Ma dernière lettre à Joseph Facal

Tribune libre

Monsieur Facal,
Vous lirez sans doute ce texte sans jamais l’avouer. Vous n’y répondrez pas, assurément! Mais je m’en fiche. Là n’est pas le but. Mais tout de même, je me dis que si vous étiez le moindrement conséquent et fidèle à vous-même, vous cesseriez de lire Vigile. Mais vous serez sans doute comme celles et ceux qui pourfendent le péché des autres, mais qui s’y adonnent aussi en secret.
Vous avez été insulté dites-vous dans votre texte paru aujourd'hui dans le Journal de Montréal sous le titre: "les Mauvaises fréquentations" ? Bien sûr, vous avez un certain sentiment d’injustice envers celles et ceux qui vous abreuvent de quolibets. Vous vous dites sans doute que vous ne méritez pas cela. Dites-vous bien que celles et ceux à qui l’on a volé des phrases prises hors de leurs contextes pour les affubler du titre peu flatteur d’antisémites ont le même sentiment d’injustice. Et ce sentiment est encore pire pour l’éditeur de Vigile qui n'a jamais eu aucun autre souci que de laisser les gens s'exprimer. On ne peut pas en dire autant du Journal de Montréal ou de la Presse.
Pour moi, il existe deux façons de combattre ce que l’on appelle l’antisémitisme. La première par la loi du plus fort. La deuxième c’est d’en débattre ouvertement pour battre en brèche ce poison social. La première méthode consiste à mettre le couvert sur la marmite, à cultiver l’ignorance, à faire semblant que le problème n’existe pas.
Moi aussi, je ne crois pas au grand complot juif mondial. Je trouve cette théorie extravagante. Mais contrairement à vous, je ne crains pas de monter au front et de débattre contre celles et ceux qui véhiculent ces idées farfelues. Car l’ennemi que l’on refuse d’affronter en viendra tôt ou tard à nous attaquer.
Mais comme le disait un ex-premier ministre, « que voulez-vous? » C’est le propre du monde politico-médiatique contemporain que de balayer les problèmes sous le tapis et de faire comme si ça n’existait pas. Pire, on se cache et on véhicule des demi-vérités. Ou encore, on ne nous dit pas tout.
Vous vous demandez d’où viennent le cynisme des gens et leur désintéressement pour la chose politique? Il vient de tout cela, mais aussi de la tiédeur de nos dirigeants. Les gens ont un profond sentiment que, du haut de leurs tours d’ivoire les politiciens les méprisent. Les gens ont la certitude qu’ils sont victimes d’une arnaque, d’un grand mensonge auquel les médias prennent part de manière complice.
Le projet de société que l’on propose, c’est celui de payer toujours plus pour avoir toujours moins. Pourtant, les gens n’ont jamais payé autant que ce qu’ils payent aujourd’hui en impôt, taxes, et en fonds de toutes sortes, si régressifs soient-ils. « Il faut augmenter les tarifs ici, il y a un rattrapage à faire là, nos voisins payent plus cher, il faut se comparer à la moyenne des autres » entend-on çà et là.
Mais les citoyens eux-mêmes, on n’en parle jamais. On ne se demande pas quelle conséquence aura le fait de doubler les tarifs d’électricité. On se dit qu’on aidera les gagne-petit d’une autre façon... Mais pour celui ou celle qui subit cette hausse, le rubicond est franchi. Il perdra sa maison. L’homme et ses quatre enfants se retrouveront à logement. Voilà! Ce n’est qu’une famille de plus dans la misère. Sans plus…
Voilà ce que des gens comme vous ne comprennent pas. Vous vous fichez éperdument des drames humains dont vous êtes l’origine. Du haut de votre niche, vous êtes au dessus des autres. « Deutschland uber alles ». Vous réglez le sort du monde avec la touche "ENTER". Tiens toé! hausse du riz ici, augmentation du blé là-bas. Délocalisation sauvage, destruction de l'environnement et des programmes sociaux etc. Et que disent les économistes? Les profits sont en hausse, ça va! Et les politiciens comme des marionnettes opinent du bonnet.
