or, Pauline Marois a affirmé pour la première fois qu’elle ne sentirait pas liée si 15 % des électeurs signent un registre pour demander au gouvernement de tenir ce référendum.
Poussant la chef péquiste dans ses derniers retranchements, François Legault a soutenu qu’avec un référendum d’initiative populaire (RIP), ce sont les «caribous» du PQ, «les purs et durs, les radicaux qui vont décider de la date du référendum ». Jamais René Lévesque, Jacques Parizeau ou Lucien Bouchard n’ont accepté cela, a-t-il ajouté. « C’est certain qu’on va avoir 15 % de signatures », a-t-il dit lors du dernier segment du débat portant sur la question nationale.
Tout en insistant sur le fait qu’un RIP devra recueillir 850 000 signatures de toutes les régions du Québec, Pauline Marois a dit que si toutes les conditions étaient remplies, « à ce moment-là, on évaluera si une majorité de Québécois » sont d’accord. « Je suis une femme responsable. » À la suite d’une question posée par Le Devoir lors du point de presse qui a suivi le débat, la chef péquiste a été encore plus claire : « On peut demander [un référendum sur la souveraineté], non pas l’exiger ». Les RIP permettent donc selon elle « une marge de débat justement pour éviter qu’on fasse un référendum qu’on saurait, à l’évidence, perdu ».
François Legault a fait la liste des sujets qui pourraient faire l’objet d’un RIP : l’accès à l’école anglaise, le bilinguisme dans l’affichage, la signature de la Constitution de 1982.
« Je fais confiance à la population », a répliqué Mme Marois. « Consulter la population, je n’ai pas peur de ça, c’est le plus grand geste démocratique qu’on peut poser. » Elle a accusé son ancien collègue d’avoir renié ses convictions.
À la question à savoir s’il serait chef du camp du Non lors d’un référendum sur la souveraineté, François Legault a soutenu qu’il ne serait ni dans un camp, ni dans l’autre, alors que la Loi sur les consultations populaires exige de tout député qu’il joigne le comité du Oui ou celui du Non.
Dans la première partie du débat, Pauline Marois a présenté son adversaire comme le comptable à la « pensée magique » qui ne « sait pas compter ». François Legault lui a rendu la monnaie de sa pièce en la qualifiant de « reine du statu quo » aux « mains attachées par les syndicats ».
Le dernier débat de la campagne 2012 s’est déroulé dans un climat un peu plus serein que les deux premiers, mais néanmoins marqué par une solide combativité entre deux ex-collègues devenus rivaux.
Pauline Marois et François Legault se connaissent bien pour avoir siégé côte à côte à l’Assemblée nationale pendant près de dix ans. Et les deux n’ont pas manqué de mettre à profit cette expérience pour attaquer leur adversaire au cours de ce troisième face-à-face organisé par TVA. Comme mardi, le ton a progressivement monté au fil de la soirée, mais la discussion a abordé plus d’éléments de contenu que lors des deux soirées précédentes.
Le passé commun de Mme Marois et M. Legault a semblé modérer le thème initial de la soirée, celui de la gouvernance et de la corruption. Pauline Marois n’a pas mis en doute l’intégrité de Jacques Duchesneau, comme Jean Charest l’avait fait la veille ; François Legault n’a de son côté pas soulevé de polémiques concernant le Parti québécois — dont il est issu et dont il a déjà présidé la campagne de financement (un « rôle honorifique », a-t-il dit).
S’ils s’entendent globalement sur le fond des changements à apporter pour lutter contre la corruption, Mme Marois et M. Legault se sont chamaillés sur les détails liés au financement des partis politiques : tous deux fixent le plafond des contributions individuelles à 100 $, mais M. Legault veut aussi limiter le montant maximal qui peut être dépensé par les partis politiques durant une campagne électorale. La limite actuelle est de 11 millions : la CAQ veut ramener ce montant à 4 millions. Selon Mme Marois, les 11 millions sont nécessaires pour « aller rencontrer les Québécois » partout au Québec. M. Legault estime que la limite actuelle favorise les « deux vieux partis » et que cela infléchit l’exercice démocratique.
Le thème a tourné à la chicane quasi familiale quand les deux chefs ont abordé les raisons du départ de M. Legault du Parti québécois. Mme Marois a accusé son adversaire d’être parti parce qu’il « trouvait que [le PQ] était trop dur » dans ses questions à l’Assemblée nationale pour débusquer la corruption. M. Legault a soutenu être parti parce qu’il trouvait que « le PQ n’avait qu’une priorité, la souveraineté ».
La question syndicale
François Legault s’est posé en champion du changement, accusant M. Marois de défendre le statu quo. « Pour être capable d’investir dans les écoles, il faut d’abord faire le ménage dans la bureaucratie, ce que refuse de faire Mme Marois parce qu’elle a comme candidate la présidente de la Commission scolaire de Montréal. Donc elle ne sera jamais pour [l’abolition des] commissions scolaires. »
Pour la chef du PQ, les compressions proposées par la CAQ vont créer des affrontements. « Pendant que M. Legault va s’occuper des structures, moi, je vais m’occuper des enfants. »
François Legault a souligné que le PQ avait en lice une vingtaine de candidats qui sont des syndicalistes. « Vous faites même vos points de presse dans des locaux syndicaux. Mme Marois, vous vous êtes promenée avec un carré rouge. Quand vous allez négocier avec les associations étudiantes, allez-vous avoir votre carré rouge ? Et quand vous allez négocier avec les syndicats, allez-vous avoir votre maracon de la CSN ? »
Pauline Marois dit tenir à ses engagements et accuse son adversaire de détester les syndiqués. « Vous regardez les syndicats de haut, comme les parents, comme les enfants, a-t-elle dit. Il me semble que dans votre vie, un jour, vous avez été aidé par un fonds de travailleurs qui a mis des sommes importantes dans Air Transat au moment où ça allait mal, le fonds des travailleurs de la FTQ. C’était des syndiqués. Et tant mieux, ils ont investi dans une entreprise qui est devenue un fleuron », a soutenu Mme Marois.
Se posant en « comptable » chevronné, François Legault s’est affairé mercredi soir à miner la crédibilité de Pauline Marois en matière d’économie en rappelant ses promesses de « geler les droits de scolarité », « annuler la hausse des tarifs d’électricité entre 2014 et 2018 », « geler les tarifs des garderies » et « abolir la taxe santé ». « Juste ces quatre éléments-là, ça coûte 3 milliards de dollars par année », a-t-il déclaré. « Les dépenses prévues s’élèvent à 992 millions, pas 3,6 milliards [comme la CAQ] », a rétorqué la chef péquiste, précisant qu’elle fera connaître le cadre financier de sa formation politique dès qu’elle aura épuisé la liste de promesses électorales.
Les chefs de la CAQ et du PQ ont par ailleurs précisé leur réponse au maire de la Ville de Québec, Régis Labeaume, qui a pressé le prochain gouvernement de réformer les régimes de retraite. « Chacun devra sans doute faire un bout de chemin. Ce n’est pas toujours le citoyen qui a à supporter un poids supplémentaire », a dit Mme Marois. Pour sa part, la CAQ promet d’octroyer le droit de lockout aux municipalités, a rappelé hier soir M. Legault. « Vous savez c’est quoi un lockout ? Est-ce que le maire va se transformer en pompier ? Est-ce que le maire va se transformer en policier ? », a répliqué Mme Marois.
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Avec Marco Bélair-Cirino
Face à face Marois-Legault à TVA
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