Les sans-gêne

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«On nous prend pour des caves»





 


Si certains Québécois s’interrogeaient encore sur la valeur que leur premier ministre accorde à leur intelligence, les voilà désormais renseignés.


Si d’autres cherchaient toujours à savoir si leur chef de gouvernement était doté d’une forme quelconque d’intelligence émotionnelle, ils le sont également.


La réponse de Philippe Couillard aux révélations du reportage présenté jeudi à Enquête est en dessous de tout. Il paraît plus mal ce matin que s’il avait plutôt choisi de passer le week-end chez lui à regarder des séries sur Netflix.


Manque de classe


Il y a d’abord le temps et le lieu. C’est vendredi que le premier ministre aurait dû réagir aux révélations. Pas samedi, sur un perron d’église, suivant les funérailles d’une grande dame.


Quel manque de classe. Quelle indignité. À un ami, avec qui je supputais sur ce que le premier ministre aurait à déclarer après la messe, je disais : « Il ne va quand même pas annoncer que Hamad se retire, ça ne se fait pas dans un tel contexte. »


Je dois donc conclure que Philippe Couillard est en deçà de mes propres attentes, déjà basses, à son endroit.


C’est une critique de forme, peut-être, mais elle révèle un problème de fond.


Le chef du Parti libéral prend des vessies pour des lanternes quand il nous dit à quel point son ami Sam est honorable en choisissant lui-même de se retirer du conseil des ministres. La veille encore, celui-ci affirmait être irréprochable et n’avait aucune intention de faire un pas de côté.


Que s’est-il passé, de vendredi à samedi? Sam Hamad a connu l’épiphanie? Le fantôme de Louis-Alexandre Taschereau est venu le hanter? La roue à trois boutons lui est apparue en rêve? Le pétard s’est asséché?


Ben non. Après avoir soupesé le ton des colonnes du matin, l’entourage du premier ministre lui a fait savoir qu’il serait préférable qu’il se retire. C’est ça qui est arrivé.


Niveau éthique


Le ton et le propos du premier ministre témoignent également de son propre niveau éthique.


Résumons la situation. Un homme qui, devant la commission Gomery, a fait des admissions qui lui ont valu une expulsion du Parti libéral du Canada, annoncée par Jean Lapierre à l’époque, prétend à des partenaires d’affaires qu’un ministre, dont les responsabilités n’ont par ailleurs aucun lien avec leur lieu et leur secteur d’activité, usera de sa présence au sein du Conseil du Trésor pour leur obtenir des subventions. Il sollicite aussi auprès d’eux des fonds pour soutenir ses campagnes électorales. Ces deux éléments sont démontrés.


Ça, ça ne dérange pas Philippe Couillard. Il trouve ça normal. Irréprochable. Il est toujours autant en confiance.


Précisons également que l’individu en question a déjà collecté des sommes pour ses propres campagnes. Qu’il fait actuellement l’objet d’accusations criminelles pour fraude.


Il ne s’agit pas de faire de la culpabilité par association. Il s’agit plutôt de voir comment Sam Hamad et Philippe Couillard se gouvernent eux-mêmes face à une culpabilité admise devant la Commission Gomery et assez plausible pour mener à un procès.


Ce sont des choses qui ne dérangent pas notre premier ministre. C’est là que se trouve le compas moral de celui qui prétend diriger un nouveau Parti libéral.


Un titre de noblesse


Il y a une autre chose d’inacceptable dans ce que Philippe Couillard nous a annoncé hier et c’est le fait que Sam Hamad conservera toutes les attributions d’un ministre pendant l’évaluation qui sera effectuée par le commissaire à l’éthique.


Des travaux dont on connaît déjà la conclusion : le commissaire n’a aucun pouvoir d’enquête. Il ne pourra faire autrement que de conclure que les informations dont il dispose ne lui permettent pas de confirmer un manquement.


Au Parti libéral, les fonctions ministérielles, c’est comme un titre de noblesse. On le tient de naissance (l’élection) et en conserve les lettres patentes jusqu’à notre mort, physique ou politique.


On dira que tous les politiciens sont pareils, mais c’est différent au Parti Québécois. Est-ce que quelqu’un aurait reproché à Véronique Hivon de se faire moins présente à Québec et moins assidue dans ses dossiers alors qu’elle vivait une grossesse à risque, en 2012? Non, jamais.


Pourtant, elle avait quand même choisi de démissionner. Parce que c’est une femme décente, dotée de sens de l’État. Si on ne peut exercer des fonctions ministérielles de façon effective, on ne les occupe pas. Point.


Pas au Parti libéral. Être ministre, c’est un droit. Ça a même des vertus thérapeutiques. Qu’il s’agisse de Sam Hamad ou Lise Thériault, l’incompétence ou des doutes sur quelque chose d’aussi banal que l’intégrité ne justifient pas une mise de côté. C'est plutôt assimilable à une forme de maladie, dixit docteur Couillard.


Électorat captif


Et pourquoi en fait-on si peu de cas, au PLQ?


Parce que les libéraux savent qu’ils seront réélus. C’est ça, une démocratie à parti unique. La corruption n’y connaît plus de limites.


Hier, j’ai proposé à un ami de gager 200 $ que si les révélations concernant Sam Hamad finissaient par mener à sa démission comme député, les libéraux remporteraient néanmoins la partielle dans Louis-Hébert.


Écoutez. Ce gouvernement traverse depuis janvier la pire séquence politique vue de mémoire d’homme et c’est à peine s’il a perdu trois points dans les sondages.


Les électeurs libéraux ne se préoccupent pas de concepts comme la compétence ou l’intégrité. Les électeurs libéraux veulent éviter un référendum. C’est tout.


Ne vous étonnez donc pas que Philippe Couillard et son entourage ne s’embarrassent que d’aussi peu de gêne. La servilité de leur clientèle électorale le leur permet.


MISE À JOUR 20h54 : Sam Hamad aurait quitté la ville hier soir, en direction d'une destination soleil. Celui qui reçoit toujours une rénumération de ministre ne sera donc pas à Québec cette semaine pour les travaux parlementaires, où le gouvernement sera certainement interrogé à son sujet. 


On nous prend pour des caves...



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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.





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