Lucien Bouchard et l'indépendance du Québec

Tribune libre

J’ai toujours eu un grand respect pour Lucien Bouchard, homme intelligent, fin débatteur, astucieux en politique et d’une probité qui l’honore. La réputation qu’il s’est acquise à travers ses multiples fonctions et responsabilités le placent comme au sommet de la pyramide des personnalités québécoises. S’il prend la parole, il aura tous les médias à sa disposition pour relayer son message jusqu’aux confins du Québec et du Canada. Il est une sorte de « Pape » dont l’autorité peut difficilement être contestée. Si elle l’est ce ne sera jamais avec le même support médiatique dont il aura pu bénéficier. C’est donc d’un piédestal beaucoup plus bas et avec un support médiatique beaucoup plus faible que je me permets d’interpeller la compréhension qu’il se fait de l’Indépendance du Québec.
Deux affirmations de sa part m’ont particulièrement interpellé. La première, que je n’arrive toujours pas à comprendre, est à l’effet que « ce n’est pas le temps de faire un référendum sur l’indépendance du Québec alors que nous avons tellement d’autres problèmes, plus urgents, à résoudre ». Le second est cette affirmation dont on ne sait d’où elle vient : « les Québécois ne veulent pas, à court terme, d’un autre référendum ». Ce sont là deux affirmations que je cite de mémoire et qui me semblent représenter assez bien son propos sur le sujet.
De la manière dont les choses sont dites dans la première affirmation c’est comme si l’indépendance n’était finalement qu’une sorte de promotion, genre médaille d’or, qui permet à un peuple de dire au monde « Voilà nous sommes un État indépendant avec un siège aux Nations Unies, pouvant émettre des passeports et des visas ». C’est évident que ce n’est pas avec cette indépendance que nous allons solutionner les problèmes du Québec. Par contre, si l’indépendance n’est plus la parade, mais l’outil fondamental par lequel un peuple peut s’attaquer à la solution de ses problèmes, alors là l’indépendance devient une urgence.
Quoiqu'on puisse dire, notre lien fédératif avec le Canada est actuellement un handicap à notre développement. Il ne saurait en être de même le jour où le peuple du Québec, regroupé sous une constitution qu’il se sera donné lui-même, s’attaquera aux problèmes qui l’assaillent. Il trouvera plus facilement les moyens de les résoudre et si les embuches se multiplient, il aura alors la fierté et le courage de les affronter et de les vaincre à sa manière et avec ses ressources. Les questions de multiculturalisme, de diversité culturelle, de laïcité trouveront plus facilement une réponse que ce n’est actuellement le cas. L’indépendance n’est pas un titre que l’on se donne, mais un outil qu’un peuple s’approprie pour résoudre ses problèmes et avancer vers son développement.
La seconde affirmation de M. Bouchard est que les Québécois ne veulent pas d’un nouveau référendum. Je suppose qu’il fonde cette affirmation sur un sondage particulier auquel il aura eu accès. En supposant que ce soit le cas, une telle affirmation demeurerait tout à fait suspecte. Nous savons ce que sont les médias en tant qu’outils privilégiés pour influencer l’opinion publique dans un sens ou dans l’autre. Actuellement, nos médias sont, dans leur ensemble, fédéralistes et supports inconditionnels du néo-libéralisme. Par contre, si, par miracle, ces mêmes médias devenaient, dans leur ensemble, indépendantistes et d’options politiques et économiques plus participatives, fort probablement la même population québécoise serait en faveur de l’indépendance et la tenue, au plus vite, d’un référendum.

L’été dernier nous avons eu le Moulin à paroles qui a eu un succès au-delà des espérances et dont les échos continuent à se faire entendre et à interpeller bon nombre de Québécois et Québécoises. Et que dire de cette foule qui s’est déplacée pour rendre un dernier hommage à Pierre Falardeau, ce cinéaste et patriote qui a marqué à sa manière toute une époque? L’information alternative qui circule sur internet nous en dit plus long sur le sentiment des Québécois que ce que nous en disent RDI et LCN. Il est d’ailleurs intéressant de constater que de plus en plus de jeunes, dont l’avenir préoccupe beaucoup M. Bouchard, voient dans l’indépendance du Québec la voie pour sortir le peuple du « cul de sac » dans lequel on l' a enfermé.
Avec tout le respect que j’ai pour Lucien Bouchard, je n’arrive toujours pas à retrouver en lui la lucidité qui l’avait conduit à se battre pendant des années pour dire au Peuple Québécois que l’indépendance c’est la prise en main de son destin et des outils indispensables à son développement. C’est toujours pour cette indépendance que bon nombre de Québécois et Québécoises continuent de se battre. Toutefois, libre à ce dernier de ne plus croire en cette indépendance, mais de grâce, qu'il ne la confonde avec une mascarade d’indépendance dont personne ne veut vraiment.
Oscar Fortin
Québec, le 17 février 2010
http://humanisme.blogspot.com