***
Nous sommes de retour à cette époque génératrice d’intolérance parce les gens sont profondément écoeurés. Parce que que celles et ceux qui devraient être les premiers à faire montre d’humanisme sont plutôt devenus de petits prétentieux bourgeois et parvenus, la tête farcie de théories universitaires toutes plus folles les unes que les autres. Il n’y a plus rien de simple et intelligent. Il n’y a que prétention. Une prétention qui plonge le monde dans les ténèbres. Un individualisme qui fait que l’on s’admire soi-même tout en jetant un regard de mépris sur l’autre, sur le pauvre et le méprisé. Chacun pour soi!
Nous sommes à cette époque génératrice de cynisme, car le courage n’existe plus. La politique est un amant de passage ou pire, une putain au service des puissants. Le monde alternatif? On n’ose même plus l’imaginer. Ça fait juste correct de mettre le mot « ex-ministre » sur son CV. RDI et le journal de Montréal nous ouvrent leurs pages sans se demander si ce que l'on a à dire est pertinent.
Quand on a en soi des convictions profondes, monsieur Facal, on les véhicule. On les défend bec et ongle. On plonge dans la marmite. On fonce dans le tas. On ne craint pas de salir ses chaussures, de retrousser ses manches, d’entrer dans la cuisine et de se mettre les mains dans la vaisselle. On continue de croire même si on est seul au monde. On change les mentalités une par une. Quand on a des convictions profondes, monsieur Facal, on se bat. On ne rompt pas les rangs. On regarde l’adversaire dans les yeux et on l’affronte.
Voilà ce que l’on attend de nos politiciens. Voilà ce que nous sommes en droit d’attendre de nos leaders. Qu’ils soient des hommes et des femmes de parole. On ne demande pas qu’ils soient des saints. Tout ce que nous voulons, ce sont des gens qui parlent d’un seul côté de la bouche, des gens qui songent à nous une petite seconde, des gens qui ne remettent pas en question l’utilité de la cargaison parce qu’il y a de houle.
Mais au lieu de cela nous avons des fuyards. Nous avons des gens qui refusent de répondre aux questions. Nous avons des gens si médiocres qu’ils s’évertuent à parler des erreurs que les autres ont jadis commises, sans jamais avoir le cran d’avouer qu’ils ont eux-mêmes tort ne serait-ce qu’une seule fois. Des gens qui se mouillent le doigt, qui cherchent d’où vient le vent et qui s’orientent dans la même direction pour ne pas être décoiffés. Des gens qui fuient en demandant même que l’on efface leurs traces.
Nous n’acceptons plus de leçon de morale de ce monde-là. Ils se croient grands, tellement grands… Du haut de leur trône, s’ils ne voient plus le petit monde que nous sommes, au moins, qu’ils aient la décence de fermer leur gueule.


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3 commentaires

  • Stéphane Sauvé Répondre

    22 mars 2011

    Vous portez bien votre nom. Merci d'être là.
    Vos propos nourrissent le courage.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mars 2011

    M.Levesque,
    Vous avez bien cerné l'écoeurantite aigue de la population et la mienne.
    Jamais de réponses à nos questions, deux paliers de gouvernement qui se foutent complètement de nous., et qui vont ôser venir nous lécher le (vous savez quoi) pendant leurs campagnes électorales respectives.
    A quand un Falardeau, un Bourgault, un Chartrand, un leader quoi qui se fout du politically correct et parle au vrai monde.
    Bon, ça m'a fait du bien, vous aussi j'espère.
    Lise Pelletier

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mars 2011

    Monsieur Lévesque,
    Vous demandez à Facal d'être courageux. Mais ce lucide autoproclamé avait déjà bien démontré qu'il en est incapable. Aujourd'hui, il en a fait la preuve.