Quelle différence y a-t-il entre un voyage sur le yacht d'un riche entrepreneur et des séjours de luxe dans le château d'un baron de la finance? Comment réagir quand des faits troublants et admis mettent en cause le premier ministre, la vice-première ministre ainsi que le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec?
M. Jean Charest a admis avoir été reçu plus d'une fois par la famille Desmarais, à Sagard, au domaine du président de Power Corporation. M. Charest refuse, cependant, de préciser le moment et l'objet de ces rencontres. De plus, le bureau de la vice-première ministre, Mme Line Beauchamp, a confirmé que cette dernière avait fait deux visites de quelques heures au même domaine. Enfin, M. Michael Sabia a admis y avoir passé un week-end.
La famille Desmarais est à la tête d'une des plus grandes fortunes du pays et détient un puissant empire médiatique. Rappelons que son conglomérat Power Corporation a d'immenses intérêts liés à ses activités complexes sur le territoire québécois. De nombreuses décisions du gouvernement et de ses institutions, notamment la Caisse de dépôt et placement du Québec, lui profitent directement ou indirectement.
Une forte apparence de conflit d'intérêts
Messieurs Charest et Sabia se défendent de toute entorse à l'éthique et affirment que ces visites constituaient de simples «activités sociales».
Mais sur quelle planète vivent-ils? Ne leur semble-t-il pas évident que ces rencontres admises à contrecoeur et ces relations jusqu'alors dissimulées constituent un contexte propice à des échanges et, conséquemment, à semer un doute sérieux dans l'esprit des gens?
Accepter l'invitation de la puissante famille Desmarais constitue une violation flagrante des principes les plus élémentaires des règles applicables en matière de conflit d'intérêts. Sur cette question, de nombreux codes éthiques ou de déontologie, ici et ailleurs, sont très clairs: il faut éviter tout autant l'apparence de conflit d'intérêts que toute action avérée qui puisse constituer un conflit d'intérêts.
Ce que disent les codes d'éthique
Dans un document produit par le ministère de M. Charest, soit le Conseil exécutif, et destiné aux membres de la fonction, il est précisé que le titulaire d'une charge publique «ne peut accepter, en plus du traitement auquel il a droit, une somme d'argent ou toute autre considération liées à l'exercice de ses fonctions. Il peut toutefois accepter un cadeau, une marque d'hospitalité ou un autre avantage, mais à condition que ceux-ci soient d'usage et de valeur modeste» (www.mce.gouv.qc.ca/publications/ethique.pdf). Est-il possible de croire qu'une fin de semaine d'hospitalité dans le majestueux domaine Sagard constitue un usage ou une valeur modeste?
De plus, selon les articles 30 et 31 du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale, «un député doit refuser [...] toute marque d'hospitalité ou tout autre avantage, quelle que soit sa valeur, qui peut influencer son indépendance de jugement dans l'exercice de ses fonctions ou qui risque de compromettre son intégrité ou celle de l'Assemblée nationale». M. Charest a de toute évidence manqué à ce devoir de prudence élémentaire.
Des relations privées, vraiment?
Et si ce code ne s'applique pas à l'«hospitalité ou autres avantages reçus» par M. Charest sous le prétexte qu'il s'agit «d'une relation purement privée», quelle est la nature précise des relations privées entretenues par M. Charest avec l'empire de Power Corporation? Le public a besoin de cette information pour formuler un jugement éclairé sur les décisions prises par le gouvernement. Il doit pouvoir distinguer les orientations choisies pour assurer le bien commun de celles qui peuvent être liées à la relation privée qu'entretient M. Charest avec une des plus grandes fortunes du pays.
Dans un sondage récent (Léger Marketing, 15 janvier 2012), les deux tiers des gens ayant accepté de répondre ne pensent pas que le premier ministre du Québec est une personne intègre! M. Charest doit donc tout faire pour restaurer la confiance du public.
La population a raison de s'indigner
Au cours des 10 dernières années, de trop nombreux exemples de conflits d'intérêts patents ont frappé l'imagination des Québécois. La population s'indigne avec raison de tels manquements à l'éthique; devant des gestes qui, même s'ils ont été posés en toute légalité, se produisent en toute impunité à une fréquence intolérable.
Québec solidaire partage cette indignation et se range résolument du côté des gens ordinaires, du 99 % qui n'est pas invité aux banquets du 1 %, que ce soit à Sagard ou ailleurs.
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Amir Khadir - Député de Mercier et porte-parole de Québec solidaire
Sagard
Les liaisons dangereuses de M. Charest
Jean Charest a admis avoir été reçu plus d’une fois par la famille Desmarais, à Sagard, au domaine du président de Power Corporation.
L'affaire Desmarais
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Député de Mercier et porte-parole de Québec solidaire
Médecin à l'hôpital Pierre-Le-Gardeur et porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir est médecin spécialiste en microbiologie-infectiologie et associé de recherche en maladies infectieuses.
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Député de Mercier et porte-parole de Québec solidaire
Médecin à l'hôpital Pierre-Le-Gardeur et porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir est médecin spécialiste en microbiologie-infectiologie et associé de recherche en maladies infectieuses.
Amir Khadir est une des icônes de la gauche québécoise. Avec Françoise David, il est le porte-parole du tout nouveau parti Québec solidaire, une formation issue de la fusion de l’Union des forces progressistes (UFP) et d’Option citoyenne.
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