Rupture avec l’Iran

Les gros bras

Et à qui donc le Canada peut-il faire peur ?

Géopolitique — nucléaire iranien


On cherchera en vain le véritable déclencheur dans la profusion de généralités qu’a énoncées le ministre des Affaires étrangères John Baird pour expliquer la fermeture inopinée, vendredi, de l’ambassade canadienne à Téhéran et l’expulsion des diplomates iraniens en poste ici. Il faut plutôt y lire la réponse canadienne à un contexte particulier : l’agitation sur le front iranien et israélien qui s’est aggravée cet été.
La députée néodémocrate Hélène Laverdière, qui a elle-même longtemps travaillé au ministère des Affaires étrangères, regrettait vendredi que cette annonce ait été faite « sans consultation avec les partenaires ». Et pourtant, elle fait un heureux : Israël. Le premier ministre Benyamin Netanyahou s’est empressé de féliciter le premier ministre Stephen Harper pour « cette décision courageuse », qui tombe pour lui à point nommé.
Il faut voir qu’Israël a très mal reçu la tenue, la semaine dernière à Téhéran, du Sommet des non-alignés, nouvelle occasion de dénonciations iraniennes à l’heure où tout Israël bruit de rumeurs d’une intervention militaire contre l’Iran. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, présent au sommet, a bien tenté de calmer le jeu en appelant les deux pays à stopper la « spirale de la violence », en vain.
Or cette présence même de M. Ban Ki-moon agaçait Israël. Se faisant l’écho de cette préoccupation, le ministre Baird avait donc écrit, fin août, au secrétaire général de l’ONU pour lui demander de se retirer du sommet, faisant valoir la crainte d’une récupération politique de l’événement au détriment d’Israël. Cette demande est restée lettre morte, mais elle était un témoignage de plus de l’indéfectible appui du gouvernement de M. Harper envers Israël.
M. Netanyahou n’a donc pas hésité à lier l’annonce canadienne de vendredi au déroulement du sommet. « Cette décision responsable survient une semaine après les manifestations d’antisémitisme et de haine constatées à Téhéran », souligne-t-il.
Mieux encore, elle tombe pile au moment où il presse la communauté internationale de renforcer ses sanctions contre l’Iran pour l’empêcher de se doter de l’arme nucléaire. Mais les États-Unis espèrent plutôt calmer en douce les envies belliqueuses israéliennes alors que l’Union européenne soupèse le poids des sanctions par opposition aux négociations.
Qui donc alors jouera les gros bras face à l’Iran ? L’ami canadien, qui ne craint pas de faire cavalier seul quand il s’agit d’Israël. Ce fut le cas dès l’arrivée au pouvoir de M. Harper en 2006, le Canada devenant le premier pays occidental à définir le Hezbollah comme une organisation terroriste. Six ans plus tard, Israël demande toujours à l’Union européenne d’en faire autant, ce qui lui a encore été refusé en juillet.
À quoi s’ajoute la manière brusque dont le Canada mène dorénavant ses interventions internationales. Plus question de ménager qui que ce soit, pour le meilleur mais surtout pour le pire. Que gagne le Canada de ce style matamore ? Certainement pas de la crédibilité, ni une contribution au nécessaire apaisement des tensions. Et à qui donc le Canada peut-il faire peur ?


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