Les lièvres et la tortue

Élections fédérales du 14 octobre 2008

La présente campagne électorale fédérale sera-t-elle à l'image de la fable du lièvre et de la tortue? Dès le début de cette campagne fédérale, tous les politiciens de l'opposition, nombre de commentateurs, chroniqueurs et artistes, ont sonné le tocsin devant la menace d'un prochain gouvernement conservateur, dénonçant les dangers d'un régime idéologiquement militariste, répressif, noyauté par le mouvement religieux fondamentaliste, et dans lequel les membres québécois manifestent leur inculture et leur ignorance de l'histoire.
Mais où était donc tout ce beau monde au cours des deux ans et huit mois qui viennent de s'écouler? Pourtant, la direction que prenait M. Stephen Harper était claire dès le début: un ministre non élu, une loi sur les élections à date fixe, des conférences de presse sur invitation, l'abandon du protocole de Kyoto et du registre des armes à feu, la hausse vertigineuse des dépenses militaires, plus de policiers et plus de prisons pour garantir la loi et l'ordre: tout à l'image des États-Unis d'Amérique.
Ensuite des mesures rétrogrades, sapant les bases de notre société démocratique et égalitaire: abolition du programme de contestation judiciaire des lois fédérales, retrait des subsides aux groupes de femmes, aux fêtes populaires et festivals de toutes sortes, modifications au Code criminel axées sur la répression ignorante et sans âme, alignement de la politique extérieure sur la position israélo-étasunienne.
Quoi encore? La participation de policiers à la nomination des juges, l'imposition de peines minimales sans égard aux circonstances et au vécu des contrevenants, phobie antiterroriste, propagande guerrière assassine de jeunes soldats innocents. Et plus récemment: mesures fiscales de censure des oeuvres cinématographiques, abolition des subventions aux organismes socio-économiques, suppression des programmes de promotion des arts... pardon pour les oublis.
Les jalons de la politique conservatrice nous indiquent clairement la direction que prendrait M. Harper s'il était réélu. Minoritaire ou majoritaire, la différence est la même qu'entre une tumeur bénigne ou maligne. Car à quoi ressemblerait le Canada si M. Stephen Harper détenait la majorité à Ottawa? À une société isolée, monochrome, sans amour, éteinte, axée sur la crainte de châtiment divin, et la peur des criminels, des drogués, des homosexuels, des immigrants...
Sur le plan moral, le Canada idéal pour M. Stephen Harper, ou pour M. Stockwell Day, son ministre de la Sécurité publique «créationniste», ce serait la Florence de Savonarole, la Genève de Jean Calvin, ou le Québec de Duplessis!
Quand les chefs des partis d'opposition déclarent que les valeurs véhiculées par les conservateurs sont contraires à celles qui ont bâti le Canada, ils ont cent fois raison. Mais c'était tout aussi vrai il y a deux ans et huit mois! Mais ils auraient dû, en toute conscience, dès le premier budget conservateur, renoncer pour un temps à se tirer dans les jambes, au nom de la civilisation moderne, pluraliste et laïque, et renverser ce gouvernement d'un autre âge. Les politiciens s'ennobliraient en revêtant la toge de l'éducateur, de gardien des valeurs de progrès et de dignité humaine, plutôt de se chamailler honteusement pour de vaines gloires.
Comme la tortue de la fable, la machine conservatrice sourit peu et avance lourdement, sous le poids de ses certitudes. Reste cependant à espérer que les lièvres des partis d'opposition fédéraux maintiendront le cap dans une commune dénonciation des dérives et des blessures profondes que M. Stephen Harper a déjà infligées au Canada. À cette condition seulement, ayant commencé la course plus que tardivement, pourront-ils réécrire la célèbre fable.


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