Lettre à Monsieur Labrie
Et à tous ceux qui nous vendent le terroir comme seule voie de salut
Monsieur Labrie,
Je lis régulièrement vos articles, sans doute pour le simple plaisir masochiste de bondir sur ma chaise, dégoutté, déprimé et honteux.
Oui j'ai honte lorsque je lis cela, j'ai honte d'être québécois, oui, parce qu'en traçant cette ligne si forte entre le « nous » et l' « autre », nous devenons une sorte de caricature de mauvais goût. Un peu comme cette image stéréotypée du Texan moyen : fermée, menacée, apeurée. Je n'en veux pas de cette fermeture, de se vase clos culturel, comme si nous attendions tous de mourir asphyxiés plutôt que libres et fiers!
En lisant votre article sur l’enracinement, j'ai eu l'impression que vous nous peigniez le portrait-robot du Québécois parfait. Aujourd'hui, si je vous écris, c'est pour vous dire qu'il y a plus d'une façon d'être Québécois, plus d'une façon d'être souverainiste, et que cette dernière se doit de rester ouverte à tous.
Pour moi, le Québec, c'est une terre d'ouverture, progressiste et vivante!
Le Québec, c'est aussi Josée di Stasio et le festival International de Jazz de Montréal;
C'est l'agneau, les latkes et le cari au légume;
Et s'il est vrai que Hamelin livre une des plus belles interprétations du Festin d'Ésope, il faut aussi rendre hommage au talent d'Oliver Jones;
La littérature, au Québec, oui c'est Anne Hébert et Michel Tremblay, mais c'est aussi Bernard Assiniwi, Dany Laférière et Kim Thùy; mais la littérature, elle, est apatride, et n'a pas moins de valeur lorsqu'elle s'écrit de la plume de Gabriel García Márquez, Orhan Pamuk ou même Amos Oz;
L'humour québécois, c'est aussi Rachid Badouri et Sugar Sammy;
Nous pouvons également être fiers du travail formidable et la puissance quasi-lyrique des reportages d'Akli Aït Abdallah et de l'extraordinaire journaliste qu'est Céline Galipeau!
C’est un peu tout ça, et bien plus encore... C’est une culture dont on peut être fier pour son terroir et son histoire, pour sa modernité et sa diversité.
L'autre jour, vous écriviez avoir été choquée de voir une femme voilée dans une publicité; plutôt que d'y voir là une offense à notre culture, je ressens plutôt la fierté de voir que nous sommes accueillants et courageux dans nos valeurs d'égalité et de justice.
Alors même que vous êtes choqué de voir des noirs à la télévision, j'y vois une représentation d'un groupe ethnique qui fait partie de notre histoire depuis 1629.
Vous, et les autres qui supportez cette idéologie fallacieuse, jugez simplement de ce qui est québécois ou non, de qui peut se réclamer « de souche » ou non, alors que la réalité est bien plus complexe. Je ne me conforme pas à votre définition de « Québécois », j'en suis fier et je ne me sens pas moins attaché à mon pays et ma culture. Une culture, je vous le rappelle, n'appartient pas à un groupe d'amateur du folklore; elle appartient à tous les Québécois de souche, à tous ceux qui sont ici depuis longtemps, et à tous ceux qui ont décidé de contribuer à notre riche production culturelle.
Au nom de la peur de disparaître, on se coupe du monde, des autres, et de nous même; s'enfermant sans cesse dans cette intolérance et ignorance qui gangrène notre crédibilité en tant que peuple...et nos chances de s’unir pour l’indépendance.
Comment, dites-moi, voulez-vous intégrer les autres avec des critères impossibles à remplir pour la majorité des Québécois de souche?
Vous qui reconnaissez et êtes si fier de votre culture, ne voyez-vous pas que tous sont attachés à leur propre culture? Et que malgré tout, avec un peu d'ouverture, on peut toujours vivre ensemble... Parce que c'est ça le Québec, une terre d'immigration, et ce, depuis des siècles.
Je ne pourrais jamais me reconnaître dans un discours nationaliste aussi exclusif et fermé, et je crains de ne pas être le seul.
Je dénonce ce populisme anti- « bien pensants » qui sévit sur vigile; le souverainisme est une idéologie politique, et devrait le rester.
Simon Massicotte.