Les poulains de Bernard Landry

Société nationale du cheval de course (SONACC)


Bernard Landry se mord encore les doigts d'avoir démissionné de son poste de chef du Parti québécois sur un coup de tête. Il multiplie les interventions et porte ombrage à son successeur d'une façon qui semble bien montrer qu'il rêve de reprendre du service.
Le scandale de la Société nationale du cheval de course, que le vérificateur général a décrit avec minutie cette semaine, devrait refroidir ses ardeurs. La SONACC, c'est en effet le bébé de Bernard Landry, et les poulains que l'on a élevés à coups de fonds publics, ce sont les siens. Si on a englouti des centaines de millions dans cette aventure, si cette structure douteuse a permis la multiplication des irrégularités, c'est à M. Landry qu'en revient d'abord la responsabilité.
Et ce n'est pas une erreur de parcours. La stratégie déployée par M. Landry, alors ministre des Finances, pour venir en aide aux "hommes de chevaux", reflète sa philosophie, son modus operandi, sa conception de l'intervention économique.
Ce dossier des chevaux de course, je le suis depuis longtemps. Depuis que M. Landry, en 1997, s'est lancé dans un étrange et coûteux sauvetage de Blue Bonnets et ensuite dans la création de la SONACC, en 1999, pour développer l'industrie des courses.
"Pourquoi un homme intelligent comme M. Landry engloutit-il des fonds publics dans une industrie sans avenir, dans le crottin jusqu'aux oreilles, qui ne sera jamais rentable et qui propose une forme de divertissement dont les gens ne veulent rien savoir?" C'est ce que j'écrivais en 2000. Et honnêtement, il ne fallait pas être un grand devin pour prévoir l'échec.
Car qu'est ce qu'on découvre, six ans plus tard? Que cette intervention mal ficelée a ouvert la porte à des abus. Mais bien plus encore, et c'est là le vrai scandale, que les 260 millions de fonds publics injectés dans le monde des courses entre 1999 et 2005 n'ont rien donné. Cette industrie est aussi moribonde avant qu'après.
Cet échec s'explique en partie par la doctrine de M. Landry, partisan de l'intervention dans l'économie et persuadé que le gouvernement peut réussir là où le marché est impuissant. C'est parfois vrai. Mais dans le cas des "hommes de chevaux", la loi du marché, c'est que les hippodromes périclitent parce que les Québécois ne sont plus intéressés à aller voir des courses et parier sur des chevaux. Le volontarisme étatique n'y changera rien.
Mais ce qui est étonnant, c'est que même pour un interventionniste incorrigible, il y a des règles à respecter. D'abord, celle qui nous dit qu'on n'engloutit pas des fonds publics pour soutenir des secteurs dont la viabilité est douteuse. Et ensuite, que l'État doit se tenir loin de secteurs dont les valeurs sont incompatibles avec les siennes. Le monde des courses, c'est le monde du jeu, avec, pas loin, la magouille, les shylocks et les bookmakers. Le ministre d'alors n'a pas respecté ces règles, dans ce qui semble être un manque de jugement et de cohérence interne.
Ajoutons à cela un laxisme dans l'utilisation des fonds publics, qui reflète un grand mépris pour ceux qui les fournissent, les contribuables. Et la logique de l'engrenage, qui fait que les gouvernements ont du mal à se désengager une fois qu'ils se sont lancés dans une intervention. Une logique de fuite en avant certainement amplifiée par l'orgueil qui pousse bien des politiciens dans la fuite en avant pour ne pas avoir à admettre leurs erreurs.
Mais il y a quelque chose d'encore plus troublant dans ce dossier, et ce sont les carences d'éthique et de gouvernance. C'était manifestement le party à la SONACC, comme l'a révélé le vérificateur, avec les bonis, les allocations généreuses, les hausses de salaires non fondées. Ce n'est évidemment pas M. Landry qui a mis de l'argent dans ses poches, mais c'est lui qui est responsable du cadre qui a permis ces dérives. On y retrouve un "pattern" tout à fait similaire à celui qui a mené aux dérapages des commandites.
Quels en sont les ingrédients? Premièrement, l'appui politique musclé du ministre Landry à la cause des chevaux envoyait un message fort, qui encourageait tout le monde à regarder de l'autre côté. Deuxièmement, le côté bidon de la stratégie, et l'absence d'objectifs sérieux, qui encourageait le laxisme. Troisièmement, le milieu lui-même. Et quatrièmement, comme dans d'autres projets où M. Landry a mis son poids, l'absence de mécanismes de contrôle et de reddition de compte.
Bref, le scandale de la SONACC constitue, à lui seul, une raison suffisante pour souhaiter que M. Landry reste à la retraite


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    27 juillet 2008

    Disons que le Monsieur Couillon lui a donné un bon coup de main en interdisant le fumage dans les endroits comme les bars et les hyppodromes.Parlez en à ceux et celles qui travaillent à Blue Bonnets et ils vont vous dire que lorsque que la loi sur le tabac fut mis en vigueur le taux de présence a tombé de moitié.
    Personne en parle de ces pertes à cause de cette loi.