PC - 6.1.99
"Les Filles du Roi sont des filles formidables. Ce sont elles qui ont créé la nation québécoise, et on doit être très fier d’elles."
Celle qui s’exprime ainsi, c’est Colette Piat, romancière française qui a fréquenté pendant un an, par le biais d’une multitude de livres et de documents, ces femmes que l’on a surnommées "les filles de joie". Ces filles ont marqué les débuts de l’immigration au Québec, à la suite de la décision de Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, de créer l’institution des "Filles du Roi", destinée à trouver des femmes pour les colons de Nouvelle-France.
De cette recherche est née un roman, "Les Filles du Roi", une fresque colorée qui entraîne le lecteur à la suite de Marie Arnault, personnage imaginaire au nombre de ces femmes venues peupler le Québec.
Si Colette Piat a déjà à son actif, depuis les quelque 20 années qu’elle pratique l’écriture, rien de moins que 22 publications, les débuts de sa carrière avaient cependant emprunté les sentiers du droit.
"J’avais mené une licence en lettres, mais aussi une licence en droit dont mon père, qui est médecin, était très fier, racontait-elle récemment, dans le cadre du Salon du livre de Montréal. Mais je n’ai pas du tout aimé ce milieu, ni le milieu juridique ni les avocats, et lorsque l’un de mes clients s’est suicidé parce qu’on lui refusait la garde de son petit garçon, j’en ai fait une maladie et j’ai quitté le droit."
Peu de temps après, elle publiait un pamphlet vitriolique intitulé "Une robe noire accuse", et fait scandale à l’émission télévisée "Apostrophes", animée par Bernard Pivot.
Depuis, ainsi qu’elle en convient elle-même, elle dispense son fiel dans la littérature. "Je ne peux pas m’empêcher d’être vindicative, bien malgré moi. Et à chaque fois qu’on aborde un sujet qui peut donner lieu à des discussions, je prends le parti de l’opprimé."
Son intérêt pour l’histoire lui vient d’une première recherche qu’elle a faite sur le Père Joseph, éminence grise des Capucins qui a habité son villlage, Rueil-Malmaison, en banlieue de Paris. Cette recherche l’a amenée à s’intéresser à la condition des gens sous Louis XIV, et tout particulièrement à la population qui s’était retrouvée à la prison parisienne de la Salpêtrière, aujourd’hui devenue un hôpital, où avaient été recrutées les Filles du Roi.
"Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, on y trouvait surtout des orphelines, peut-être quelques prostituées, mais bien peu. Cette recherche et l’écriture de mon roman m’ont permis de rétablir la vérité historique à leur sujet, mais aussi d’écrire sur la misère épouvantable qui sévissait en France sous Louis XIV."
Car une bonne partie du roman de Mme Piat se déroule en France, dans la deuxième partie du 17e siècle, et parle des conditions de vie d’alors, une autre portion s’intéressant aux conditions extrêmement pénibles de traversée en mer, au cours de voyages qui duraient trois mois, une troisième portant enfin sur l’installation au pays et les débuts de la colonie.
L’aventure proposée au lecteur est vécue par Marie Arnault, femme brillante et véritable force de la nature qui connaît une vie tumultueuse et passionnée, et qui fait la preuve que l’amour peut vaincre tous les obstacles et toutes les distances.
Pour ses recherches, Mme Piat a séjourné au Québec. Elle confie d’ailleurs qu’elle n’était pas la même femme lorsqu’elle est arrivée dans la province que lorsqu’elle en est repartie.
"J’ai écrit ce roman avec la plus grande sincérité, davantage pour les Québécois que pour les Français. Mais ce que j’aimerais aussi que ces derniers sachent, c’est qu’ils ont ici un frère qu’ils ont abandonné."
La romancière envisage une suite à "Les Filles du Roi" qui ramènera Marie au Québec. "Elle reviendra, c’est sûr, parce que moi, je suis bien revenue!"