Les «immigrants» de Hérouxville

Hérouxville - l'étincelle


Mario Girard -

Les fameuses «normes de vie» adoptées par le conseil municipal de Hérouxville font bien des remous. Ce petit village tranquille de la Mauricie a trouvé une façon originale de prendre part au débat actuel sur les accommodements raisonnables.
Grâce à un sondage, il a été décidé qu'à Hérouxville «on ne lapide pas les femmes» qu'une femme «peut être soignée par un homme médecin» ou l'inverse, que dans les écoles «les enfants ne doivent porter aucune arme (...) symbolique ou non» et que les enseignants accomplissent «leurs fonctions à visage découvert».
Applaudie par de nombreux citoyens (Hérouxville croule sous les courriels élogieux), cette initiative inquiète les observateurs. Quant aux juristes, ils affirment que cette «charte»n'a aucune valeur.
Samuel était très heureux hier matin. Caché dans un igloo improvisé au fond de sa cour, le garçon de 7 ans se tenait loin des discussions que ses parents avaient depuis le lever. Car à Hérouxville hier, on n'en avait que pour une chose: le fameux «code de vie» que le conseil municipal venait d'adopter et que La Presse rapportait à sa une.
À Hérouxville, tout le monde connaît Samuel. Le petit coquin qui distribue des sourires à la volée est le seul Noir de son village. Le seul? Pas tout à fait, il y a aussi une famille d'origine dominicaine qui habite non loin de chez lui. Il y a aussi parmi les «immigrants» un Français, un Américain et une famille de la Nouvelle-Écosse.
Mais chose certaine, Samuel représente actuellement l'unique «minorité visible» de son école, qui rassemble environ 75 élèves. «Tout le monde ici savait que je voulais tomber enceinte et que ça ne marchait pas, raconte sa mère, Julie Mercier. Quand j'ai fait une demande d'adoption et que j'ai su que ça allait être un petit Haïtien, ça s'est rapidement su. Le lendemain de l'arrivée de Samuel, je l'ai installé sur le comptoir de l'épicerie que possédait mon père et tout le village a défilé pour venir le voir. Les gens étaient curieux et c'est normal.»
Julie Mercier fait partie des citoyens de Hérouxville qui pensent que le conseil municipal de son village a eu raison d'établir cette liste de «normes» officielles. «Je ne voudrais pas qu'on s'imagine que les gens de Hérouxville sont racistes, dit-elle. S'il y avait des femmes musulmanes qui devaient venir s'installer ici, je les accueillerais à bras ouverts. Je trouve juste plate qu'elles doivent porter un voile.»
300 courriels à l'heure
Le conseiller municipal André Drouin est l'instigateur de ce projet qui a pris la forme d'un document officiel en route pour cinq ministères provinciaux et deux ministères fédéraux. Rencontré dans sa paisible demeure en bordure du lac Castor, l'homme n'en revenait pas de l'impact que prenait cette affaire.
«Depuis 6h ce matin, on reçoit 300 courriels à l'heure, dit-il. Et ils sont pour la grande majorité très favorables. Ça vient de partout. On a même reçu des courriels de la France et de l'Australie.» En soirée hier, le site Internet de la municipalité avait reçu 1700 courriels.
Cette forte réaction s'explique facilement, selon André Drouin. «On a demandé au peuple ce qu'il pensait, c'est cela le secret. Je trouve qu'on dialogue trop. Moi les droits, j'ai de la misère avec ça. Je préfère parler de devoirs et d'obligations. Chaque fois que vous donnez des droits à quelqu'un, vous ajoutez une brique aux murs qui l'emprisonnent.»
Quand on rappelle à André Drouin que les désirs du «peuple» ne reflètent pas toujours la voix des minorités, il s'arrête deux secondes avant de reprendre. «Moi je ne vois pas de minorités, dit-il. Si tout le monde s'intègre aux autres, il n'y aura pas de minorités.»
Le conseiller municipal a confié que durant la matinée d'hier il avait été approché par un parti politique. «Je ne vous en dis pas plus, dit-il. Tout ce que je peux ajouter c'est que j'ai répondu à celui qui m'a téléphoné que le jour où ils mettront leurs culottes, je m'intéresserai à eux.»
André Drouin espère maintenant que ce document jouira d'une quelconque reconnaissance sur le plan juridique ou constitutionnel. Et si ce document n'avait aucune valeur. «Ça, mon cher monsieur, c'est ce que j'attends de voir. Et si c'est le cas, la terre entière va le savoir.»
C'est génial
Au Marché Gervais, la principale épicerie du village, les citoyens rencontrés applaudissaient tous l'initiative de leur municipalité. «Si des gens de l'extérieur décident de venir s'établir chez nous, c'est à eux de s'accommoder, dit Charles Dumont, un éleveur de lapins de 28 ans. C'est le gros bon sens, il me semble.»
«On a l'impression que c'est un message d'intolérance, dit Jocelyne Gervais, la copropriétaire de l'épicerie. En fait, c'est le contraire. Ça respecte tous les individus. Moi je trouve cela génial», ajoute-t-elle.
La maman de Samuel trouve elle aussi que les habitants de Hérouxville sont très tolérants à l'égard des étrangers. Elle affirme que son fils n'a jamais été victime d'insultes de la part de ses camarades de classe. «Au fond, il est tellement protégé ici que je me dis qu'il faudra bien un jour le préparer à ce qui l'attend plus tard ailleurs», dit Julie Mercier.


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