Les USA et l’équation israélienne

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Aux États-Unis, l'électoralisme tient lieu de politique étrangère

J’ai hésité avant d’écrire ce billet.
Par peur qu’il soit mal interprété. Que certains d’entre vous le confondent avec un soutien à une cause ou à une condamnation de l’autre.
Entre Israël et la Palestine, rien n’est blanc ou noir. C’est une complexe palette de gris où au delà de territoires et de religions, les deux camps s’opposent aussi pour emporter la bataille des coeurs.
Les victimes, qu’elles soient palestiniennes ou israéliennes sont sacrifiées deux fois.
La première fois lorsqu’un obus – ou une voiture piégée – leur arrache la vie.
La seconde lorsque leur mort est instrumentalisée pour servir une cause.
Je ne souhaite pas rentrer dans ce débat là. C’est un combat perdu d’avance où le problème n’est pas la défaite des idées mais celle de la raison.
PARADOXE
Mon but ici est de tenter de décrypter la position américaine face à la crise à Gaza.
Expliquer, pas justifier…
Je le sais, je l’entends, je le lis, la politique de Washington est, au mieux, source d’incompréhension et, au pire, de rejet.
Il suffit par exemple de se promener sur Twitter pour y parcourir vos commentaires face à l’étrange positionnement d’Obama. D’un côté, il exprime son indignation face aux massacres de civils, de l’autre, il continue d’armer Israël.
Ce paradoxe n’est pas une déformation médiatique mais une réalité d’un particularisme américain.
Pourquoi, alors que les chaînes d’infos en continue diffusent chaque jour les terribles images en provenance de Gaza, la position de la Maison-Blanche reste-t-elle inflexible ?
Pourquoi, alors que les manifestations en soutien à la cause palestinienne – ou du moins pour un arrêt des combats – se multiplient dans les grandes villes du pays, Washington semble uniforme dans son soutien à Israël ?
Pourquoi, alors qu’en coulisses se multiplient les rumeurs de l’impatience d’Obama face à l’entêtement de Netanyahu, en façade, déclarations après déclarations, le Président insiste toujours sur le droit d’Israël à se défendre ?
Pourquoi, alors que la politique étrangère intéresse si peu les Américains, Rick Perry, gouverneur du Texas défile dans les rues de Dallas pour exprimer son soutien à Israël ?
ÉQUATION
Certes, il y a des enjeux géopolitique mais répondre à cette dernière question, c’est le faire pour toutes les autres.
Mieux, c’est résoudre une étrange équation. Celle qui permet de comprendre la complexité de la position d’Obama.
Rick Perry est donc gouverneur du Texas. Du moins, jusqu’en novembre prochain.
Ensuite ? Après son échec de 2012, il va se relancer dans la course à la Maison-Blanche.
Les chances de Perry en 2016 sont réelles. Il peut être celui en mesure d’unifier un parti républicain déchiré sur sa droite. Perry peut devenir leur George W. Bush.
Et pour gagner, Perry aura besoin du vote juif. Du moins d’une partie.
Il ne s’agit pas d’une théorie de la conspiration ou de politique fiction.
Pour la première fois de son histoire, en 2012, le soutien à Israël a été un enjeu de campagne.
Pour la première fois, des publicités ont accusé un des candidats d’être un ennemi d’Israël.
FLORIDE
Traditionnellement, l’électorat juif - qui représente entre 5,2 millions et 6,4 millions du corps électoral – est démocrate.
Pourquoi, alors, la campagne Romney a investi 16 millions de dollars pour tenter d’en capter une partie ?
D’abord parce que les derniers scrutins démontrent que cet électorat ne s’abstient pas et se déplace en masse. Ainsi entre 90% et 96% d’entre eux ont voté lors des cinq dernier scrutins présidentiels.
Cet élan de civisme est d’autant plus intéressant que les quatre États où résident le plus grand nombre de Juifs représentent 127 votes au collège électoral. Soit quasiment un quart des voix nécessaires pour devenir Président des États-Unis.
Mais voilà, parmi ces quatre États, trois sont solidement démocrates.
Reste le quatrième.
Celui qui depuis 2000 décide du sort des candidats et le fera encore en 2016..
La Floride compte 640 000 électeurs de confession juive. 96% d’entre eux ont voté en 2012.
A ce chiffre, il faut ajouter un tiers des 75 000 expatriés Américains installés en Israël ( La population avec double citoyenneté américaine et israélienne est estimée entre 300 000 et 500 000 personnes)
Une réserve de voix massive.
Une réserve de voix en mesure de faire perdre ou gagner une élection.
Le système électoral américain à cela de particulier qu’un Président peut être élu sans gagner le vote populaire.
Il lui suffit de remporter la victoire dans certains États clés.
En 2000, souvenons-nous, ce sont 537 bulletins de vote par correspondance (dont l’essentiel venait de l’étranger) qui ont été utilisés par la Cour Suprême pour déclarer George W.Bush vainqueur.
Et lorsque la couleur de la Floride et de ses 29 membres du collège électoral se décide à moins de 2% d’écart, le vote communautaire devient essentiel.
Et c’est pour cela que c’est là que la campagne Romney a investi ses 16 millions de dollars.
Pour y séduire quelques dizaines de milliers d’électeurs Juifs et faire basculer le scrutin.

2016
Certes, Romney a échoué mais il a lancé une dynamique. Et le prochain scrutin va intensifier cette réalité là.
En 2016, le Texas sera républicain, la Californie démocrate.
Une fois encore, l’élection va se jouer en Floride.
C’est pour cela que là-bas, depuis 2012, sur le terrain, le parti républicain, épaulé par des associations locales, tente de contourner la montée du vote latino pro-démocrate en attirant l’électeur pro-israélien.
C’est pour le séduire que Rick Perry manifeste à Dallas.
C’est pour le rassurer qu’Obama en particulier et Washington en général continue d’armer Israël.
Car, en cas de scrutin serré, c’est lui qui de South Beach et Miami va décider l’identité du prochain président des États-Unis.
L’équation israélienne est complexe. Elle est à la hauteur de son poids dans l’exercice démocratique Américain.


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