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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8 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    19 février 2010

    @ Oscar Fortin:
    Merci. Je vais lire le texte en question, et les commentaires qui le suivent.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 février 2010

    Si je vous comprends bien, comme dirait René Lévesque, le mot probité ne vous convient guère lorsqu'appliqué à Lucien Bouchard. J'en prends évidemment bonne note ainsi que les exemples que vous me donnez.Il y a un article de Réjean Labrie "Misons sur l'affirmation identitaire" actuellement en circulation sur Vigile qui me laisse bien songeur. Je vous invite à le lire et à regarder de près les personnages que l'auteur voit pour mener à bien la lutte de l'indépendance... J'y ai mis un commentaire... Je me demande si tout celà n'est pas lié à une action concertée mettant en évidence des personnages d'une certaine élite de droite.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    18 février 2010

    @ Oscar Fortin:
    «...et d’une probité qui l’honore.»
    Excusez-moi si je suis un peu cru, cher monsieur Fortin, mais l'homme en question change d'allégeance comme il change de paire de chaussettes!
    Un exemple de probité, Lucien Bouchard? À mon humble avis, Monsieur n'a pas réalisé l'indépendance, malgré ses efforts, à cette époque de sa vie où il dût être amputé; et il préfère que le projet meurre avec lui. Que l'histoire du mouvement souverainiste, cesse de s'écrire avec Monsieur.

  • Martin Lavoie Répondre

    18 février 2010

    Et de plus son intervention publique survient au moment où Bernard Landry appose sa crédibilité au mot " INDÉPENDANCE" alors que lui nous ramène au douteux "souveraineté" qui nous a joué tant de tours sous l'étapisme de Morin.

  • Martin Lavoie Répondre

    18 février 2010

    Cette histoire de probité, mise en valeur dans l'article et le commentaire que vous faites par la suite démolit le respect forcé qui a motivé la mise en valeur de l'homme. Suivre son tracé démontre un carriérisme opportuniste et jamais, une vision éclairante. La politesse vous honore, mais l'homme ne la mérite pas.

  • Serge Charbonneau Répondre

    18 février 2010

    L’indépendance n’est pas une parade, mais l’outil fondamental par lequel un peuple peut s’attaquer à la solution de ses problèmes.
    Oui, l’indépendance devient une urgence.
    « les Québécois ne veulent pas, à court terme, d’un autre référendum ».
    Peut-être que les Québécois ont la manie de répéter ce qu'on leur dit.
    (Ça me fait penser aux sondages et à Gilles Dostaler qui disait que Freud et Keynes ont attiré l'attention sur le fait que l'Être Humain a une nette tendance à se conformer aux idées dominantes)
    Comme dit Monsieur Fortin: «notre lien fédératif avec le Canada est actuellement un handicap à notre développement.»
    J'adore cette phrase:
    «L’indépendance n’est pas un titre que l’on se donne, mais un outil qu’un peuple s’approprie pour résoudre ses problèmes et avancer vers son développement.»
    L'indépendance est l'outil d'une nation.
    Le meilleur outil d'émancipation d'une nation.
    Oui, pour le peuple Québécois, « l’indépendance c’est la prise en main de son destin et des outils indispensables à son développement. »
    Ce commentaire a été rédigé au fil de la lecture. Donc voilà pourquoi ma réflexion sur l'affirmation gratuite de Lucien Bouchard (pas de référendum) devance ce qui est dit dans la conclusion de l'excellent texte de Monsieur Fortin
    Merci.
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Archives de Vigile Répondre

    18 février 2010

    Il est vrai que dans l'affaire Michaud, l'attitude adoptée par Lucien Bouchard est plus que questionnable.Le très fort lobby juif l'a gagné à sa cause. L'histoire ne dit pas si ce fut avec ou sans effort. Je pense important, pour les lecteurs et lectrices de Vigile de faire connaître la teneur de la lettre que M. Michaud avait envoyée à Lucien Bouchard, alors Premier ministre.
    http://faculty.marianopolis.edu/c.belanger/quebecHistory/docs/michaud/20.htm
    Ma référence à sa "probité" vise surtout l'image d'un homme qui a géré le Québec avec honnêteté sans générer de ces scandales dont nous sommes malheureusement trop souvent témoins. Pour le moment c'est l'image qu'il me laisse et qu'il laisse, je pense bien, à la majorité des Québécois et Québécoises. L'histoire nous dira un jour si nous avons été leurrés ou pas.

  • Gilles Bousquet Répondre

    17 février 2010

    Vous affirmez : «J’ai toujours eu un grand respect pour Lucien Bouchard, homme intelligent, fin débatteur, astucieux en politique et d’une probité qui l’honore. »
    Et l'affaire Michaud, une affaire de probité ?